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Monnaie unique européenne

L'Europe en vacances,<br> l'euro aussi

Malgré les efforts des gouvernements de la zone euro pour convaincre les consommateurs de s'initier à la monnaie unique, les dernières statistiques montrent, notamment en France, que l'utilisation de l'euro par chèques et cartes bancaires reste marginale. La Commission européenne, la Banque centrale européenne et les pays membres laissent passer les vacances et prévoient un renforcement de la communication en septembre, à quatre mois de l'arrivée des pièces et des billets.
«Il faut s'y mettre». Début juillet, à moins de six mois de l'apparition des pièces et des billets en euros, et alors que les Français prenaient la route des vacances, le ministre français de l'Economie et des Finances Laurent Fabius lançait la campagne «Euros bienvenus». Les pouvoirs publics ont diffusé 450 000 «kits» composés d'autocollants, d'affichettes et de dépliants de couleur bleue auprès des commerçants, professions libérales, et administrations partenaires. Les professionnels du tourisme ont été privilégiés, en cette période estivale.

L'opération est destinée à encourager les consommateurs à libeller en euros leurs chèques et leurs paiements par carte bancaire, afin qu'ils se familiarisent avec la monnaie européenne. Elle vise aussi à les habituer à la nouvelle échelle de valeurs qu'ils devront se fixer, puisque un euro vaut 6,55957 F, taux de change qui va bouleverser leur appréhension des prix. Elle vise enfin, et ce n'est pas le moins important, à inciter les commerçants à accepter l'euro, de sorte qu'ils s'adaptent à la manipulation des nouveaux terminaux de paiement (les deux tiers des commerces en sont maintenant équipés).

Le tout doit concourir, lors du grand basculement le 1er janvier prochain, à fluidifier les transactions et à éviter qu'elles ne deviennent une source quotidienne de tracas qui pourrait freiner la marche de l'économie, et même provoquer un rejet de la nouvelle monnaie. Selon le ministre, «la clef du succès réside dans l'anticipation». Son objectif, très ambitieux, est de parvenir d'ici novembre à 70% des paiements scripturaux effectués en euros.

Les Allemands ont déjà la nostalgie du mark

Un mois après le lancement de la campagne, on en reste encore loin. Les derniers chiffres de l'Association française des banques (AFB) montrent qu'en juillet, le nombre de règlements en euros n'a représenté que 1,9% du total pour les chèques (1,06% en juin), et seulement 0,15% pour les cartes (0,10% en juin). Les Français, comme la plupart des européens, semblent vouloir passer leurs vacances en monnaie nationale, sans s'encombrer l'esprit de périlleuses conversions. Les quelque dix millions de chéquiers en euros déjà distribués par les banques restent dans les tiroirs.

Encore faudrait-il, d'ailleurs, que les commerçants les acceptent. C'est loin d'être toujours le cas. Même dans la grande distribution, bien plus avancée dans les préparatifs que le petit commerce, on a vu, début août, des caissières refuser des chèques en euros. Apparemment, l'heure est à l'insouciance. En Allemagne, elle est plutôt à la nostalgie. Dans ce pays où 60% de la population est opposée à la monnaie unique, on regrette déjà le deutschmark. Les Allemands, maîtres incontestés du paiement en espèces, n'utilisent pratiquement jamais le chèque et très peu la carte bancaire. Il n'est pas rare qu'ils paient leur voiture en liquide. Il est donc logique que chez eux, l'utilisation de l'euro scriptural reste dérisoire. Grands numismates (ils sont deux millions), les Allemands font plutôt la chasse aux dernières pièces rares de leur devise nationale, laquelle demeure un objet de culte et un symbole de prospérité.

Ces retards soulèvent une certaine inquiétude à Bruxelles. «Le niveau de préparation est insuffisant» dans la zone euro, déplore Pedro Solbes, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires. Ce qui, toutefois, n'est guère étonnant, puisque selon lui «dans la plupart des douze pays, les campagnes de communication n'ont pas ciblé en priorité les citoyens». Le haut fonctionnaire reste donc confiant. «Cela va changer dès la rentrée : un grand effort d'information est prévu partout à destination des consommateurs». La Commission européenne, La Banque centrale de Francfort et les gouvernements vont relancer leurs efforts pour convaincre les Européens de «se convertir» à l'euro, afin de «s'approprier la nouvelle monnaie». Début septembre, Laurent Fabius va mobiliser 10 000 commerçants «pilotes» à l'initiative des chambres de commerce. D'ores et déjà, le ministre a envoyé une lettre aux 36 000 maires de France pour les prier d'être les relais de la monnaie unique. Dans chaque pays, pouvoirs publics, radios, télévisions, et journaux vont battre le rappel. Les chiffres, enfin, devraient décoller.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 13/08/2001