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Congo démocratique

La paix se joue à Gaborone<br>

La réunion préparatoire au dialogue intercongolais, ouverte ce lundi 20 août à Gaborone (Botswana), constitue une étape cruciale dans la recherche de la paix en RDC. Mais le facilitateur botswanais, Ketumile Masire, aura fort à faire pour aplanir les divergences qui subsistent entre le acteurs internes du conflit.

Il aura fallu deux ans. Deux longues années pour arriver enfin aux prémices du dialogue national prévu par les accords de paix de Lusaka de juillet-août 1999, signés par les acteurs du conflit qui divise la République démocratique du Congo depuis trois ans. Maintes fois annoncée, plusieurs fois repoussée, l'organisation de cette phase essentielle du processus, engagé tant bien que mal dans la capitale zambienne, dépendra des résultats de la session préparatoire, qui se tient toute la semaine à Gaborone (Botswana).

La tenue de cette rencontre est en soi un événement. Depuis l'assassinat, en janvier, de Laurent Désiré Kabila, qui était farouchement hostile à la médiation du Botswanais, les relations entre le facilitateur et les autorités de Kinshasa s'étaient détendues. Et, très vite, le fils et successeur du tombeur de Mobutu a fait connaître son souhait de voir Ketumile Masire jouer le rôle que lui avaient confié les signataires de l'accord de Lusaka. Mais six mois de tractations, et une implication sans précédent de la communauté internationale, ont été nécessaires pour aboutir à un pré-dialogue.

Méfiance réciproque

Les soixante-neuf délégués du gouvernement, de l'opposition non-armée, des mouvements rebelles et de la société civile qui se retrouvent à Gaborone détiennent la clé du processus de paix. La réunion doit en principe décider de points tels que le règlement intérieur, la date et surtout le lieu du futur dialogue, qui fait l'objet d'un intense débat. Doit-il se tenir à l'intérieur du pays ? Et si oui, dans quelle ville ? L'un des dirigeants rebelles, Jean-Pierre Bemba, leader du Mouvement de libération du Congo (MLC), est favorable à Kisangani, comme certains diplomates occidentaux, qui y verraient un moyen de faire aboutir la démilitarisation sans cesse retardée de cette ville de l'Est du pays. Le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), dont c'est l'un des fiefs, y est opposé. Adolphe Onosumba, président de cette faction soutenue par le Rwanda, met officiellement en avant l'absence d'infrastructures dans une ville détruite par la guerre, alimentant du même coup les doutes sur son réel désir de paix.

Le dialogue proprement dit, s'il a lieu, sera une composante essentielle du processus de Lusaka. Il est censé préparer le terrain pour des élections générales, les premières depuis des décennies, et l'élaboration d'une nouvelle constitution. Il devrait, par ailleurs, aborder l'intégration des forces rebelles à une armée nationale et la question épineuse de la neutralisation des «forces négatives», dont les ex-miliciens extrémistes hutus qui opèrent toujours dans l'Est du Congo démocratique. Le Rwanda en fait un préalable au retrait complet de ses soldats.

La méfiance réciproque des acteurs internes de la crise, pour la première fois face à face, est sans doute le principal obstacle à franchir à Gaborone. De fait, si l'attitude du RCD soulève des interrogations, il en est de même de celle de Joseph Kabila. Bien qu'ayant donné des gages de bonne volonté, ne serait-ce qu'en relançant les négociations bloquées par son père, le président de RDC a souligné, il y a quelques jours, l'impossibilité de tenir à court terme des élections dans «un pays divisé en deux et occupé par des forces étrangères». L'argument est imparable. Sauf que dans le contexte congolais, il donne des arguments à ceux qui l'accusent de vouloir s'accrocher au pouvoir.

«Nous évoluons dans une situation vraiment complexe. Les incertitudes sont nombreuses», a confié Hassan Ould Lebat, représentant spécial de Ketumile Masire, à l'envoyé spécial de RFI sur place. L'équipe du facilitateur espère toutefois que la réunion permettra «de créer à travers les contacts qui vont se nouer entre les différents acteurs les conditions psychologiques, politiques et morale d'un dialogue serein, responsable et constructif». D'ici la fin de la semaine, c'est en tous cas l'avenir d'un pays épuisé par la guerre et soumis à une partition de fait qui va se jouer à Gaborone.



par Christophe  Champin

Article publié le 20/08/2001