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Iran

Les réfugiés afghans renvoyés chez eux

Face au risque d'un afflux de réfugiés afghans sur son sol, l'Iran a fermé sa frontière avec l'Afghanistan et renvoie dans leur pays ceux qui parviennent à se glisser sur son territoire.
De notre envoyé spécial à la frontière irano-afghane

Même s'il n'y pas encore d'exode massif, le nombre des réfugiés afghans qui traversent la frontière iranienne depuis l'attaque américaine a considérablement augmenté. Selon l'agence officielle iranienne, ils seraient plus de 20 000 depuis le début des opérations militaires. Officiellement, la frontière est fermée. Mais les Iraniens n'ont guère les moyens de contrôler les 900 kilomètres de la frontière commune. Toute la région est désertique et les villages sont plutôt rares. Malgré un déploiement massif de l'armée et de la police, la frontière est perméable.

Dans la région de Zabol, chaque jour, entre 1000 et 2000 réfugiés traversent la frontière. Mais la police est sur ses gardes. En une matinée, une centaine de réfugiés ont été arrêtés. Assis à même la terre, ils attendent au bord de la route entourés de soldats armés de kalachnikov. Ils seront emmenés dans un camp d'internement avant d'être renvoyés en Afghanistan. Dans le groupe il y a une vingtaine de femmes et d'enfants. Les autres sont des jeunes. Très pauvrement habillés, ils ont traversé la frontière dans la nuit, peu après les attaques américaines. Ils n'ont rien emporté avec eux. «Ils traversent à pied la frontière jusqu'à Zabol. De là, ils s'entassent à quinze ou vingt derrière un pick-up et tentent de joindre Zahedan soit par la route soit à travers le désert», affirme l'un des officiers.

La zone de tous les trafics

La région désertique de Zabol, dans le sud-est de l'Iran, est propice à tous les trafics. Ici, il y a ni agriculture ni industrie. Alors, les habitants de la région font du trafic d'essence et de gasoil vers l'Afghanistan pour les vendre dix fois plus cher qu'en Iran. En effet, les produits énergétiques sont subventionnés par le gouvernement et un litre d'essence ne coûte 2 cents (environ 15 centimes). Tous les matins, plusieurs centaines de pick-up, remplis de bidons d'essence et de gasoil partent vers la frontière. Visiblement, les policiers sont complices de ce trafic. Au retour, ils ramènent des réfugiés afghans ou bien du bétail en contrebande. Toute la région vit de ce commerce illicite.

Mais depuis quelques semaines, le gouvernement a décidé de limiter le flot des réfugiés. Avant de les renvoyer en Afghanistan, ces derniers sont regroupés dans l'un des camps d'internement de la région. Le camp Adimi, à proximité de Zabol et situé à quarante kilomètres de la frontière sur une route presque désertique, est l'un d'entre eux. Plusieurs centaines de réfugiés y ont été enfermés. Les hommes sont entassés à quarante ou cinquante dans des petites chambres. La porte est fermée à clé. Il y a là aussi une dizaine de femmes. Deux ou trois par jours, le gardien fait sortir les réfugiés chambre par chambre pour qu'ils puissent boire un peu d'eau et de faire la prière. «C'est la guerre là-bas. Nous sommes des musulmans. Pourquoi ils nous renvoient en Afghanistan?», demandent-ils.

Le sentiment sur les attaques est partagé. Pour certains, la situation va encore empirer. «Depuis 22 ans, nous sommes en guerre. L'attaque américaine ne va rien arranger. Il y aura encore plus de morts et de destruction», affirme Ahmad. Mais d'autres applaudissent. «Les Américains c'est bien. Ca va peut-être nous permettre d'avoir un gouvernement stable et en finir avec la guerre», soutient Mohammad, un jeune de Herat en Afghanistan, qui a décidé de fuir le pays à cause de la pauvreté. «le roi Zaher Shah, c'est bien. Il peut permettre à notre pays d'en finir avec la guerre», affirme un troisième.

Pour les Iraniens, il n'est pas question de se montrer flexibles. «Ils sont venus illégalement en Iran. Ils doivent repartir», affirme un responsable. La police iranienne renvoie sans ménagement tous ces réfugiés. En effet, l'Iran compte déjà sur son sol plus de 2 millions et demi de réfugiés afghans et selon les Nations unies, 400 000 nouveaux réfugiés pourraient arriver en Iran à la suite des attaques américaines. Ce que l'Iran veut empêcher à tout prix.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 11/10/2001