Afghanistan
Menace pour les réfugiés et les déplacés
Depuis que la frontière est fermée entre Afghanistan et Pakistan, seuls 50 000 Afghans ont réussi à se glisser hors de leur pays par crainte de bombardements américains. La situation de millions d'autres est plus inquiétante dans un pays en guerre déjà ravagé par la famine.
De notre envoyé spécial au Pakistan
La route caillouteuse qui serpente à travers les Monts Suleiman, de l'Afghanistan vers la ville-frontière de Peshawar au Pakistan, est silencieuse. Il y a trois semaines encore, des camions chargés jusqu'à la gueule de matériel électronique venus en contrebande des Emirats la dévalaient à tombeau ouvert. Mais depuis les attentats de New York et Washington, la célèbre Khyber Pass semble orpheline.
L'explication se trouve plus haut dans la montagne, au poste-frontière de Torkham. L'immense porte verte flanquée de deux tourelles qui marque le passage entre le Pakistan et l'Afghanistan est désormais fermée. Une décision adoptée par les autorités pakistanaises qui redoutent un afflux massif de réfugiés afghans après la menace d'opération militaire américaine contre le pays qui abrite Oussama Ben Laden.
La crainte est justifiée en effet : dès l'annonce de la mise en cause de l'ennemi public n°1 des Américains, des dizaines de milliers d'Afghans ont cherché à fuir vers le Pakistan, tant par le poste-frontière de Torkham, près de Peshawar, que, plus au sud, par celui de Chaman au Baloutchistan. «Les gens ont peur. Ils écoutent la radio toute la journée en se demandant ce qui va se passer. Pourtant il n'y a eu aucune manifestation de joie à l'annonce des attentats», témoigne Alberto Cairo, un médecin italien qui travaille depuis douze ans à Kaboul avec le CICR.
La plupart de ceux qui cherchent à fuir ont été refoulés à la frontière. Mais près de 50 000 personnes ont réussi à franchir les mailles du filet. De l'autre côté de la frontière, ces réfugiés sont certes à l'abri d'un éventuel bombardement. Mais leur situation n'est pas confortable pour autant.
L'inquiétude des humanitaires
Vêtu d'un shalwar-kameez bleu, une longue barbe qui lui mange le visage, Azibullah, rencontré à Peshawar, raconte son histoire : «A la mosquée de Kaboul, l'imam nous a appelés à prendre les armes pour défendre l'islam. Mais j'ai une famille que je dois protéger. Alors, j'ai préféré fuir. Dans ma rue, presque tout le monde est parti. Mais ici je ne connais personne. Je ne sais pas où loger ni comment me nourrir».
Les agences des Nations Unies se préparent au pire en cas en cas de frappes américaines, redoutant de voir des millions de personnes s'entasser le long d'une frontière fermée, avec tous les problèmes d'hygiène, d'accès à l'eau, à la nourriture. que cela représente. Elles estiment avoir les moyens de faire face à l'urgence. Mais qu'en sera-t-il si un éventuel conflit se prolonge? «S'il y a une mobilisation militaire, il doit aussi y avoir une mobilisation humanitaire», martèle Rudd Lubbers, le directeur du Haut-Commissariat aux Réfugiés à Islamabad.
Ceux qui arrivent à la frontière ne sont pourtant pas les plus mal lotis. Ils ont les moyens financiers et la santé physique pour se déplacer. Le principal exode est intérieur. Plus que fuir vers le Pakistan, de nombreux Afghans quittent les villes pour les campagnes moins susceptibles d'être victimes d'attaques. Ainsi la moitié des habitants de Kandahar -la capitale spirituelle des taliban- ont fui la ville.
Mais l'hiver approche et l'Afghanistan est un pays très pauvre. «Dans la plupart des villages, les gens n'auront plus à manger d'ici quelques semaines», s'inquiète Alberto Cairo. Du fait de la sécheresse qui frappe le pays depuis trois ans, six millions d'Afghans -sur 25 millions- dépendent totalement de l'aide humanitaire pour survivre. Maintenant que les ONG et les agences des Nations unies ont plié bagage, que va-t-il leur arriver ? La situation est suffisamment inquiétante pour que le porte-parole des Nations unies à Islamabad parle de «catastrophe humanitaire en gestation».
Cette situation ne semble pas émouvoir les autorités pakistanaises. Certes la générosité du Pakistan peut difficilement être discutée : depuis 1979, année de l'invasion soviétique de l'Afghanistan, le Pays des purs a accueilli 2,5 millions de réfugiés afghans. La majorité vit toujours dans des camps insalubres autour de Peshawar. Mais Islamabad -avec une dette extérieure de 38 milliards de dollars- estime ne plus avoir les moyens d'accueillir de nouveaux réfugiés.
Indépendamment des attentats aux Etats-Unis, les autorités pakistanaises menaient depuis décembre des opérations de reconduite aux frontières. Alors comment envisager d'en recevoir peut-être un million supplémentaire en cas de conflit dans la région. D'autant que, outre l'économie, Islamabad se soucie de sa sécurité. Maintenant qu'elle a fait le choix des Etats-Unis, elle redoute que des Talibans kamikazes ne profitent des colonnes de réfugiés pour venir perpétrer des attentats au Pakistan.
