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Monnaie unique européenne

La baisse du dollar requinque l'euro

La mauvaise santé de l'économie américaine continue de pousser le billet vert à la baisse. Washington se garde d'enrayer cette érosion persistante du dollar, souhaitée par les industriels américains désireux de voir leurs exportations facilitées. L'euro, comme les autres devises mondiales, profite de la situation pour remonter au dessus de 0,91 dollar.
«Un dollar fort est dans l'intérêt des Etats-Unis», déclarait le secrétaire américain au Trésor, Paul O'Neill, le 24 juillet dernier, rappelant sa tonitruante promesse de louer le stade de base ball des Yankees à New York et un orchestre de cuivre pour annoncer la nouvelle, le jour ou les Etats-Unis décideraient de changer leur politique du dollar fort, réaffirmée depuis des mois. Le responsable américain a-t-il parlé trop vite ? Toujours est-il que depuis, il s'est fait plus discret. Mercredi 15 août, il a ainsi estimé sur la chaîne de télévision CNBC qu'«il n'y a aucun avantage à parler du dollar, sinon pour dire que nous avons une politique continue». Un peu plus tôt, George W. Bush avait lui-même assoupli sa position, affirmant que «la meilleure façon de déterminer la valeur du dollar est de laisser le marché déterminer cette valeur».

L'administration américaine voudrait faire baisser le dollar qu'elle ne s'y prendrait pas autrement. Pas question, comme a feint de le préconiser Paul O'Neil, de claironner un abandon de la politique du dollar fort, sous peine, selon la mise en garde du FMI, de dépréciation brutale du billet vert, «néfaste pour les Etats-Unis et le reste du monde». En revanche, l'infléchissement perçu dans les déclarations officielles a suffi à donner un signal aux marchés.

L'euro touche son plus haut depuis cinq mois

De fait, les investisseurs, de plus en plus défiants après une série de statistiques révélant l'ampleur de la déprime américaine, et en l'absence apparente de volonté politique en faveur du billet vert, lâchent peu à peu le dollar pour les autres grandes devises internationales. A quelques mois de sa mise en circulation, l'euro a atteint jeudi 16 août son plus haut niveau depuis cinq mois, à plus de 0,91 dollar, après avoir touché un plancher historique à 0,82 en octobre dernier. Le yen s'appréciait également à 119,51 pour un dollar.

Les inquiétudes sur les perspectives américaines, déjà anciennes, ont été confirmées la semaine dernière par la publication du «Livre beige» de la Réserve fédérale (la banque centrale américaine), dressant un bilan médiocre de la situation de l'économie en juin et juillet. Il y a peu de chances de reprise avant la fin de l'année, estime le rapport. Si l'on ajoute à ces mauvaises nouvelles l'annonce de la baisse de 0,1% de la production industrielle en juillet (dixième baisse mensuelle consécutive, la plus longue période de reflux depuis 1982), on comprend l'inquiétude des grands groupes américains. Soucieux de leur compétitivité à l'exportation, ils ont d'ailleurs fait pression sur l'administration Bush pour obtenir l'assouplissement, aujourd'hui perceptible, de la politique monétaire.

Cependant, si l'euro profite de la baisse du dollar, c'est en dépit d'économies européennes elles aussi en petite forme, tirées vers le bas par les mauvaises nouvelles venues d'Allemagne. Le poids lourd de l'Europe «se trouve actuellement dans une phase de stagnation», selon l'institut de conjoncture DIW, pour qui le ralentissement devrait se poursuivre au troisième trimestre. D'autres grands pays de la zone euro, France et Italie, sont dans une situation de moins en moins brillante depuis quelques mois. A priori, pas de quoi provoquer une ruée de la part des acheteurs de capitaux. Reste que des perspectives de baisse des taux d'intérêt dans la zone euro incitent les cambistes à penser que la croissance pourrait, dans les prochains mois, être plus soutenue en Europe qu'aux Etats-Unis. Ce qui, selon les analystes, explique en grande partie ce redressement de la monnaie unique européenne, laquelle, en fait, ne fait que revenir à un niveau plus en rapport avec le poids économique réel du Vieux continent.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 16/08/2001