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Islamisme

Djamel Beghal: une pièce dans le puzzle Ben Laden

Les confessions de Djamel Beghal, qui affirme être le chef d'un commando qui projetait un attentat-suicide contre l'ambassade des Etats-Unis en France et avoir reçu directement des ordres du bras droit de Ben Laden, permettent aux enquêteurs de démêler les fils d'un écheveau terroriste en Europe. Et de reconstituer partiellement les processus qui ont pu conduire au scénario du 11 septembre aux Etats-Unis.
28 juillet 2001. En provenance d'Afghanistan et en transit pour le Maroc à l'aéroport de Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, un homme est intercepté par la police pour une histoire de passeport irrégulier. On vérifie son identité: il s'agit d'un franco-algérien de 35 ans, Djamel Beghal. Il est aussitôt interrogé dans le cadre d'une commission rogatoire internationale lancée par le juge parisien Jean-Louis Bruguière. Pour l'aider à «passer à table», les policiers lui font rencontrer des chefs religieux locaux. Ceux-ci le convainquent qu'il s'est éloigné du Coran et qu'il n'est pas dans la bonne voie. Seule la parole lui accordera le pardon d'Allah.

Le travail des Oulémas délie ainsi la langue de Beghal qui affirme, au cours de ces premiers aveux, qu'il prépare des attentats suicides contre l'ambassade américaine à Paris et contre un centre «culturel» américain (qui n'existe plus). Il précise qu'il n'a pas eu de contact direct avec Ben Laden mais qu'il a rencontré son bras droit, Abou Zoubeida, lors d'une réunion en Afghanistan en mars dernier, au quartier général du milliardaire d'origine saoudienne. C'est lui qui lui aurait confié la mission en France dont le déclenchement est prévu «entre janvier et février 2002». Lors de son arrestation, Djamel Beghal était en route pour le Maroc. Il devait ensuite se rendre en Espagne et en France.

La CIA est aussitôt alertée et les confessions de Beghal sont consignées dans un rapport de la DST (Direction de surveillance du territoire, le contre-espionnage français). Elles sont transmises à tous les services de renseignements occidentaux. Aussitôt, une vague d'arrestations a lieu en France, en Belgique et aux Pays Bas. Elle aboutit à l'ouverture d'une information judiciaire à Paris pour «menaces contre les intérêts américains», le 10 septembre, la veille même des attentats anti-américains. En région parisienne, sept militants islamistes présumés sont mis en examen et écroués.

L'ambassade américaine à Paris visée

Un huitième homme, Kamel Daoudi, est expulsé de Grande-Bretagne vers Paris où il est entendu ce mercredi par le juge Jean-Louis Bruguière. Il doit être mis en examen pour «association de malfaiteurs terroristes». Il est soupçonné d'être le «monsieur informatique» du réseau de Beghal et être responsable de la logistique qui aurait permis l'attaque-suicide contre l'ambassade américaine à Paris. Il a échappé de peu au coup de filet français en quittant précipitamment l'appartement de Beghal qu'il occupait à Corbeil-Essonnes, dans la région parisienne.

Extradé à Paris, Beghal a été très longuement entendu par le juge Bruguière. Onze heures d'audition ce lundi au cours desquelles, selon son avocat, il s'est rétracté. Il a reconnu avoir été formé dans un camp d'entraînement de Ben Laden en Afghanistan mais aurait contesté cette fois toute participation à une entreprise terroriste et nié avoir reçu l'ordre d'attaquer l'ambassade américaine. Face au juge français, Beghal modifie quelque peu la version initiale de l'attaque. Il ne parle plus de camion piégé mais d'un kamikaze censé pénétrer dans l'édifice avec une ceinture d'explosifs. A Dubaï, il avait révélé le nom de cet homme, Nizar Trabelsi, arrêté à Bruxelles le 13 septembre dernier. Au domicile de ce Tunisien de 31 ans, ancien joueur de football, les policiers découvrent «une liste de produits chimiques» et une arme. Il est inculpé entre autres «de tentative de destruction d'édifice par explosifs».

Les rétractations de Djamel Beghal pourraient être destinées à protéger sa famille mais les déclarations recueillies à Dubaï font désormais partie de la procédure judiciaire française. Enfin, l'ambassade américaine à Paris se refusait à tout commentaire, estimant qu'il s'agit d'une enquête menée par les autorités françaises «en qui nous avons toute confiance».






par Sylvie  Berruet

Article publié le 03/10/2001