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Pakistan

Islamabad prépare l'après-Taliban

La ministre pakistanaise des Affaires sociales, de l'Education et des Droits des femmes, Atiya Inayat Ullah a confirmé la place tenue par son pays dans la coalition internationale contre le terrorisme, lancée par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre. Tout en rappelant à quel point le Pakistan, en tant que pays frontalier de l'Afghanistan, où se cacherait Oussama Ben Laden, doit gérer cette crise avec précaution.
«Le président Musharraf a pris la décision de principe de rejoindre la coalition contre le terrorisme pour protéger les 140 millions de Pakistanaisà Nous ne pouvons pas rester neutres dans la bataille contre le terrorisme.» Pour Atiya Inayat Ullah, ministre pakistanaise des Affaires sociales, de l'Education et des Droits des femmes, en visite dans la capitale française, les attentats du 11 septembre qui ont frappé les Etats-Unis, ont contraint l'ensemble des pays de la communauté internationale à choisir leur camp. Devant l'ampleur du drame, ne pas prendre position serait revenu, par opposition tacite, à affirmer son soutien à Oussama Ben Laden, le commanditaire présumé des attentats, réfugié selon toute probabilité en Afghanistan, pays voisin du Pakistan. Avec toutes les conséquences que cela pouvait impliquer.

Cet engagement du Pakistan qui a envoyé deux missions auprès des Taliban, dont il a soutenu le régime pendant des années, pour essayer d'obtenir qu'ils acceptent de livrer Oussama Ben Laden, n'est pas totalement inconditionnel. Il s'agit d'une prise de position pragmatique destinée à préserver les intérêts du pays avant tout. «En politique, il y a seulement des intérêts permanents, pas des alliés permanents.» Atiya Inayat Ullah s'est d'ailleurs félicitée que le président américain George W. Bush ait reconnu que le Pakistan avait une «vue à long terme».

Islamabad a, en effet, accepté de partager des renseignements, d'autoriser le survol de son territoire par des avions américains mais, a précisé la ministre, en aucun cas «il n'y aura de troupes pakistanaises physiquement engagées» dans des actions militaires contre l'Afghanistan.

«Nous nous préparons au pire»

Situation géographique oblige, le Pakistan doit agir avec prudence. Comme l'a précisé Atiya Inayat Ullah, c'est «un pays pluraliste mais avec des extrémismes religieux, ethniques comme dans de nombreux endroits du monde.» Les risques de voir son propre territoire en proie à des actions terroristes de la part de groupes islamistes solidaires avec l'Afghanistan, est important. D'ailleurs, les autorités ont déployé récemment des troupes dans le pays, notamment à Karachi, capitale économique de l'Etat, et pris un certain nombre de mesures de sécurité pour prévenir toute tentative d'attentat, au moment où l'heure de la riposte américaine semble se rapprocher.

«Nous partageons une identité avec l'Afghanistan». L'ethnie Pachtoune, majoritaire dans le pays, peuple, en effet, aussi le Nord du Pakistan. Ce dernier a accueilli en 20 ans près de deux millions d'Afghans chassés de leur pays par les guerres qui l'ont ravagé. Les liens sont donc très forts et certains intérêts communs. Une catastrophe humanitaire en Afghanistan aurait immanquablement des répercussions sur le Pakistan. D'ailleurs, Atiya Inayat Ullah a précisé qu'il y avait déjà une «urgence humanitaire» due à l'afflux de réfugiés afghans qui quittent le pays pour échapper aux représailles américaines, dans des conditions particulièrement difficiles.

Concernant l'évolution de la crise, la ministre pakistanaise a affirmé : «Nous espérons le meilleur et nous nous préparons pour le pire». Le Pakistan veut avant tout sauvegarder son intégrité territoriale. «Nous sommes un pays de ligne de frontà Nous aimerions beaucoup garantir le respect de nos frontières à l'Est et à l'Ouest». C'est pourquoi Atiya Inayat Ullah a insisté sur la nécessité de «gérer» cette crise «avec précaution». Elle précise que si «OUBL [Oussama Ben Laden] est bien réel, il a été fabriqué et il ne peut être la cause d'un massacre de populations innocentes». Autrement dit, la riposte doit être mesurée et ciblée sous peine de provoquer des réactions incontrôlables dans une région très sensible.

Puissance régionale incontournable, le Pakistan fera partie de «tous les processus» de règlement envisagés. «Nous serons avec la bonne formule». Quelle sera celle-ci ? Pour Atiya Inayat Ullah, deux hypothèses sont envisageables. La première serait de permettre aux Afghans de réunir une assemblée de représentants des différentes ethnies et tribus du pays, de laquelle émergerait un leader naturel. Et si cela n'était pas envisageable, de faire appel aux Nations unies pour gérer la transition politique. Car quelle que soit la riposte américaine et si la cible reste avant tout Oussama Ben Laden, il paraît dorénavant de plus en plus improbable que le régime des Taliban puisse rester au pouvoir en Afghanistan.



par Valérie  Gas

Article publié le 05/10/2001