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Afghanistan

Ben Laden peut partir «<i>de son plein gré</i>»

Les Oulémas, dignitaires religieux, afghans viennent de suggérer à Oussama Ben Laden de quitter le pays «de son plein gré». Une prise de position qui n'a aucune valeur contraignante mais qui témoigne des dissensions qui se font jour chez les Taliban au sujet de leur hôte.
De notre envoyé spécial au Pakistan

«Le Conseil des Oulemas demande à l'Emirat islamique d'Afghanistan d'encourager Oussama Ben Laden à quitter le pays de son propre gré». Au terme de deux jours de concile à Kaboul, la Choura -la réunion des principaux dignitaires religieux afghans- a suggéré qu'Oussama Ben Laden fasse ses valises. Une recommandation qui constitue une surprise car jusqu'à présent Kaboul avait toujours affirmé que le milliardaire et terroriste saoudien était l'invité des Taliban et que le livrer à un pays non-musulman serait contraire aux principes de l'Islam.

Cependant Oussama Ben Laden est encore loin d'avoir quitté le territoire afghan. La recommandation de la Choura n'a pas force exécutive. Il s'agit juste de conseiller au pouvoir kabouli d'encourager Ben Laden à partir. Cela fait deux bémols. La décision est dans les mains du Mollah Omar, le chef suprême des Taliban, qui, quelques heures avant le communiqué des Oulemas, avait déclaré : «Mort ou vif, Oussama Ben Laden, sera le dernier avec moi à quitter l'Afghanistan».

Au demeurant, ce n'est pas la première fois que l'exil d'Oussama Ben Laden est envisagé. Après les attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya en 1998, celui qui faisait déjà figure de suspect N°1 avait lui-même proposé de s'en aller «pour ne pas embarrasser ses amis afghans». A l'époque, Oussama Ben Laden pensait pouvoir être accueilli en Libye.

Un compromis entre les «durs» et les «modérés»

Même sans force exécutive, cette recommandation des Oulemas constitue une première intéressante. Les observateurs se perdent en conjecture sur ses motifs. Première possibilité : Les Taliban craignent effectivement une opération militaire américaine et préfèrent alors «lâcher» Oussama Ben Laden. Mais personne n'y croit trop.

Seconde possibilité : les Taliban cherchent à gagner du temps pour prévenir cette intervention américaine. C'est d'autant plus possible que le Conseil des Oulemas n'a pas fixé de date au départ d'Oussama Ben Laden, mais a reconnu que cela prendrait du temps. «Il ne lui sera pas facile de trouver un pays d'accueil», a admis le ministre de l'Education à Kaboul.

Enfin il peut s'agir d'un coup de bluff pour faire croire aux Américains que leur ennemi public N°1 a effectivement quitté l'Afghanistan. Le problème alors ne concernerait plus les Taliban, d'autant moins qu'Oussama Ben Laden n'est pas afghan, mais saoudien. Une attaque des troupes américaines contre l'Afghanistan ne se justifierait donc plus. Un scénario que Washington n'est cependant pas d'humeur à avaler. Georges W. Bush a déjà fait savoir que cette recommandation des Oulemas ne le satisfaisait pas. Ce qu'il veut, c'est qu'on lui livre Oussama Ben Laden pieds et poings liés, au plus vite.

Cette déclaration des docteurs de la loi islamique à Kaboul apparaît aussi comme un compromis entre les branches dures et «modérées» des Taliban. Les premiers -réunis autour du Mollah Omar- ne veulent en aucun cas extrader leur ami. Les seconds -que l'on retrouve surtout dans l'administration- seraient favorables au fait de se débarrasser d'un personnage qui menace l'avenir du régime. Là, on appelle à son départ, sans que cela soit suivi d'effet. Une voie moyenne même si, au final, ce sont les «faucons» qui l'emportent.

Outre statuer sur le sort du principal suspect des attentats de New York et Washington, la Choura a aussi menacé d'appeler au djihad -à la guerre sainte- contre les Etats-Unis si ces derniers attaquaient l'Afghanistan. «Lorsqu'un pays puissant attaque un pays faible, et qu'un pays non-musulman s'en prend à un pays musulman, cela fait deux bonnes raisons d'appeler au djihad», ont estimé les autorité religieuses afghanes.

Vendredi les Etats-Unis devraient connaître un avant-goût de la colère qu'ils provoquent au Pakistan. Les mouvements fondamentalistes -réunis sous la bannière du Conseil pour la défense du Pakistan et de l'Afghanistan- ont appelé à une grande journée de manifestations dont beaucoup craignent qu'elles soient violentes. Cela malgré le discours télévisée mercredi soir du président pakistanais, le général Pervez Musharraf, qui a affirmé que choisir le clan américain était le meilleur moyen de protéger les intérêts pakistanais.



par Jean  Piel, à Islamabad

Article publié le 21/09/2001