La route caillouteuse qui serpente à travers les Monts Suleiman, de l'Afghanistan vers la ville-frontière de Peshawar au Pakistan, est silencieuse. Il y a trois semaines encore, des camions chargés jusqu'à la gueule de matériel électronique venus en contrebande des Emirats la dévalaient à tombeau ouvert. Mais depuis les attentats de New York et Washington, la célèbre Khyber Pass semble orpheline.
L'explication se trouve plus haut dans la montagne, au poste-frontière de Torkham. L'immense porte verte flanquée de deux tourelles qui marque le passage entre le Pakistan et l'Afghanistan est désormais fermée. Une décision adoptée par les autorités pakistanaises qui redoutent un afflux massif de réfugiés afghans après la menace d'opération militaire américaine contre le pays qui abrite Oussama Ben Laden.
La crainte est justifiée en effet : dès l'annonce de la mise en cause de l'ennemi public n°1 des Américains, des dizaines de milliers d'Afghans ont cherché à fuir vers le Pakistan, tant par le poste-frontière de Torkham, près de Peshawar, que, plus au sud, par celui de Chaman au Baloutchistan. «Les gens ont peur. Ils écoutent la radio toute la journée en se demandant ce qui va se passer. Pourtant il n'y a eu aucune manifestation de joie à l'annonce des attentats», témoigne Alberto Cairo, un médecin italien qui travaille depuis douze ans à Kaboul avec le CICR.
La plupart de ceux qui cherchent à fuir ont été refoulés à la frontière. Mais près de 50 000 personnes ont réussi à franchir les mailles du filet. De l'autre côté de la frontière, ces réfugiés sont certes à l'abri d'un éventuel bombardement. Mais leur situation n'est pas confortable pour autant.
L'inquiétude des humanitaires
Vêtu d'un shalwar-kameez bleu, une longue barbe qui lui mange le visage, Azibullah, rencontré à Peshawar, raconte son histoire : «A la mosquée de Kaboul, l'imam nous a appelés à prendre les armes pour défendre l'islam. Mais j'ai une famille que je dois protéger. Alors, j'ai préféré fuir. Dans ma rue, presque tout le monde est parti. Mais ici je ne connais personne. Je ne sais pas où loger ni comment me nourrir».
Les agences des Nations Unies se préparent au pire en cas en cas de frappes américaines, redoutant de voir des millions de personnes s'entasser le long d'une frontière fermée, avec tous les problèmes d'hygiène, d'accès à l'eau, à la nourriture. que cela représente. Elles estiment avoir les moyens de faire face à l'urgence. Mais qu'en sera-t-il si un éventuel conflit se prolonge? «S'il y a une mobilisation militaire, il doit aussi y avoir une mobilisation humanitaire», martèle Rudd Lubbers, le directeur du Haut-Commissariat aux Réfugiés à Islamabad.
Ceux qui arrivent à la frontière ne sont pourtant pas les plus mal lotis. Ils ont les moyens financiers et la santé physique pour se déplacer. Le principal exode est intérieur. Plus que fuir vers le Pakistan, de nombreux Afghans quittent les villes pour les campagnes moins susceptibles d'être victimes d'attaques. Ainsi la moitié des habitants de Kandahar -la capitale spirituelle des taliban- ont fui la ville.
Mais l'hiver approche et l'Afghanistan est un pays très pauvre. «Dans la plupart des villages, les gens n'auront plus à manger d'ici quelques semaines», s'inquiète Alberto Cairo. Du fait de la sécheresse qui frappe le pays depuis trois ans, six millions d'Afghans -sur 25 millions- dépendent totalement de l'aide humanitaire pour survivre. Maintenant que les ONG et les agences des Nations unies ont plié bagage, que va-t-il leur arriver ? La situation est suffisamment inquiétante pour que le porte-parole des Nations unies à Islamabad parle de «catastrophe humanitaire en gestation».
Cette situation ne semble pas émouvoir les autorités pakistanaises. Certes la générosité du Pakistan peut difficilement être discutée : depuis 1979, année de l'invasion soviétique de l'Afghanistan, le Pays des purs a accueilli 2,5 millions de réfugiés afghans. La majorité vit toujours dans des camps insalubres autour de Peshawar. Mais Islamabad -avec une dette extérieure de 38 milliards de dollars- estime ne plus avoir les moyens d'accueillir de nouveaux réfugiés.
Indépendamment des attentats aux Etats-Unis, les autorités pakistanaises menaient depuis décembre des opérations de reconduite aux frontières. Alors comment envisager d'en recevoir peut-être un million supplémentaire en cas de conflit dans la région. D'autant que, outre l'économie, Islamabad se soucie de sa sécurité. Maintenant qu'elle a fait le choix des Etats-Unis, elle redoute que des Talibans kamikazes ne profitent des colonnes de réfugiés pour venir perpétrer des attentats au Pakistan.
par Jean Piel, à Islamabad
Article publié le 25/09/2001