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Argent sale

Epais brouillard sur la City de Londres

La Grande-Bretagne, dont la City de Londres est la première place financière au monde, présente une très grande vulnérabilité à l'argent sale et à la délinquance financière : après Monaco, le Liechtenstein et la Suisse, la mission parlementaire française sur le blanchiment des capitaux épingle sévèrement le secteur financier et bancaire britannique, peu sensible à cette question, mais aussi le gouvernement, accusé de «grave complaisance» envers l'argent criminel.
La fameuse City de Londres constitue, sur moins de 3 km2, la première place financière au monde, 18.000 milliards de FF, soit davantage que New York et six fois la place de Paris. Près de 500 banques étrangères sont représentées à Londres contre moins de 300 aux Etats-Unis et moins de 200 en France. C'est dire si son activité financière est sans commune mesure avec celle du Liechtenstein ou même de la Suisse qui ont fait l'objet de précédents rapports. Or, la mission d'information des députés français sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et le blanchiment des capitaux rend public un rapport très sévère sur la Grande-Bretagne et ses dépendances : Gibraltar et îles anglo-normandes.

«Tony Blair, qui prêche autour du monde la bonne parole pour lutter contre le terrorisme, doit mettre de l'ordre dans ses propres écuries » affirme Arnaud Montebourg, rapporteur de la mission. En effet l'enquête menée par les députés français souligne que la Grande-Bretagne et ses dépendances sont «non seulement un paradis fiscal, bancaire et financier, mais malheureusement judiciaire à bien des égards». Le rapport publie un document exhaustif sur les structures financières qui entourent Oussama Ben Laden, instigateur présumé des récents attentats aux Etats-Unis, afin de démontrer que toute l'information nécessaire est disponible sans grandes difficultés, à condition de la chercher...

Le secret bancaire, un droit de l'homme

Ainsi, Londres est une place perméable aux fonds d'origine criminelle car insuffisamment réglementée. De nombreuses professions financières et juridiques échappent à tout contrôle ou toute obligation alors que leur rôle est connu dans l'usage ou la création de sociétés-écran, centres offshore et opportunités de blanchiment. Cela crée donc de vastes failles favorables à la délinquance financière. Les banques elles-mêmes sont apparues aux députés français comme peu concernées par la lutte contre l'argent sale. Pire encore, souligne Arnaud Montebourg, le secret bancaire y est érigé au rang de droit de l'homme ! Vingt-trois banques ayant pignon sur rue étaient impliquées dans l'enquête sur l'argent criminel de Sani Abacha, ex-dictateur du Nigeria.

C'est pourquoi dans les circonstances actuelles le président de la mission française, Vincent Peillon s'élève contre la «stigmatisation des banques islamiques, dans l'émotion et l'irrationalité» mêlant sans discernement banques d'affaires classiques, à capitaux arabes, et banques «militantes», alors même que, sur 500 banques étrangères à Londres, 450 ne se soumettent pas à l'obligation de déclaration de transactions suspectes. «Nulle surprise dès lors à constater l'importance, pour des organisations criminelles à visée terroriste de la place de Londres et des territoires offshores de la Couronne», relève le rapport.

Face à cette situation la justice britannique fait figure d'accusée. Les juges européens spécialistes de la criminalité financière, dont les signataires de l'Appel de Genève en 1996, considèrent comme absolument impossible la coopération judiciaire avec Londres. Quant aux poursuites pénales pour blanchiment, elles sont dix fois moins nombreuses en Grande-Bretagne qu'en France.

Dès lors, Vincent Peillon émet des doutes sur la volonté politique des britanniques, mais surtout des Américains, à lutter contre les paradis fiscaux. Selon lui, geler les capitaux de 27 entités liées au terrorisme ne remet pas en cause les mécanismes mêmes des centres offshores et des circuits du blanchiment. Question qui devra cependant finir par être posée, estiment les députés, et qui devrait l'être, début 2002, avec l'organisation d'un Forum des 15 parlements nationaux de l'Union européenne, sur invitation du président de l'Assemblée nationale Raymond Forni, afin de faire des propositions précises sur la lutte contre la criminalité financière internationale.



par Francine  Quentin

Article publié le 10/10/2001