Monnaie unique européenne
Des transports de fonds à hauts risques
La mort d'un convoyeur de fonds lors d'une attaque à Lyon, mercredi 1er août, ravive l'inquiétude de la profession quant au prochain acheminement des pièces et des billets en euros. Le transport de sommes gigantesques dans les douze pays de la zone euro entre le 1er septembre et le 28 février prochains s'annonce extrêmement dangereux.
Les syndicats français de convoyeurs de fonds lancent un nouveau cri d'alarme. L'hiver dernier a été meurtrier. Cinq de leurs collègues ont trouvé la mort dans des agressions d'une extrême violence. Et voilà qu'à Vénissieux, près de Lyon, un des leurs vient à nouveau de tomber sous les balles de malfaiteurs particulièrement déterminés. C'est la 16e victime en cinq ans. Ce passé douloureux vient nourrir des craintes encore plus fortes pour le passage à la monnaie unique. «Sur le dossier euro, c'est l'impréparation la plus totale», déplore Roger Poletti, le secrétaire général du syndicat FO Transports, qui juge «catastrophique» la situation «sur l'ensemble des départements français».
Evénement historique, le changement de monnaie dans douze pays d'Europe va nécessiter des transferts de fonds d'une ampleur sans précédent. Entre le 1er septembre et le 28 février 2002, date à laquelle le franc français sera totalement retiré au profit de l'euro, ce sont 700 milliards de francs qui vont circuler, par train, par route ou, pour l'outre-mer, par bateau et avion. Une aubaine pour les gangsters de tout poil. La police estime du reste que leur relative inactivité, ces derniers mois, ne fait que préluder à une recrudescence des attaques à l'automne. En bonne logique, pourquoi s'encombrer d'une monnaie dont la fin est proche, alors que la multiplication prochaine des convois de nouvelles devises leur facilitera la tâche?
«La police, la gendarmerie et les Armées mobilisées»
La première partie de l'opération est la plus sûre. Elle a d'ailleurs commencé, avec l'acheminement des billets (imprimés près de Clermont-Ferrand, dans le centre de la France) et des pièces (frappées près de Bordeaux, dans le sud-ouest) vers les 131 centres régionaux de la Banque de France. Les billets sont transportés par convois routiers, dans la discrétion la plus totale. Les pièces sont convoyées par rail, dans des wagons blindés escortés par la gendarmerie nationale et surveillés par satellite. Le tout s'achèvera le 31 août prochain.
C'est ensuite que le danger sera le plus grand. Du 1er septembre au 1er décembre 2000, les pièces seront réparties dans 30 000 agences bancaires et 17 000 bureaux de poste. Les billets entameront le même parcours à partir du 15 décembre. Et dès le 1er janvier, une forte partie de l'ensemble sera disséminée chez les commerçants et les particuliers, avec les risques accrus de la double circulation francs-euros, laquelle va tripler, voire quadrupler le montant habituel des valeurs transportées et stockées. Comment limiter les risques? Joël Lecoq, responsable à la CFDT Transports, s'interroge. «Va-t-on escorter nos véhicules? Je n'y crois pas. Dans quelles conditions va-t-on charger les distributeurs? Pour l'instant, c'est le flou». Peu après l'attaque de mercredi, le député-maire de Vénissieux, André Gérin, a proposé la mise en place d'un «plan vigipirate euro», allusion au dispositif instauré lors de menaces terroristes.
Pour l'instant, le gouvernement se garde d'utiliser un terme aussi tragiquement évocateur, préférant parler d'un «plan de sécurité». Ce dernier a été adopté en Conseil des ministres le 23 mai dernier. Il prévoit des «mesures spécifiques» destinées à «assurer la protection maximale» des tous les acteurs de l'opération: convoyeurs, citoyens, personnel des banques, de la Poste, de la Banque de France et du Trésor public. Pour assurer un passage à l'euro que le président Jacques Chirac a souhaité «exemplaire» (promettant d'être «particulièrement attentif aux questions de sécurité et à la protection des personnes et des biens»), le gouvernement souligne que «la police, la gendarmerie et les Armées seront mobilisées».
