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Ciel africain

Air France entend repartir de zéro

Air France confirme qu'elle est prête à s'impliquer dans une nouvelle société Air Afrique et à en faire une compagnie aérienne rentable. Mais seulement après règlement, par d'autres, de la question de la dette accumulée et des sureffectifs de la société actuelle. D'où le malentendu avec le président sénégalais Wade.
L'enthousiasme du président sénégalais Abdoulaye Wade, à l'issue du sommet des chefs d'Etat consacré au plan proposé par Air France pour sauver Air Afrique a été promptement douché par la compagnie française. Air France est bien disposée à entrer dans le capital de la future société Air Afrique et à devenir l'actionnaire principal à hauteur de 35% mais une fois que le problème de la dette et des sureffectifs de l'actuelle société aura été réglé. Il ne s'agit pas de reprendre une entreprise en difficulté.

Pour Air France, en effet, Air Afrique est une société en faillite qu'il convient de liquider avant de créer une nouvelle structure, dotée d'un nouveau tour de table. Les dettes accumulées par Air Afrique, 300 milliards de FCFA (500 millions d'euros), doivent faire l'objet d'une renégociation avec les créanciers dont la responsabilité revient donc aux actionnaires majoritaires actuels, les onze Etats membres de Air Afrique qui détiennent 68% du capital. Des royalties versées par l'ancienne société à la nouvelle pourraient servir à éponger une partie de cette dette.

Quant à l'avenir du personnel d'Air Afrique la compagnie française est très claire : pas question d'employer les 4200 salariés pour une flotte de 6 appareils. Le président Wade avait laissé entendre
que la totalité des salariés seraient repris, à l'exception des départs volontaires ou en retraite. Selon Air France un plan social de 1500 à 2000 personnes doit être mis en £uvre, avant la naissance de la future Air Afrique, et financé par la Banque mondiale au titre de mesure d'accompagnement à une privatisation. Il y a bien privatisation, souligne Air France, puisque les Etats africains deviendraient actionnaires minoritaires, à environ 22%. Par ailleurs, dans la nouvelle société, l'apport en capital de Air France, à hauteur de 35%, ne correspond en rien, ni dans la forme, ni quant au montant, à la recapitalisation de 50 milliards de FCFA (plus de 76 millions d'euros) évoquée par le président sénégalais.

Coopération-concurrence

Ces conditions préalables acceptées, Air France se donne trois mois pour mettre au point un plan industriel afin de faire de Air Afrique une compagnie rentable. De la société actuelle ne seraient repris que la marque Air Afrique, nom connu et qui conserve de ce fait une valeur marchande, et les droits de trafic. Avec cette nouvelle entité, Air France entend développer une «coopération-concurrence». Coopération sous la forme de partage de codes c'est-à-dire que certaines destinations et certains vols sont commercialisés de façon partagée et les vols effectués par l'une ou l'autre compagnie. Mais concurrence aussi entre deux compagnies aériennes ayant chacune leur identité. Et c'est bien dans cette relation de concurrence organisée que réside l'intérêt d'Air France.

La compagnie aérienne française tient beaucoup à son caractère d'entreprise commerciale à objectif de rentabilité. La prise de participation majoritaire dans la nouvelle société Air Afrique répond donc aussi au souci de protéger l'avenir de son marché sur le continent africain. Le binôme Air France-Air Afrique aurait pour avantage de mieux résister au danger de multiplication des opérateurs dans la zone et l'instauration d'une concurrence sauvage. Le contre-exemple est, de ce point de vue, la libéralisation de l'espace aérien aux Etats-Unis qui a entraîné le morcellement du marché et de grandes difficultés pour les compagnies qui n'avaient pas tout bonnement disparu.

Ce raisonnement est venu à l'appui de la campagne menée par les chefs d'Etat africains concernés auprès des autorités françaises pour qu'un «geste» soit fait en faveur d'Air Afrique. L'interprétation exprimée par le président Abdoulaye Wade dans son compte-rendu du sommet de Brazzaville entretient cependant un malentendu, notamment au préjudice des salariés d'Air Afrique, qui devra être éclairci rapidement.



par Francine  Quentin

Article publié le 16/08/2001