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Télécommunications

Vivendi fait de la résistance

Après avoir refusé de payer dans les délais la première tranche des versements pour l'attribution d'une licence UMTS dont sa filiale SFR/Cegetel est détentrice, le groupe Vivendi Universal a finalement consenti à verser la somme à l'Etat français. Mais persiste à vouloir renégocier les conditions de paiement et le montant total jugé trop élevé.
Rien ne va plus entre le gouvernement français et le groupe Vivendi Universal, dont la filiale SFR/Cegetel est détentrice (avec Orange, filiale de France Télécom) de l'une des deux licences de téléphonie mobile de troisième génération attribuées, en mai 2001, dans l'Hexagone. Le groupe du patron français Jean-Marie Messier a refusé de payer, dans les délais, la première tranche des versements pour s'acquitter du montant de 4,95 milliards d'euros, équivalant au règlement total de la facture que les deux entreprises sélectionnées doivent payer à l'Etat.

Dimanche soir, date limite pour le paiement, Vivendi a ainsi annoncé que les 619 millions d'euros tant attendus par le ministère de l'Economie et des Finances, étaient bloqués sur un compte de la Caisse des dépôts et consignation en attendant que le gouvernement accepte d'ouvrir des négociations pour revoir le calendrier des échéances et le montant total des licences UMTS. Cette initiative a provoqué une réaction immédiate du gouvernement : «Si l'argent n'arrive pas à l'Etat, on est hors du droit, verser l'argent sur un compte à la Caisse des dépôts, ça ne veut rien dire. Il n'y a pas de situation intermédiaire.» Des menaces de sanction ont tout de suite été mises en avant pour inciter SFR à rentrer dans le rang. Injonction de payer, amende, suspension ou même retrait de la licence, toutes les solutions juridiquement envisageables étaient examinées.

D'autant que le gouvernement n'a pas de marge de man£uvre. D'ores et déjà, les recettes des licences UMTS ont été intégrées dans la loi de finances 2001 et ont trouvé leur affectation. Elles doivent permettre, d'une part, de combler la dette publique, d'autre part de participer au financement des retraites. Pas question donc, d'accepter de voir la manne se tarir.

Une facture disproportionnée

Mais pour le groupe de Jean-Marie Messier, la situation actuelle n'a plus grand-chose à voir avec celle du printemps 2000, lorsque les conditions de l'appel d'offre avaient été fixées. Après l'euphorie, on est passé au pessimisme. La facture de 4,95 milliards d'euros semble aujourd'hui «disproportionnée» par rapport aux perspectives offertes par la téléphonie mobile de troisième génération. Le retard des équipementiers s'est répercuté sur la date de lancement grand public de cette technologie qui devrait permettre notamment d'accéder à Internet sur les téléphones mobiles. Sans cesse reporté, il ne devrait pas intervenir en France avant 2004, peut-être même 2006. Alors qu'au Japon, les téléphones de troisième génération sont en vente depuis cette semaine. Ce qui oblige SFR et Orange à verser des sommes très importantes sans même pouvoir envisager un début de retour sur investissement. Vivendi fait aussi état du contexte général actuel et des répercussions des attentats du 11 septembre aux Etat-Unis sur les marchés financiers qui justifieraient un allègement de la facture. Pour Guy Carcassonne, conseiller juridique de Vivendi : «Quand l'Etat donne à une personne privée le droit d'occuper l'une de ses propriétés, le prix doit être proportionnel à la valeur de cette propriété. Or le montant de 4,95 milliards d'euros ne correspond plus à rien».

Le revirement de Vivendi Universal, qui a finalement accepté de payer les 619 millions d'euros en question lundi soir, fait rentrer la situation dans l'ordre. Pour le momentà Car le prochain versement doit avoir lieu en décembre 2001. Et dans l'intervalle, le groupe a réaffirmé son désir de voir s'ouvrir des négociations «approfondies sur une nouvelle définition du prix et des modalités de paiement». Précisant même qu'il se réservait tous «les moyens de droit» si aucune solution n'était trouvée.

De son côté, le gouvernement a d'abord affirmé qu'il refusait «de négocier sous une contrainte quelconque» et que les discussions avec les opérateurs ne concernaient que la possible mutualisation des réseaux qui permettrait à Orange et SFR de construire leurs réseaux ensemble pour en diminuer les coûts. Mais Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie, a reconnu mardi que les négociations portaient sur «l'ensemble des modalités de la mise en £uvre de l'UMTS», y compris le montant global.

Dans ce bras de fer, Orange qui a effectué le premier versement à la date prévue, a finalement apporté son soutien à la demande de Vivendi de repousser les échéances pendant cinq ans après le paiement du quart de la somme totale en 2001. L'annonce faite lundi par l'Association des actionnaires minoritaires de cette société sur le fait qu'elle étudiait «l'éventualité» d'une action en justice contre l'Etat, actionnaire majoritaire de France Telecom, pour abus de majorité en raison du coût des licences UMTS, a certainement pesé sur la prise de position d'Orange. Pour Colette Neuville, présidente de l'association : «Il y a un conflit d'intérêt qui a été résolu dans le sens de l'Etatà et non dans celui de l'entreprise».

L'Autorité de régulation des télécoms (ART), qui avait déjà estimé lors de l'attribution des licences, que les conditions étaient trop exigeantes, abonde aussi dans le sens de Vivendi. Elle estime que le gouvernement devrait réexaminer la situation pour alléger les versements d'Orange et de SFR et lancer très rapidement un second appel d'offre en vue d'attribuer les deux licences encore en déshérence.



par Valérie  Gas

Article publié le 02/10/2001