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Défense

Quelle alliance pour quelle guerre ?

George W. Bush a promis de conduire à la victoire l'Amérique et ses alliés. Ces derniers ont promis leur solidarité mais certains s'inquiètent déjà des conséquences de cette «guerre» annoncée.
«C'est un acte de guerre», a martelé le président Bush depuis le Bureau Ovale. Et «nous conduirons le monde à la victoire», a-t-il ajouté. Dès mercredi, au lendemain des attentats, le conseil permanent de l'OTAN a décidé que s'appliquait l'article 5 du traité de 1949, qui prévoit que toute agression extérieure contre l'un des pays membres est considéré comme une agression contre l'ensemble des pays de l'Alliance. Bien que conçu du temps de la guerre froide contre une menace venant des pays du bloc soviétique, les membres de l'Alliance ont estimé que l'article 5 pouvait s'appliquer à une attaque terroriste de cette nature. L'affirmation de cette solidarité par les 18 alliés de Washington est d'autant plus remarquable que l'OTAN n'est pas coutumière des décisions rapides.

Au-delà d'un réflexe de solidarité réel et profond éprouvé par l'ensemble des pays européens, il faut sans doute y voir la volonté de nombreux alliés de rassurer Washington et d'entourer les dirigeants américains dans l'épreuve afin de les dissuader d'agir seuls et précipitamment. Plusieurs pays membres parmi les plus importants, notamment l'Allemagne et la Grande-Bretagne, ont souligné que cela ne signifiait en rien un «chèque en blanc» pour une riposte militaire indiscriminée. Certains pays, notablement la France, contestent même le terme de «guerre» employé par George W. Bush.

En fait, en faisant jouer l'article 5 du Traité atlantique, les alliés européens des Etats-Unis veulent ramener une administration Bush tentée par l'unilatéralisme vers davantage de concertation internationale. Pour les Américains, l'offre est difficile à refuser, mais pleine de pièges. Nul doute que d'intenses débats opposent actuellement partisans et adversaires d'une concertation internationale au sein de l'exécutif américain.

Certes, les premiers éléments de l'enquête montrent des ramifications en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie ou en Belgique. Seuls, les Etats-Unis n'ont aucune chance de résoudre les énigmes posées par ces attentats. L'intensification de la coopération en matière de renseignement est très certainement la première conséquence opérationnelle du désastre de mardi. Les offres de services proviennent d'autres Etats : Israël, l'Inde, la Russie, pour ne citer qu'eux. Compte tenu du savoir-faire des services de renseignements de ces pays dans des domaines cruciaux pour l'enquête, Washington ne saurait dire «non» à ces offres de services pourtant non dénuées d'arrière-pensées. Les Israéliens veulent assimiler le combat des Américains à leur propre lutte contre les Palestiniens, les Russes font de même avec les combattants tchétchènes et les Indiens ont en vue les indépendantistes du Cachemire et le Pakistan qui les appuie.

Coût politique élevé

Le coût politique de cette coopération peut s'avérer élevé après coup. En particulier au Moyen-Orient où certains analystes pointent l'impopularité record des Etats-Unis dans le monde arabe en raison de leur soutien à Israël pour suggérer à l'administration Bush de rééquilibrer sa politique. Une suggestion vigoureusement rejetée par les dirigeants américains qui considèrent au contraire que dans le combat contre le terrorisme, chacun doit désormais se déterminer. C'est peu de dire que l'on n'a guère apprécié à Washington les remarques du roi Abdallah II, estimant que les attentats de mardi n'auraient peut-être pas eu lieu si les Etats-Unis s'étaient davantage impliqués dans un règlement du conflit israélo-palestinien.

S'agissant des inévitables représailles, les cibles ne sont guère faciles à identifier et ne feront sans doute pas l'unanimité des alliés. Les Américains, qui se souviennent avec irritation des négociations avec les Européens pour déterminer les cibles à frapper lors de la campagne du Kosovo, n'ont certainement pas le désir de demander leur accord préalable avant de frapper l'ennemi qu'ils auront défini.

Mais la réflexion en cours porte davantage, semble-t-il, sur des opérations ciblées de commandos que sur des bombardements massifs qui risqueraient d'épargner les véritables responsables, tout en causant de lourdes pertes civiles. Dans ce domaine, outre les Américains, Français et Britanniques ont une expérience qui pourrait être mise à contribution.

Au total, on semble s'orienter vers une coalition à géométrie variable : les Américains conserveraient leur pleine liberté d'action sans se lier les mains, tout en coordonnant avec certains de leurs alliés des opérations communes. Enfin, une large coalition politique associant, au-delà de l'OTAN, la Russie, la Chine, l'Inde et certains pays arabes assurerait à Washington le soutien politique nécessaire pour accompagner les opérations militaires.

Si personne ne met en question le droit des Etats-Unis à riposter militairement à l'agression dont ils ont été victimes mardi, nombreux sont ses alliés qui, plus ou moins ouvertement, s'inquiètent du choix des cibles et des conséquences politiques de cette inéluctable riposte.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 14/09/2001