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Justice

Une «bavure judiciaire» provoque<br>la polémique

En France, un criminel multirécidiviste, remis en liberté il y a moins d'un an, est soupçonné d'avoir commis un quadruple meurtre. Les policiers considèrent leur métier bafoué quand les magistrats relâchent les criminels. Les juges renvoient la balle dans le camp des politiques qui s'affrontent à nouveau sur la nouvelle loi de présomption d'innocence.
Parmi les trois personnes mises en examen, dimanche dernier, dans le quadruple meurtre d'Athis-Mons le 7 octobre dernier dans un bar, un homme fait aujourd'hui l'objet d'une attention toute particulière. Jean-Claude Bonnal, 48 ans, surnommé «le Chinois» en raison de ses origines asiatiques, a un passé sulfureux et chargé. Ancien du «gang de la banlieue sud», il a plusieurs fois été interpellé et condamné pour des braquages à un total de 30 années de réclusion criminelle. En 1998, il participe à un hold-up sanglant d'un bureau de change parisien dans lequel une dizaine de passants sont blessés. Mis en examen puis écroué, il est finalement remis en liberté en décembre 2000 dans l'attente de son jugement.

Bien que cette décision ait été prise avant l'entrée en vigueur le 1er janvier 2001 de la loi de présomption d'innocence , la réapparition au travers de faits tragiques récents de Bonnal, couplée en l'espace d'une semaine avec plusieurs meurtres de policiers, a relancé la polémique sur l'opportunité de la loi Guigou. Une loi s'alignant sur la législation européenne qui vise notamment à limiter les mises en détention provisoire avant jugement. Pour les policiers, on n'est pas loin du scandale. Beaucoup reprochent aux élus d'avoir adopté en juin 2000 une loi sur mesure pour se dépêtrer des affaires politico-financières au détriment de l'efficacité judiciaire. Une tension aggravée par leur mobilisation dans le cadre du renforcement du plan Vigipirate et par les fausses alertes au bacille de charbon depuis les évènements survenus aux Etats-Unis le 11 septembre dernier. De plus, les récentes fusillades meurtrières leur ont donné l'impression d'être devenus des cibles. A l'appel de plusieurs syndicats de police, plusieurs marches silencieuses sont organisées ce mardi à Marseille, Lille et à Créteil.

La droite scandalisée

L'institution judiciaire a donc été rapidement critiquée outre par la police mais aussi par le ministre de tutelle. Samedi dernier, Daniel Vaillant s'est déclaré «révolté» par la libération de Jean-Claude Bonnal. Une mise en cause qui a contraint la ministre de la Justice, Marylise Lebranchu à monter au créneau pour une mise au point. Elle a rappelé que la loi sur la présomption d'innocence n'était pas encore entrée en vigueur au moment de la remise en liberté du «Chinois». Reste que la Garde des Sceaux aura bien du mal à défendre un texte qui suscite des commentaires peu amènes dans les rangs des magistrats eux-mêmes. Le syndicat de la magistrature s'est en effet insurgé contre la récupération de cet événement par les syndicats policiers.

De plus, l'affrontement entre la police et la justice a été très vite relayé sur le terrain politique. Les principaux partis de droite, qui avaient refusé de voter le texte, ont réclamé, lundi, sa révision. Le président du groupe RPR à l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré a demandé outre une révision de la loi de présomption d'innocence, une réforme globale de l'institution judiciaire. De son côté, Alain Madelin, le président de Démocratie libérale et candidat à la présidentielle, a estimé que «nous avons là une illustration par avance des méfaits de la loi Guigou». Pour ce dernier, dans cette loi «tout se passe comme si on avait tout fait pour compliquer la vie de la police et paralyser l'action de la justice». Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France a, quant à lui, demandé «l'abrogation de l'absurde loi Guoigou (à) qui organise la libération des voyous».

Directement désignée, l'ancienne Garde des Sceaux et actuelle ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, a jugé, lundi, «tout à fait inapproprié de mettre en cause cette loi à propos de cette affaire» car elle «n'était pas encore en vigueur au moment où la décision de libérer Jean-Claude Bonnal a été prise». Des arguments qui sont loin de convaincre les syndicats de policiers, déjà très marqués par les récentes fusillades qui ont fait deux morts et plusieurs blessés parmi les fonctionnaires.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 23/10/2001