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Allemagne

Les quarante ans du Mur: commémorations et divisions

Il y a quarante ans, les autorités est-allemandes entreprenaient la construction du mur de Berlin. Symbole de la guerre froide en Europe durant près de trente ans, sa chute, en 1989, avait préfiguré l'effondrement du communisme dans le monde. Aujourd'hui, cet anniversaire douloureux est commémoré sur fond de division de la classe politique et de la société allemande.
Aux heures les plus tendues de la guerre froide, Berlin était resté le seul point de libre circulation entre le monde communiste et l'ouest. Les Allemands de l'Est avaient usé et abusé de la situation inédite de leur capitale: entre 1945 et 1961, 2,5 millions d'entre eux s'étaient échappés du bloc communiste par les secteurs britannique, français et américain de la ville.

Le treize août 1961, peu après minuit, les autorités est-allemandes réparent ce dernier accroc dans le rideau de fer: les points de passage entre Berlin-ouest et Berlin-est sont tous fermés, des kilomètres de barbelés sont déroulés entre les deux parties de la ville. Ils seront bientôt remplacés par un mur en béton de 106 kilomètres de long, complété par une cinquantaine de kilomètres de grillages. L'installation est sans cesse modernisée jusqu'à isoler quasi hermétiquement Berlin-ouest du reste de la RDA. Elle n'empêchera pas de très nombreux Allemands de l'Est à continuer à tenter le passage par les moyens les plus rocambolesques (par des tunnels, des filins tendus au-dessus de la frontière ou encore dissimulés dans le réservoir à essence d'une voiture): plus de cinq mille parviendront à leurs fins entre 1961 et 1989; mais 254 autres y laisseront la vie.

Le 9 novembre 1989, le mur s'écroule aussi soudainement qu'il s'était élevé, préfigurant la réunification des deux Allemagnes moins d'une année plus tard.
Berlin se transforme alors en l'un des plus gros chantiers du monde, des investissements colossaux sont réalisés dans l'ex-Allemagne de l'Est pour tenter de rétablir un semblant d'équilibre avec la République fédérale.

Les anciens communistes favoris à Berlin

Mais aujourd'hui, les commémorations du quarantième anniversaire et les divisions que les différents partis politiques n'ont pas manqué d'étaler outre-Rhin à cette occasion révèlent un malaise persistant. Le PDS, héritier direct du SED, le parti totalitaire qui avait présidé aux destinées de la RDA jusqu'en 1990, est crédité de près d'un quart des intentions de vote pour les élections régionales d'octobre prochain dans le land de Berlin. Il pourrait s'imposer comme un partenaire incontournable pour la gestion de la ville symbole. Lors des précédentes élections de 1999, les anciens communistes avaient déjà obtenu 17% des voix. Et les sociaux-démocrates du SPD, le parti du chancelier Gerhard Schroeder, évoquent directement des projets d'alliance avec eux.

De quoi provoquer quelques protestations dans une Allemagne où le PDS, malgré sa mutation, reste hautement suspect. Ses dirigeants ont ainsi refusé de participer aux cérémonies de ce lundi, rappelant qu'ils s'étaient déjà exprimé sur le sujet. De fait, le 2 juillet dernier, ils avaient clairement condamné la construction du Mur, sans toutefois formuler d'excuses en bonne et due forme pour tous les malheurs qu'il a provoqués. «Ce serait trop facile et pas crédible», a expliqué le candidat du PDS à Berlin, le populaire Gregor Gysi.
Dans ce contexte, plusieurs associations de victimes de la dictature communiste en RDA ont refusé de s'associer aux cérémonies officielles de ce lundi.

Mais c'est surtout sur le terrain politique que la polémique est la plus vive. La simple perspective de voir les anciens communistes arriver au pouvoir à Berlin fait frémir les conservateurs de la CDU, la principale force d'opposition en Allemagne. Ils n'ont pas ménagé leurs critiques contre le projet de coalition à l'occasion des cérémonies de ces derniers jours: «La majeure partie des membres du PDS et d'importants fonctionnaires n'ont rien appris de l'histoire», s'est ainsi emporté l'ancien chancelier Helmut Kohl, artisan de la réunification allemande. «C'est une trahison des idéaux de la politique», renchérissait dimanche Angela Merkel, présidente de la CDU.

Johannes Rau, le président de la République allemande, haute autorité morale dans la vie politique, devrait appeler ce lundi soir à «ne pas oublier la souffrance des victimes et l'injustice de la division» mais aussi à «réaliser l'unité allemande». Une prière qui garde des allures de v£u pieux plus de dix ans après la chute du Mur.


Le 14 août 1961: l'annonce faite à la radio de la construction du Mur de Berlin
La chronique de Catherine Monnet, le 13 août 2001
Ulrich von Tuna, témoin de la construction du Mur de Berlin, interrogé par Marc Leroy Beaulieu; archives sonores de la Radio publique allemande et INA (17 min 18 sec).



par Nicolas  Sur

Article publié le 13/08/2001