Ce dispositif ne convainc pas tout le monde. Hormis les convoyeurs de fonds, le scepticisme et l'inquiétude touchent certains élus. Ainsi, le 6 juin dernier au Sénat, un débat sur la question a permis a plusieurs sénateurs, de gauche comme de droite, de relayer les craintes de la population. Michel Charasse, ancien ministre de François Mitterrand, a particulièrement insisté sur les risques de hold up et d'agressions de personnes âgées devant les agences bancaires. «Nous ne partageons pas votre optimisme de commande», a lancé le rapporteur général RPR de la Commission des Finances Philippe Marini, interpellant le secrétaire d'Etat aux Petites et moyennes entreprises, François Patriat. Ce dernier a néanmoins insisté sur l'engagement des pouvoirs publics: «Personne ne méconnaît les préoccupations des Français. Les mesures de sécurité seront prises».
Evénement historique, le changement de monnaie dans douze pays d'Europe va nécessiter des transferts de fonds d'une ampleur sans précédent. Entre le 1er septembre et le 28 février 2002, date à laquelle le franc français sera totalement retiré au profit de l'euro, ce sont 700 milliards de francs qui vont circuler, par train, par route ou, pour l'outre-mer, par bateau et avion. Une aubaine pour les gangsters de tout poil. La police estime du reste que leur relative inactivité, ces derniers mois, ne fait que préluder à une recrudescence des attaques à l'automne. En bonne logique, pourquoi s'encombrer d'une monnaie dont la fin est proche, alors que la multiplication prochaine des convois de nouvelles devises leur facilitera la tâche?
«La police, la gendarmerie et les Armées mobilisées»
La première partie de l'opération est la plus sûre. Elle a d'ailleurs commencé, avec l'acheminement des billets (imprimés près de Clermont-Ferrand, dans le centre de la France) et des pièces (frappées près de Bordeaux, dans le sud-ouest) vers les 131 centres régionaux de la Banque de France. Les billets sont transportés par convois routiers, dans la discrétion la plus totale. Les pièces sont convoyées par rail, dans des wagons blindés escortés par la gendarmerie nationale et surveillés par satellite. Le tout s'achèvera le 31 août prochain.
C'est ensuite que le danger sera le plus grand. Du 1er septembre au 1er décembre 2000, les pièces seront réparties dans 30 000 agences bancaires et 17 000 bureaux de poste. Les billets entameront le même parcours à partir du 15 décembre. Et dès le 1er janvier, une forte partie de l'ensemble sera disséminée chez les commerçants et les particuliers, avec les risques accrus de la double circulation francs-euros, laquelle va tripler, voire quadrupler le montant habituel des valeurs transportées et stockées. Comment limiter les risques? Joël Lecoq, responsable à la CFDT Transports, s'interroge. «Va-t-on escorter nos véhicules? Je n'y crois pas. Dans quelles conditions va-t-on charger les distributeurs? Pour l'instant, c'est le flou». Peu après l'attaque de mercredi, le député-maire de Vénissieux, André Gérin, a proposé la mise en place d'un «plan vigipirate euro», allusion au dispositif instauré lors de menaces terroristes.
Pour l'instant, le gouvernement se garde d'utiliser un terme aussi tragiquement évocateur, préférant parler d'un «plan de sécurité». Ce dernier a été adopté en Conseil des ministres le 23 mai dernier. Il prévoit des «mesures spécifiques» destinées à «assurer la protection maximale» des tous les acteurs de l'opération: convoyeurs, citoyens, personnel des banques, de la Poste, de la Banque de France et du Trésor public. Pour assurer un passage à l'euro que le président Jacques Chirac a souhaité «exemplaire» (promettant d'être «particulièrement attentif aux questions de sécurité et à la protection des personnes et des biens»), le gouvernement souligne que «la police, la gendarmerie et les Armées seront mobilisées».
Ce dispositif ne convainc pas tout le monde. Hormis les convoyeurs de fonds, le scepticisme et l'inquiétude touchent certains élus. Ainsi, le 6 juin dernier au Sénat, un débat sur la question a permis a plusieurs sénateurs, de gauche comme de droite, de relayer les craintes de la population. Michel Charasse, ancien ministre de François Mitterrand, a particulièrement insisté sur les risques de hold up et d'agressions de personnes âgées devant les agences bancaires. «Nous ne partageons pas votre optimisme de commande», a lancé le rapporteur général RPR de la Commission des Finances Philippe Marini, interpellant le secrétaire d'Etat aux Petites et moyennes entreprises, François Patriat. Ce dernier a néanmoins insisté sur l'engagement des pouvoirs publics: «Personne ne méconnaît les préoccupations des Français. Les mesures de sécurité seront prises».
par Philippe Quillerier-Lesieur
Article publié le 06/08/2001