Liban
Bataille pour une cassette vidéo
Le patron du département de maintien de la paix de l'ONU, Jean-Marie Guéhenno, s'explique sur une cassette vidéo filmée par un casque bleu au sud Liban après l'enlèvement de trois soldats israéliens. Le gouvernement libanais met l'ONU en garde contre la divulgation de toute information à «l'ennemi». Israël veut la cassette et accuse les Nations Unies de «couvrir le Hezbollah».
De notre correspondant à New York (Nations Unies)
L'ONU se trouve dans une position d'équilibriste. Dix mois durant, l'organisation a conservé une cassette vidéo filmée par la Force intérimaire des Nations Unies au Liban sud (FINUL). Les images ont été tournées par un casque bleu, au lendemain de l'enlèvement par le Hezbollah de trois soldats israéliens, le 7 octobre dernier, dans la zone controversée des fermes de Chebaa. On y voit les voitures dans lesquelles les soldats ont probablement été enlevés. Après quelques minutes, le film montre également des combattants, vraisemblablement du Hezbollah, s'emparer des véhicules à la barbe des casques bleus.
Pendant des mois, les plus hautes autorités de l'ONU n'ont pas eu connaissance de la cassette. Des officiels de haut niveau ont même nié en toute bonne foi son existence auprès de responsables israéliens, en quête de toute piste pouvant mener aux kidnappeurs. L'ONU a fini par reconnaître détenir la cassette la semaine dernière, tout en refusant de la communiquer à Israël. L'Etat hébreux et la presse israélienne accusent l'organisation de «couvrir les terroristes», de «courber l'échine devant le Hezbollah», et de se montrer «apathique face à une violation caractérisée du droit international».
«Ce n'est pas de la rétention de preuve, explique Jean-Marie Guéhenno, chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Nous ne sommes pas dans un pays où tout le monde reconnaîtrait l'autorité judiciaire d'un gouvernement avec lequel chacun se doit de collaborer, comme dans une situation normale de paix. Nous sommes dans une situation de guerre où l'information que vous donnez à un côté est perçue par l'autre côté comme du renseignement.» Le gouvernement libanais a mis l'ONU en garde contre toute «communication de renseignement à l'ennemi». Le Hezbollah a été plus clair, en menaçant de considérer les 5 000 casques bleus de la FINUL comme des «espions» si la cassette était montrée à Israël.
«Les réactions des deux côtés confirment le bien-fondé de la décision prise par les Nations Unies, poursuit Jean-Marie Guéhenno. Dans une opération de maintien de la paix, nous devons tenir compte du point de vue des parties avec lesquelles nous avons à traiter chaque jour pour assurer notre mandat, qui n'est pas de rétablir la loi et l'ordre, ni de collecter du renseignement, mais d'éviter la guerre.» L'ONU a offert aux deux parties de visionner la cassette, auparavant retravaillée pour rendre flous les visages des combattants du Hezbollah. C'est déjà trop pour le Liban, mais trop peu pour Israël qui met en avant la douleur des familles des soldats dont on est sans nouvelles.
«L'ONU est tenue à l'impartialité»
«Pour ces familles, ne pas savoir est une très grande angoisse, compatit Jean-Marie Guéhenno. Mais nous savons bien que ne pas montrer le visage des Libanais ne changera rien à la connaissance que les familles ont ou non de la situation de leurs proches. Or c'est la seule base sur laquelle nous pouvons fournir des informations à Israël. C'est une base humanitaire. Si nous sortons de cette base humanitaire, nous sortons de l'impartialité à laquelle nous sommes tenus. Nous entrons dans une logique de renseignement donné à une partie pour qu'elle réagisse contre une autre partie. Nous ne pouvons pas le faire.»
La cassette contient pourtant des informations déterminantes. On y voit des taches de sang sur les sièges des voitures, des faux uniformes et des fausses plaques d'immatriculation de l'ONU. Et si les combattants du Hezbollah que l'on voit s'emparer des voitures étaient les kidnappeurs ou leurs complices ? «Je n'ai aucune possibilité de le savoir. Quelle que soit la réponse, de toutes les façons, cela ne donne pas d'indication sur le sort des trois soldats, ce qui est la seule base sur laquelle nous pouvons communiquer des informations». Toutes les parties campent pour l'instant sur leur position. Les Etats-Unis sont entrés dans la dispute en soutenant mardi au sein du Conseil de sécurité la demande israélienne de visionner une version non censurée de la vidéo, alors que d'autres pays membres, dont la France, ont soutenu la position impartiale adoptée par l'ONU, en regrettant que l'existence de la cassette ait été portée si tard à la connaissance du Conseil.
