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Afrique du Sud

La mort d'un Juste

Ecrivain, journaliste, patron de presse, Donald Woods était l'un des rares Blancs à avoir lutté contre le régime d'apartheid sud africain. Son amitié avec le militant noir Steve Biko a été rendue célèbre par le film Cry Freedom. Il est mort dimanche 19 août en Angleterre, à 67 ans, des suites d'un cancer.
«Ce qui me remplit d'espoir, c'est que 90% des Sud-Africains de toutes races sont des gens biens. Ce sont les 10% restants qui posent problème», déclarait Donald Woods en août 1990, alors qu'il posait le pied à Johannesburg après douze ans d'exil forcé. Quelques mois plus tôt, Nelson Mandela avait été libéré, événement historique qui allait ouvrir une nouvelle voie à l'Afrique du Sud. Jetant un regard à la fois confiant et réaliste sur son pays, l'écrivain et journaliste Donald Woods aura été l'un des plus talentueux pourfendeurs du régime de «développement séparé» qui y a sévi pendant la plus grande partie du XXème siècle.

Jusqu'à sa mort, dimanche 19 août près de Londres, ce militant blanc a multiplié les actes, les écrits et les discours en faveur d'une Afrique du Sud démocratique. Il a été rendu célèbre par le film de Richard Attenborough Cry Freedom, sorti en 1988 et immédiatement interdit en Afrique du Sud. Ce long métrage, inspiré du livre témoignage de Woods Vie et mort de Steve Biko, raconte l'amitié qui le liait à ce militant noir, figure du Mouvement de la Conscience noire (BMC) tué en prison en 1977 par les services de sécurité du régime sud-africain.

Guidé d'abord par sa volonté de rechercher «ceux qui ont tué Steve Biko», puis par son engagement à suivre l'appel de Nelson Mandela demandant de construire un nouvel avenir plutôt que de se pencher sur le passé, Woods a mené, selon le président sud-africain Thabo Mbeki, «une vie de journaliste courageux(à). Il a beaucoup sacrifié pour la lutte en faveur de la décence et de la justice».

Des T-shirts imprégnés de poison

Le 1er janvier 1978, trois mois après la mort de Steve Biko, alors que le gouvernement vient de lui interdire toute activité et qu'il ne peut plus exercer ses fonctions de rédacteur en chef du quotidien Daily Dispatch à East London (côte est de l'Afrique du Sud), il est banni dans le bantoustan du Transkeï. Puis, devenu la cible d'une campagne d'intimidation orchestrée, harcelé nuit et jour, menacé de mort (ses enfants ont notamment reçu des T-shirts imprégnées de poison), Woods parvient à fuir pour la Grande-Bretagne.

En militant infatigable, et tout en assurant les fonctions de conseiller pour les affaires sud-africaines du secrétariat du Commonwealth à Londres, il multiplie alors, durant des années, les tournées et les conférences aux Etats-Unis et en Europe, pour convaincre la communauté internationale d'imposer un embargo à son pays. Le japon devient-il, en 1978, le premier partenaire commercial de l'Afrique du Sud ? Woods se rend à Tokyo, pour inviter les hommes d'affaires japonais à rompre leurs relations avec Pretoria. Pendant ses longues années d'exil, il sera aussi consultant sur l'Afrique du Sud auprès de l'Union européenne et de plusieurs chefs d'Etat occidentaux.

Donald Woods restera comme la première personne privée à avoir prononcé un discours à titre personnel devant le Conseil de sécurité des Nations unies. C'était en 1978. L'an dernier, son activisme en faveur de la démocratie lui a valu d'être nommé par la reine Elizabeth II d'Angleterre Commandeur dans l'ordre de l'Empire britannique, pour son action en faveur des droits de l'homme. Ces derniers temps, il continuait à promouvoir un projet visant à ériger une statue de Nelson Mandela à Trafalgar Square, en plein centre de Londres. A l'annonce de sa mort dimanche, Thabo Mbeki lui a rendu hommage. En visite en Ouganda, le chef de l'Etat sud-africain a indiqué qu'il venait d'écrire à Woods pour le remercier de lui avoir adressé son dernier ouvrage: Rainbow Nation revisited. Nelson Mandela le décrit comme «un Sud-africain exceptionnel».




par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 20/08/2001