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OGM

Le microscope contre la faucille

«Ni imprudence, ni obscurantisme» : Lionel Jospin a rappelé la politique de son gouvernement en matière de recherche génétique alors que les arrachages sauvages se poursuivent. Le ministère de la Recherche, peu disert jusqu'à présent, précise les enjeux et les exigences de l'expérimentation sur les organismes génétiquement modifiés.
Avec la publication, fin juin, sur le site Internet du ministère de l'Agriculture, de la carte des parcelles où poussent des OGM expérimentaux, le travail des opposants aux «manipulations» génétiques a été considérablement simplifié. Des membres de la Confédération paysanne, syndicat agricole de José Bové, aidés par différentes sensibilités écologistes, se livrent à des moissons sauvages et impromptues notamment dans le sud-ouest de la France. Les victimes de ces commandos, dont celui qui s'intitule par dérision les «obscurs antiscientistes», sont aussi bien les laboratoires de recherche publique que les sociétés privées de biotechnologies telles Monsanto ou Biogemma, qui ont porté plainte.

Les anti-OGM mettent en avant le principe de précaution, face aux conséquences inconnues, sur l'homme et l'environnement de ces «bidouillages techniques». D'autant que, fin juillet, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a révélé la présence d'OGM dans des semences classiques faisant naître des craintes de dissémination incontrôlée. A cela s'ajoute la dénonciation de la course au profit de la part de sociétés, potentiellement en situation de monopole sur la commercialisation des semences du futur, ainsi «confisquées».

Du côté de ces entreprises privées spécialisées dans les recherches sur le vivant on souligne l'objectif d'amélioration de la qualité des grains, d'économie des ressources naturelles, de réduction de l'usage des produits toxiques et les perspectives de progrès dans le domaine médical. Les semenciers rappellent en outre que les OGM expérimentés en plein champ font l'objet d'une évaluation rigoureuse quant à leur impact sur l'environnement.

Des mécanismes non élucidés

Le débat en cours a amené le Premier ministre a annoncer un meilleur encadrement des conditions dans lesquelles les expérimentations de plein champ sont réalisées. De plus, le ministère de la Recherche, concerné par le sujet autant que l'Agriculture ou la Santé a jugé opportune la diffusion d'un document d'information sur les enjeux des recherches sur les OGM, en partenariat avec les organismes de recherche publics (Cirad, CNRS, Inra, Inserm et IRD).

Au crédit de ces recherches, la santé humaine avec les soins par thérapie génique encore à l'étude pour le cancer, l'hémophilie ou les maladies à prions. En matière de production de médicament par génie génétique on peut citer l'hormone de croissance et l'insuline, déjà commercialisées, et, pour l'avenir, un tabac transgénique expérimental qui produit de l'hémoglobine humaine, ou la création de vaccins.

On rencontre peu d'opposants à ces recherches, axées sur la guérison. En revanche, les applications agronomiques posent davantage de problèmes. Certes, le ministère de la Recherche met en avant la possibilité de remplacer les insecticides, pesticides et fongicides toxiques et polluants par des plantes modifiées génétiquement. Des études sont aussi menées sur la culture de riz, de café, de coton dans des conditions climatiques extrêmes à destination des pays en développement. On pourrait aussi améliorer la qualité des animaux d'élevage comme, par exemple, la production d'un lait de vache adapté aux bébés.

Toutefois, face à ces perspectives radieuses, la prudence est de mise. Les plantes transgéniques ne sont cultivées que depuis 1995 et dans un nombre limité de pays. Le recul manque encore pour confirmer tous ces bénéfices escomptés. Surtout que certains mécanismes, peut-on lire dans ce document, sont encore incomplètement élucidés.

Parmi les risques identifiés par le ministère de la Recherche, la réduction de la biodiversité, l'emprise accrue des pays du Nord sur le reste de la planète, l'apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques, la multiplication d'organismes prédateurs ou ravageurs prenant le pas sur des espèces non résistantes. C'est pourquoi les recherches menées sur les OGM sont soumises à des réglementations strictes en matière de confinement et de non-dissémination, en vertu du principe de précaution. En conclusion, les experts de la recherche publique française estiment que, confrontés à l'inquiétude de l'opinion, «plus il y a d'incertitude, plus il est nécessaire de développer la recherche, d'aider la décision publique à se démarquer du champ émotionnel».



par Francine  Quentin

Article publié le 29/08/2001