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Guerre d''Algérie

Plainte contre le général tortionnaire

Les révélations du général Aussaresses continuent de faire des vagues. La famille de Larbi Ben M'Hidi vient à son tour de passer à l'offensive et porte plainte pour «crime contre l'humanité et assassinat» contre l'officier. Dans son livre scandale «Service spéciaux, Algérie 1955-1957» (Perrin), le général Aussaresses raconte comment il a procédé, pendant la guerre d'Algérie, à la pendaison du chef de l'exécutif du FLN algérois, une exécution qui avait été maquillée en suicide.
«Notre action vise à rétablir une justice que nous attendons depuis quarante ans, explique Faouzia Slougui. Nous voulons la vérité sur les conditions dans lesquelles mon oncle a été assassiné. On a prétendu qu'il s'était suicidé, une chose à laquelle nous n'avons jamais cru». Lorsque Larbi Ben M'Hidi est arrêté dans la nuit du 15 au 16 février 1957 par le régiment de parachutistes du colonel Bigeard, Faouzia Slougui est âgée de dix ans. Elle ne voit son oncle que par intermittence, lors de brèves visites, cachées de la police, car le militantisme dans sa famille, précise-t-elle, a débuté bien avant 1954.

Dans son livre scandale, l'officier raconte l'exécution du chef du FLN algérois, dans une ferme, à une vingtaine de kilomètres au sud d'Alger : «Avec l'aide de mes gradés, nous avons empoigné Ben M'Hidi et nous l'avons pendu, de manière qui puisse laisser penser à un suicide», écrit-il.

Aujourd'hui, ces révélations, bien que tardives (quelque quarante-cinq ans après le drame) et tout aussi ignobles soient-elles, font figure de lézarde dans la censure. «L'histoire de la guerre d'Algérie n'a pas encore été écrite. On a vécu la même chose avec la deuxième guerre mondiale, il a fallu cinquante ans pour que cette première page s'écrive. Maintenant c'est le moment d'écrire la page de l'histoire de la guerre d'Algérie et de réécrire certains de ses épisodes et de ne plus parler de suicides ou de défenestrations «volontaires» de combattants, poursuit Faouzia Slougui. Pour nous, le général Aussaresses est le meilleur témoin pour notre affaire et c'est le meilleur procureur à la fois parce qu'il dit clairement, sans aucun remord, sans état d'âme, ce qu'il a fait et ce que d'autres ont fait».

«Non à la culture de l'oubli»

Car la plainte déposée pour «crime contre l'humanité et assassinat» concerne non seulement Aussaresses mais clairement «toute personne que l'instruction pourrait dévoiler», c'est-à-dire la hiérarchie militaire ou politique, jusque là protégée par le devoir de réserve et le sceau du secret. Faouzia Slougui est catégorique : «Pour nous Aussaresses n'est que le bras armé de la répression et de la torture. Il ne pouvait pas prendre une décision aussi importante ûcelle de liquider froidement un chef politique û s'il n'avait pas reçu d'ordres d'en haut ou du moins s'il n'avait pas été couvert». Le petit neveu du «suicidé», ne mâche pas ses mots. «Nous voulons que soient établies les responsabilités. Il est temps que la culture de l'oubli cesse».

Selon Patrick Baudoin, le président d'honneur de la FIDH, qui a également déposé plainte avec constitution de partie civile, les obstacles juridiques sont surmontables et les décrets-lois d'amnistie de 1962, suivi de la loi de 1968 pour les faits commis pendant la guerre d'Algérie ne devraient pas être opposables, la loi de 1964 ayant proclamé l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité.

Les révélations d'Aussaresses suscitent de nombreuses réactions et procédures. Depuis la publication de ses confessions, plusieurs actions ont été engagées notamment de la part du MRAP, (le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) et la veuve du militant communiste Maurice Audin. Le 22 juin dernier, Louisette Ighilhariz, membre du FLN, a porté plainte pour faits de torture et contre X pour crimes contre l'humanité.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 28/06/2001