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Guerre d''Algérie

Aussaresses sous le coup d'une enquête

Le parquet de Paris a décidé d'ouvrir, jeudi, une enquête préliminaire après le dépôt d'une plainte par la Ligue des Droits de l'Homme pour «apologie de crimes de guerre» contre le général Paul Aussaresses, qui a récemment reconnu avoir commis des tortures et exécutions pendant la guerre d'Algérie dans un ouvrage publié le 3 mai dernier et intitulé «Services-spéciaux Algérie 1955-1957».
Une enquête préliminaire pour «apologie de crimes de guerre» a été ouverte jeudi contre le général Paul Aussaresses après la plainte déposée par la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) contre le militaire. En revanche, le parquet de Paris n'a pas ouvert d'enquête suite aux plaintes déposées par la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (FIDH) et par le Mouvement contre le racisme et l'amitié entre les peuples (MRAP) estimant que «la qualification de crime contre l'humanité ne peut s'appliquer aux faits dénoncés». Cette incrimination «qui n'existe dans notre droit que depuis le 1er mars 1994 ne peut s'appliquer à cette affaire. Seuls les crimes contre l'humanité commis pendant la Seconde guerre mondiale ont pu être poursuivi sur le fondement de la Charte du tribunal militaire international de Nuremberg» a expliqué le procureur de la République, Jean-Pierre Dintilhac.

Quant à Josette Audin, veuve du militant communiste Maurice Audin disparu en 1957 à Alger après son arrestation par l'armée, elle a déposé une plainte contre X «avec constitution de partie civile» pour «crime contre l'humanité» et «séquestration», un artifice juridique déjà précédemment utilisé contre Augusto Pinochet. Par ailleurs, la thèse officielle de la disparition de Maurice Audin a été mise à mal par Yves Cuomo, l'un des témoins-clés de cette disparition et jeune sergent à l'époque des faits. Selon lui, le prisonnier qui s'est enfui de la jeep qu'il conduisait pourrait ne pas être Maurice Audin sous-entendant ainsi que la thèse avancée par l'armée depuis 40 ans aurait été montée de toutes pièces.

L'Elysée et la procédure de sanctions

Si «les faits revendiqués par le Général Aussaresses et plus généralement commis à l'occasion du conflit algérien sont incontestablement constitutifs de crimes de guerre, cette qualification ne peut non plus être retenue car, affirme le parquet, elle tombe sous le coup de la loi d'amnistie du 31 juillet 1968». Seule la plainte déposée par la LDH, le 4 mai dernier, a été jugée recevable. Une enquête a donc été confiée, le 16 mai, à la brigade des affaires sanitaires et des libertés publiques aux fins de procéder à l'audition du Général Aussaresses et de son éditeur. A l'issue de cette procédure, le militaire, âgé de 83 ans, devrait être cité directement devant le tribunal correctionnel où il encourt une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement et 300 000 francs d'amende.

Le 11 mai dernier, le militaire avait déclaré qu'il «regrettait sincèrement d'avoir été amené à commettre de pareilles actions», mais qu'il ne «souhaitait pas être jugé» et s'estimait «protégé» d'une éventuelle condamnation en justice. Le même jour, Jacques Chirac, Président de la République française mais aussi chef des armées, a annoncé qu'une procédure de sanctions disciplinaires avait été lancée contre Aussaresses. La seule principale sanction applicable au bout de cette procédure est la mise à la retraite d'office. Une mesure largement symbolique car elle prive du droit de porter l'uniforme et de bénéficier d'avoir des réductions tarifaires à la SNCF. Le conseil supérieur de l'armée de Terre doit se réunir le 29 mai prochain pour émettre un avis sur les sanctions pouvant être prises à l'encontre du général.

De son côté, le Premier ministre français, a de nouveau opposé, mercredi, une fin de non recevoir à un député communiste qui souhaitait que le gouvernement reconnaisse la «responsabilité» des autorités politiques de l'époque dans la torture et les exécutions sommaires. Cependant, Lionel Jospin a renouvelé sa «condamnation» des «pratiques déshonorantes avouées» par le général.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 17/05/2001