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Liban

Arrestations dans les milieux anti-syriens : la tension persiste

Soixante-quinze personnes interpellées dans le cadre de la vague d'arrestations dans les milieux chrétiens anti-syriens ont été remises en liberté à Beyrouth. Mais les tensions persistent dans tout le Liban, où deux bombes ont explosé ce lundi.
Soixante-quinze militants chrétiens hostiles à l'influence syrienne au Liban ont pu regagner leur domicile après s'être acquittés d'une caution de trois millions de livres libanaises (soit quinze mille francs français). Parmi les personnes libérées se trouve Nadim Ltaif, le chef des partisans du général Aoun (actuellement en exil à Paris). Accusé d'«atteinte aux relations avec la Syrie» et d'«insultes au chef de l'Etat», il avait été appréhendé par les services de renseignements de l'armée libanaise comme près de deux cents cinquante autres militants chrétiens anti-syriens depuis le 5 août dernier, accusés d'avoir cherché à mettre au point, avec l'aide d'Israël, un plan de partition du pays.

Une autre personnalité politique, l'ancien conseiller des Forces Libanaises (FL), Toufic Hindi, a comparu devant un tribunal militaire après onze jours de détention et d'isolement. Par ailleurs, deux journalistes ont été également arrêtés par les services de renseignement : il s'agit d'Antoine Bassil, correspondant à Beyrouth d'une chaîne de télévision saoudienne et de Habib Younès, secrétaire de la rédaction du quotidien arabe Al Hayat. Tous deux sont poursuivis «pour contact avec l'ennemi israélien» : ils sont accusés d'avoir rencontré d'anciens coordinateurs des activités israéliennes au Liban et de s'être entendus sur des actions à mener dans la région. Toufic Hindi et Antoine Bassil, s'ils sont reconnus coupables, risquent la peine de mort.

Cette vague d'arrestations, décidée et opérée sans l'aval du gouvernement de Rafic Hariri, a provoqué l'indignation dans tout le pays en illustrant une nouvelle fois la faible marge de man£uvre dont l'exécutif dispose par rapport à l'armée ou la Syrie. Depuis 1976 et le début de la guerre du Liban, Damas exerce une influence incontestable par le biais de ses vingt mille soldats stationnés dans le pays. C'est contre cette influence que luttent traditionnellement les formations chrétiennes comme les Forces libanaises (FL) ou le Courant Patriotique Libre (CPL), des rangs desquels sont issues la majorité des personnes arrêtées. Le gouvernement libanais a malgré tout protesté contre les arrestations : «nous ne pouvons pas nous taire face aux énormes abus injustifiés qui ont porté atteinte à la réputation du Liban et à tout ce que prône le régime». Le ministre de la culture, Ghassan Salamé, a plus particulièrement dénoncé les brutalités policières qui ont accompagné certaines arrestations : «elles ont nui à l'image du Liban à l'étranger».

Le Pape a exprimé son inquiétude

La tension est loin d'être retombée : ce lundi, le Liban a connu deux attentats terroristes qui n'ont pas fait de victimes. L'un d'eux a eu lieu aux abords du palais de justice de Beyrouth, où sont jugés les militants arrêtés. Le ministre des Transports a immédiatement réagi en dénonçant «une cinquième colonne» et les «forces du mal» qui chercheraient à «saper l'unité des Libanais». Par ailleurs, le bureau du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Tripoli (dans le nord du Liban) a été mis à sac. Selon le bâtonnier, il pourrait s'agir d'une mesure d'intimidation après les mouvements de grève observés par les avocats en protestation aux arrestations. Enfin, des mouvements de troupes syriennes -apparemment assez limités- ont pu être observés dans l'est du pays.

Les réactions se sont multipliées ces derniers jours : le président syrien Bachar al-Assad, sans surprise, a manifesté son soutien à l'armée libanaise, tout comme le chef de la communauté chiite libanaise, cheikh Abdel Amir Kabalan, qui a dénoncé un «complot israélien». En revanche, certains acteurs de la communauté internationale n'ont pas caché leur inquiétude. Le Pape, notamment, se dit préoccupé par les «tensions politiques sérieuses au Liban». Jean-Paul II a ainsi pu souligner ce dimanche que «les valeurs de la démocratie et de la souveraineté nationale ne doivent pas être sacrifiées à des intérêts politiques éphémères ; la liberté et le pluralisme au Liban constituent une garantie pour toute la région du Proche-Orient».



par Nicolas  Sur

Article publié le 21/08/2001