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Pakistan

La revanche diplomatique de Musharraf

Le président pakistanais effectue sa première grande tournée occidentale, confirmant le rôle déterminant de son pays dans une solution à la crise afghane. Après deux escales en Iran et en Turquie, Pervez Musharraf était à Paris mercredi 7 et jeudi 8 novembre, avant de partir pour Londres puis New York.
Naguère paria après son coup d'Etat militaire du 12 octobre 1999, le général Musharraf est aujourd'hui accueilli avec les honneurs en occident. Le ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine a beau assurer que le président pakistanais «n'est pas reçu en grand pompe» à Paris, mais «normalement, comme un chef d'Etat en exercice», il reste que l'ancien putschiste fait l'objet d'une attention particulière. Allié incontournable des Etats-Unis dans la coalition anti-terroriste, partenaire obligé de toute solution à la crise afghane, Pervez Musharraf savoure une sorte de revanche diplomatique. Il impose son pays comme une pièce maîtresse dans la préparation de l'après-taliban.

Habile au point que certains l'accusent de jouer double jeu, celui dont le pays a armé et entraîné les talibans affirme aujourd'hui que le Pakistan est «victime du terrorisme». Au cours d'une conférence de presse commune avec Jacques Chirac, lequel a souhaité à son hôte «la plus cordiale des bienvenues», Pervez Musharraf a fait part, mercredi, de sa détermination à «être partie prenante de la coalition contre le terrorisme international» et «à trouver une solution aux problèmes de l'Afghanistan». Saluant ce «choix courageux» et affirmant sa volonté de le «conforter», le président français, à l'issue d'un entretien d'une heure avec son homologue pakistanais, s'est félicité du «soutien» apporté par celui-ci à la proposition française de conférence internationale d'aide humanitaire en faveur du peuple afghan.

«Pas de désordre possible en mon absence»

Pervez Musharraf, de son côté, a indiqué que le Pakistan participait au volet militaire à travers l'échange d'informations avec les services de renseignement de la coalition, l'ouverture de l'espace aérien pakistanais et un soutien logistique. Il a rappelé à Jacques Chirac son souhait d'une action militaire «courte et ciblée» en Afghanistan. La poursuite des frappes, selon lui, «aura un impact négatif» sur le monde musulman. Tous deux ont réitéré leur soutien à l'action des Nations unies et du représentant spécial de l'Onu en Afghanistan, Lakhdar Brahimi, que Jacques Chirac devait recevoir jeudi. «Les talibans, a déclaré le chef de l'Etat français, ont créé depuis qu'ils sont au pouvoir une situation de misère pour la population, d'humiliation pour les femmes, de refus de prendre en considération les droits de l'homme».

Le président pakistanais a donc choisi son camp. Depuis le début du conflit, il a multiplié les gages de sa bonne volonté en même temps qu'il assurait la stabilité de son pays. Ainsi, le limogeage de son chef des services secrets, trop liés aux talibans, le verrouillage de la rue et l'étouffement des velléités islamistes. Juste avant son voyage, il a également rappelé à l'ordre l'ambassadeur du régime taliban à Islamabad, qui tenait des propos incendiaires contre les Etats-Unis. Il vient aussi de fermer le consulat d'Afghanistan à Karachi.

En retour, le général a plaidé, sur le plan économique, pour un aménagement, voire un allégement de la dette de son pays. Celle-ci s'élève à 12,5 milliards de dollars, dont 1,2 à l'égard de la France et 3 vis à vis des Etats-Unis. Le Premier ministre français Lionel Jospin, que Pervez Musharraf a rencontré jeudi matin, s'est montré selon lui «extrêmement résolu» à «aider» son pays à faire face à ses «problèmes économiques». La veille, Jacques Chirac avait assuré que la France «apportera son appui à un traitement généreux de la dette pakistanaise au club de Paris». Sûr de lui, affirmant qu'«il n'y a pas de possibilité de désordre durant mon absence», le président pakistanais va poursuivre sa tournée occidentale par deux autres étapes importantes, Londres, et surtout New York, où il rencontrera le président américain Bush.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 08/11/2001