Tunisie
Rémy Leveau : <i>«La fin d'une tolérance complice»</i>
Charles Josselin n'ira pas en Tunisie. La visite du ministre délégué français à la Coopération, programmée pour le 8 mai, a été annulée suite à une modification de son programme par les autorités tunisiennes. Furieuses d'apprendre que ce dernier envisageait une rencontre avec des défenseurs des droits de l'homme, elles avaient tout simplement supprimé les entretiens prévus avec le président Ben Ali et le ministre des Affaires étrangères. Pour Rémy Leveau, spécialiste du Maghreb, auteurs de nombreux ouvrages, il faut relativiser la portée de cette affaire, même si elle révèle un infléchissement de la diplomatie française à l'égard de Tunis.
RFI : Qu'est-ce que l'annulation du voyage de Charles Josselin signifie pour les relations franco-tunisiennes ?
Rémy Leveau : Je pense que ça n'aura pas une grande influence sur le cours des choses. Cela dit, ça montre une certaine nervosité du côté tunisien et la fin de la tolérance assez largement complice des débordements sécuritaires du régime tunisien que le système politique français avait manifesté dans le passé. C'est donc, en quelque sorte, un recadrage qui ne coûte pas trop cher parce que, après tout, nous ne sommes pas les seuls à éprouver des réserves à l'égard des autorités tunisiennes. C'est un sentiment qui est partagé par d'autres pays européens et par les Etats-Unis. Pour les Français, ce conflit relatif a moins d'importance qu'avec l'Algérie par exemple.
RFI : Comment analysez-vous ce relatif changement d'attitude de la France vis-à-vis de la Tunisie ?
RL : L'usure qui intervient après pas mal de débat interne. En France, il y a eu l'ouvrage de Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi, Notre ami Ben Ali (La Découverte, 1999). Il y a eu autour de ça pas mal de manifestations des opposants tunisiens en France. Tout cela agace le pouvoir tunisien qui n'aime pas attirer l'attention sur lui et estime que le système politique français est trop complice de ces opposants.
«L'autoritarisme est gratuit et inutile»
RFI : Pourquoi la Tunisie avait-elle jusqu'ici bénéficié de la mansuétude des autorités françaises ?
RL : D'un côté, il y a l'ancienne situation coloniale qui fait qu'on hésite toujours à critiquer les régimes nés des indépendances. De l'autre, la posture de lutte contre l'islamisme adoptée par le gouvernement tunisien. Mais aujourd'hui, le sentiment largement partagé est qu'il n'y a plus de danger islamiste et que l'autoritarisme est gratuit et inutile par rapport à ce type d'objectif.
RFI : Si on ajoute à la Tunisie, la récente intervention du ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine au parlement sur les événements de Kabylie, faut-il conclure à un infléchissement plus large de la diplomatie française?
RL : Il semble qu'il y a un peu moins de restrictions que dans le passé. D'abord, parce qu'il y a un débat public en France. Il y a une opinion qui est mobilisée. Et puis des personnes qui résident en France, qui sont des Franco-Maghrébins et qui ont des positions assez fermes à l'égard des gouvernements de l'autre côté de la Méditerranée. On en n'est pas au rôle des Cubains de Miami à l'égard du régime de Fidel Castro. Mais après tout, si ces opinions s'expriment sur le territoire français, le système public français finit par en tenir compte.
Rémy Leveau : Je pense que ça n'aura pas une grande influence sur le cours des choses. Cela dit, ça montre une certaine nervosité du côté tunisien et la fin de la tolérance assez largement complice des débordements sécuritaires du régime tunisien que le système politique français avait manifesté dans le passé. C'est donc, en quelque sorte, un recadrage qui ne coûte pas trop cher parce que, après tout, nous ne sommes pas les seuls à éprouver des réserves à l'égard des autorités tunisiennes. C'est un sentiment qui est partagé par d'autres pays européens et par les Etats-Unis. Pour les Français, ce conflit relatif a moins d'importance qu'avec l'Algérie par exemple.
RFI : Comment analysez-vous ce relatif changement d'attitude de la France vis-à-vis de la Tunisie ?
RL : L'usure qui intervient après pas mal de débat interne. En France, il y a eu l'ouvrage de Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi, Notre ami Ben Ali (La Découverte, 1999). Il y a eu autour de ça pas mal de manifestations des opposants tunisiens en France. Tout cela agace le pouvoir tunisien qui n'aime pas attirer l'attention sur lui et estime que le système politique français est trop complice de ces opposants.
«L'autoritarisme est gratuit et inutile»
RFI : Pourquoi la Tunisie avait-elle jusqu'ici bénéficié de la mansuétude des autorités françaises ?
RL : D'un côté, il y a l'ancienne situation coloniale qui fait qu'on hésite toujours à critiquer les régimes nés des indépendances. De l'autre, la posture de lutte contre l'islamisme adoptée par le gouvernement tunisien. Mais aujourd'hui, le sentiment largement partagé est qu'il n'y a plus de danger islamiste et que l'autoritarisme est gratuit et inutile par rapport à ce type d'objectif.
RFI : Si on ajoute à la Tunisie, la récente intervention du ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine au parlement sur les événements de Kabylie, faut-il conclure à un infléchissement plus large de la diplomatie française?
RL : Il semble qu'il y a un peu moins de restrictions que dans le passé. D'abord, parce qu'il y a un débat public en France. Il y a une opinion qui est mobilisée. Et puis des personnes qui résident en France, qui sont des Franco-Maghrébins et qui ont des positions assez fermes à l'égard des gouvernements de l'autre côté de la Méditerranée. On en n'est pas au rôle des Cubains de Miami à l'égard du régime de Fidel Castro. Mais après tout, si ces opinions s'expriment sur le territoire français, le système public français finit par en tenir compte.
par Propos recueillis par Christophe CHAMPIN
Article publié le 04/05/2001