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Burundi

Processus de transition: attention, fragile!

Le «gouvernement de transition et d'union nationale» prend ses fonctions aujourd'hui à Bujumbura. Il doit assurer un partage équitable du pouvoir entre Hutus et Tutsis dans un pays où la guerre civile n'est toujours pas terminée.
De notre correspondant régional

A Bujumbura, devenu une sorte de ghetto tutsi après sept ans de guerre civile, la majorité de la population regarde avec dépit l'arrivée des militaires sud-africains chargés de la protection des politiciens, pour la plupart Hutus, qui rentrent d'exil.

Toute présence militaire étrangère est considérée ici comme une menace pour la suprématie militaire tutsie et donc un risque pour la survie de la minorité. Le rôle de ces quelques centaines de militaires est pourtant restreint: avec les contingents du Ghana, du Nigeria et du Sénégal qui doivent bientôt les rejoindre, ils doivent protéger les politiciens et former une force spéciale composée à moitié de Hutus et de Tutsis pour poursuivre cette tâche après leur départ.

Pour l'instant, seul Jean Minani, le président hutu du Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU), le parti vainqueur lors des élections de 1993, a bénéficié de cette protection. Il est revenu dimanche au Burundi après cinq ans d'exil à Dar es Salaam. Jean Minani a trouvé un poste de ministre dans le gouvernement de transition nommé mardi. Comme le prévoyait l'accord d'Arusha, les 26 postes ministériels ont en effet été répartis à raison de 14 pour les partis hutus et de 12 pour la minorité tutsie. Mais les Tutsis conservent les ministères clefs de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances.

Le président Buyoya doit céder la place dans 18 mois

Un parlement bicaméral doit être mis en place. Les 190 sièges de l'Assemblée nationale seront répartis entre 60% de Hutus et 40% de Tutsis, tandis que le Sénat devrait permettre une représentation encore plus élevée de la minorité. En termes démographiques, les Tutsis constituent moins de 20% de la population.

Fondamentalement, le statu quo demeure donc. Le major Tutsi, Pierre Buyoya, qui a pris le pouvoir en 1996, doit en effet conserver la présidence pour les 18 mois à venir. Il s'est engagé à le remettre ensuite à son vice président, Domitien Ndayizeye, un Hutu, secrétaire général du Frodebu. Mais d'ici là, beaucoup d'eau aura passé sous les ponts.

Pour l'instant et pour les mois ou les années à venir, la minorité tutsie tient toujours l'armée et l'économie. D'ailleurs la guerre continue: les principaux groupes rebelles hutus ont refusé de rejoindre le processus de paix. Ils accusent une partie de la minorité tutsie de s'être accaparée à la fois l'armée, le gouvernement et l'économie.

Cette minorité au sein de la minorité a noyé toute contestation dans le sang depuis le début des années 1970. Les rebelles, tout comme les partis politiques non armés proches des Hutus rappellent que la plupart des Hutus sachant lire et écrire ont été massacrés en 1972.

Plus récemment, en 1993, le premier président démocratiquement élu, Melchior Ndadaye, un Hutu du Frodebu, a été assassiné en plein jour quelques mois après sa prise de fonction par des militaires tutsis qui sont restés aux commandes du pays. Depuis, des centaines de milliers de personnes sont mortes, un million d'autre a du fuir sa propriété, un demi-million a trouvé refuge dans des camps misérables en Tanzanieà

Le premier souci des institutions de transition sera de ne pas faire de vague pour ne pas effaroucher la communauté tutsie. Mais leur programme s'annonce chargé. L'une des premières taches du nouveau gouvernement sera de réformer l'armée afin de la préparer à devenir une armée mixte susceptible de protéger non seulement les Tutsis mais aussi les Hutus.

Ensuite, le rapatriement des réfugiés, la réinsertion des déplacés, la reprise des programmes de développement et enfin l'organisation des élections devraient être plus facile à réaliser. Il est prévu que les premières élections seront faites au scrutin indirect afin de ne pas noyer les voix de la minorité tutsie.

Mais très peu de Burundais croient que les institutions de transition mise en place cette semaine ont la légitimité et la force pour mener ces immenses taches à bien. Conçues à l'étranger par un gouvernement et des partis politiques largement discrédité à l'intérieur du pays, ces institutions apparaissent à l'image des militaires sud africains qui ont envahi depuis dimanche dernier les grands hôtels de la capitale : importés.

Cette fragilité originelle risque de faire rapidement sombrer les nouvelles institutions sous les coups portés par les vagues de sangs qui endeuillent quotidiennement le pays. Sans un engagement important et visible de la communauté internationale pour accompagner cette transition, on peu donc craindre qu'elle soit engloutie par les événements.

A Kampala,















par Gabriel  Kahn

Article publié le 01/11/2001