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Attentats: la riposte

Le «oui, mais...» des pays musulmans

La plupart des pays musulmans expriment un soutien inquiet et réservé aux frappes américaines. Seuls l'Irak et l'Iran les condamnent vigoureusement.
Sans surprise, Saddam Hussein a qualifié d'«agression» les attaques aériennes lancées par les Etats-Unis sur l'Afganistan. Le président irakien, qui dénonce depuis des années l'«illégalité» des bombardements américano-britanniques sur son territoire, use d'arguments plus juridiques que religieux : «Les vrais croyants ne peuvent que condamner cette action, non pas parce qu'elle a été commise par l'Amérique contre un peuple musulman, mais parce qu'il s'agit d'une agression perpétrée en violation de la loi internationale». En Iran, ce sont les conséquences de ces frappes que l'on redoute. Jugées «inacceptables», elles «porteront tort au peuple innocent et opprimé d'Afghanistan (...) On peut douter que ces opérations n'éliminent pas le terrorisme, mais que, par contre, elles répandent plus encore ce genre d'idées».

Hormis Bagdad et Téhéran, la plupart des pays arabes et musulmans ayant réagi aux frappes américaines se montrent, à des degrés divers, embarrassés. Ecartelés entre, d'une part, la solidarité religieuse et communautaire, d'autre par le droit reconnu aux Etats-Unis à riposter et la nécessité de lutter contre un terrorisme dont ils sont parfois eux-mêmes victimes. Ainsi l'Egypte, qui fait face à une vive opposition islamiste, comprend le droit des Etats-Unis à répliquer «s'ils ont des preuves», mais s'inquiète des souffrances du peuple afghan. La Ligue arabe, sur une ligne analogue, «appelle à la retenue et à ne pas élargir la confrontation».

La Jordanie craint pour sa stabilité

Epargner les civils afghans, dont quelque 500 000 expatriés vivent sur leur sol, c'est aussi la préoccupation des pays arabes du Golfe. Très prudents, certains s'abstiennent de réagir, laissant ce soin à une presse largement sous contrôle, laquelle s'en prend aux Taliban, coupable à ses yeux d'avoir refusé de livrer Oussama ben Laden. «Il est important de distinguer les terroristes de la population d'un pays», a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal, l'un des seuls responsables de la région à s'être exprimé pour l'instant. Le Premier ministre de Bahrein, cheikh Khalifa, a affirmé lundi que son pays soutenait les frappes américano-britanniques contre l'Afghanistan mais s'inquiétait pour le sort du peuple afghan.

En Syrie, au lendemain de la riposte de Washington, c'est aussi la presse officielle qui relaie les positions du pouvoir. Le journal Syria Times s'en prend à Israël et dénonce la politique américaine «des deux poids, deux mesures». Dans un éditorial, il estime que les Taliban ne sont pas seuls coupables. «Il y a aussi les troupes d'occupation qui tuent des Palestiniens sans armes. Il faut les déférer tous devant la justice». En Indonésie, le plus grand pays musulman du monde, le gouvernement exprime sa «profonde inquiétude» et souhaite que les civils soient épargnés. Quant à la Jordanie, si elle «appelle les Etats-Unis à épargner les civils», c'est qu'elle craint surtout pour sa propre stabilité. Le gouvernement jordanien a mis en garde lundi contre toute tentative de «déstabilisation» à l'intérieur du royaume, et a annoncé qu'il prendrait les mesures de sécurité nécessaires.




par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 08/10/2001