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Etats-Unis

Le «leadership» de Bush sur la sellette

Avant même que le deuil national ne prenne fin, les questions gênantes pour le président Bush commencent à être posées par des µopinion leaders', aux Etats-Unis comme ailleurs, notamment sur le « rêve » caressé par la nouvelle administration d'une Amérique repliée sur elle-même et bien à l'abri d'un bouclier anti-missiles censé la protéger des «Etats voyous».
«Le président et le Congrès sont appelés à faire preuve d'une forme spéciale de leadership, a écrit le 12 septembre le Christian Science Monitor. Ils doivent résister à toute tentation de revanche et de réaction militaire irréfléchie. Ces attaques aériennes ne sont pas comparables à Pearl Harbour, et n'impliquent pas une guerre conventionnelle. Les auteurs peuvent être connus, mais les tuer n'éliminera pas les causes qui produisent le terrorisme». Quant à Hubert Védrine, il a déclaré : «quand on en saura plus, il faudra réfléchir aux façons d'éradiquer les causes du terrorisme partout dans le monde». Ce qui n'a vraiment pas été le cas tout au long du nouveau conflit israélo-palestinien qui dure depuis onze mois.

En réalité, la tentation isolationniste de George Bush junior et l'absence presque totale de la diplomatie américaine de la scène proche-orientale ont provoqué un vide que l'Europe a tenté (en vain) de remplir, et qui n'a finalement profité qu'aux extrémistes. Nombreuses sont les chancelleries qui ne comprennent plus Washington : certaines ont du mal à accepter que l'hyper-puissance soit très fière de l'être tout en refusant de s'impliquer dans le règlements des principaux conflits en cours.

Le peu d'intérêt porté par le président américain aux affaires internationales ne date pas d'aujourd'hui. Il semble être motivé par la défaite politique connue il y une dizaine d'années par son père dans ce domaine à la fois imprévisible et complexe. Surtout pour quelqu'un qui privilégie une vision toujours binaire - et souvent primaire - des relations internationales, basées sur des rapports de force en évolution constante. Plus grave, on soupçonne Bush junior non seulement de refuser d'assumer ses responsabilités de super-puissance, mais de s'être trompé d'ennemi, au moment même où la politique étrangère des Etats-Unis ne cessait de susciter de la déception, voir de la haine, surtout au sein du monde musulman.

Bush s'est trompé d'ennemi

Pour l'International Herald Tribune il faudrait «un changement gigantesque» dans la stratégie politique et militaire américaine, pour absorber l'impact mondial des événements de New York et de Washington. Alors que la diplomatie américaine demeure tiraillé entre faucons et colombes, et que le reste de l'administration est depuis des mois empêtré dans des querelles bureaucratiques, souvent liées au programme de réduction des dépenses, notamment au Pentagone.

Pourtant, l'Amérique triomphante de Bush n'a jamais douté du «leadership» mondial qui lui revient presque automatiquement depuis la disparition de l'Union soviétique, il y tout juste dix ans. Quelques jours seulement avant les attaques aériennes du 11 septembre, peu d'Américains doutaient que «le XXI siècle sera américain». Après «l'impérialisme territorial du XIXème siècle» et «l'impérialisme idéologique du XXème» le débat portait, dans de nombreux médias, uniquement sur le «genre d'impérialisme» ou de «leadership» américain qui prévaudra ce siècle-ci. Et sur le rôle que les médias peuvent jouer dans la «direction des sentiments des populations».

Parallèlement, peu d'analystes américains se sont préoccupés d'étudier la pertinence actuelle des moyens politiques et militaires hérités de la guerre froide. Un quasi consensus prévaut toujours aux Etats-Unis sur l'intangibilité de l'Alliance atlantique, alors que sa raison d'être - le Pacte de Varsovie - a sombré avec l'URSS depuis belle lurette. Ainsi, chaque fois que l'Union européenne tente de faire un réel pas en avant dans la mise en place d'une défense européenne autonome Washington réagit immédiatement et tente par tous les moyens de s'assurer qu'elle soit placée «dans le cadre» d'une OTAN qui demeure sous contrôle direct américain.

Autant dire que Bush et son équipe seront contraints de revoir leur politique, et surtout de faire des choix plus clairs et plus compréhensibles, s'il ne veulent pas perdre les quelques pays amis - ou alliés - sur lesquels ils ont compté depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.



par Elio  Comarin

Article publié le 12/09/2001