L'ONU se trouve dans une position d'équilibriste. Dix mois durant, l'organisation a conservé une cassette vidéo filmée par la Force intérimaire des Nations Unies au Liban sud (FINUL). Les images ont été tournées par un casque bleu, au lendemain de l'enlèvement par le Hezbollah de trois soldats israéliens, le 7 octobre dernier, dans la zone controversée des fermes de Chebaa. On y voit les voitures dans lesquelles les soldats ont probablement été enlevés. Après quelques minutes, le film montre également des combattants, vraisemblablement du Hezbollah, s'emparer des véhicules à la barbe des casques bleus.
Pendant des mois, les plus hautes autorités de l'ONU n'ont pas eu connaissance de la cassette. Des officiels de haut niveau ont même nié en toute bonne foi son existence auprès de responsables israéliens, en quête de toute piste pouvant mener aux kidnappeurs. L'ONU a fini par reconnaître détenir la cassette la semaine dernière, tout en refusant de la communiquer à Israël. L'Etat hébreux et la presse israélienne accusent l'organisation de «couvrir les terroristes», de «courber l'échine devant le Hezbollah», et de se montrer «apathique face à une violation caractérisée du droit international».
«Ce n'est pas de la rétention de preuve, explique Jean-Marie Guéhenno, chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Nous ne sommes pas dans un pays où tout le monde reconnaîtrait l'autorité judiciaire d'un gouvernement avec lequel chacun se doit de collaborer, comme dans une situation normale de paix. Nous sommes dans une situation de guerre où l'information que vous donnez à un côté est perçue par l'autre côté comme du renseignement.» Le gouvernement libanais a mis l'ONU en garde contre toute «communication de renseignement à l'ennemi». Le Hezbollah a été plus clair, en menaçant de considérer les 5 000 casques bleus de la FINUL comme des «espions» si la cassette était montrée à Israël.
«Les réactions des deux côtés confirment le bien-fondé de la décision prise par les Nations Unies, poursuit Jean-Marie Guéhenno. Dans une opération de maintien de la paix, nous devons tenir compte du point de vue des parties avec lesquelles nous avons à traiter chaque jour pour assurer notre mandat, qui n'est pas de rétablir la loi et l'ordre, ni de collecter du renseignement, mais d'éviter la guerre.» L'ONU a offert aux deux parties de visionner la cassette, auparavant retravaillée pour rendre flous les visages des combattants du Hezbollah. C'est déjà trop pour le Liban, mais trop peu pour Israël qui met en avant la douleur des familles des soldats dont on est sans nouvelles.
«L'ONU est tenue à l'impartialité»
«Pour ces familles, ne pas savoir est une très grande angoisse, compatit Jean-Marie Guéhenno. Mais nous savons bien que ne pas montrer le visage des Libanais ne changera rien à la connaissance que les familles ont ou non de la situation de leurs proches. Or c'est la seule base sur laquelle nous pouvons fournir des informations à Israël. C'est une base humanitaire. Si nous sortons de cette base humanitaire, nous sortons de l'impartialité à laquelle nous sommes tenus. Nous entrons dans une logique de renseignement donné à une partie pour qu'elle réagisse contre une autre partie. Nous ne pouvons pas le faire.»
La cassette contient pourtant des informations déterminantes. On y voit des taches de sang sur les sièges des voitures, des faux uniformes et des fausses plaques d'immatriculation de l'ONU. Et si les combattants du Hezbollah que l'on voit s'emparer des voitures étaient les kidnappeurs ou leurs complices ? «Je n'ai aucune possibilité de le savoir. Quelle que soit la réponse, de toutes les façons, cela ne donne pas d'indication sur le sort des trois soldats, ce qui est la seule base sur laquelle nous pouvons communiquer des informations». Toutes les parties campent pour l'instant sur leur position. Les Etats-Unis sont entrés dans la dispute en soutenant mardi au sein du Conseil de sécurité la demande israélienne de visionner une version non censurée de la vidéo, alors que d'autres pays membres, dont la France, ont soutenu la position impartiale adoptée par l'ONU, en regrettant que l'existence de la cassette ait été portée si tard à la connaissance du Conseil.
par Philippe Bolopion
Article publié le 11/07/2001