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Attentats: la riposte

Bush en appelle à ses alliés

Face à l'Assemblée générale de l'ONU, le président américain a oscillé entre menaces et encouragements pour resserrer les rangs de sa coalition contre le terrorisme. Il a accordé au Pakistan une aide économique d'un milliard de dollars, en demandant à l'Alliance du Nord de ne pas rentrer dans Kaboul.
De notre correspondant à New York

La colère transparaissait parfois, dans les propos de George W. Bush. Pour sa première prestation devant l'Assemblée générale de l'ONU réunie en session annuelle, le président américain n'a pas hésité à sermoner la communauté internationale. «Pour chaque pays qui soutient le terrorisme, il y aura un prix à payer, et ce prix sera payé», a menacé le président, devant près de 189 officiels, presque tous chefs d'Etat, de gouvernements, ou ministres des Affaires étrangères. Selon lui, les complices des terroristes sont «tout aussi coupables de meurtre et tout autant redevables devant la justice».

Le président était entouré d'un service de sécurité impressionnant, dans le palais de verre de l'ONU, à Manhattan, le long de l'East river. Jamais la sécurité n'avait été autant renforcée pour la traditionnelle réunion. Cette année, les attentats contre le World Trade Center ainsi que les récentes attaques verbales d'Oussama Ben Laden contre l'ONU et Kofi Annan ont légitimement entraîné des mesures exceptionnelles. L'avenue qui passe devant les Nations unies est fermée à la circulation, et l'immeuble de plus de 30 étages est protégé par des camions bennes remplis de sable. Les sas de sécurité ont été multipliés, et le bâtiment a été fermé au public.

Maniant habilement menaces voilées et encouragements, le président américain a estimé que «le temps de la sympathie est passé, le temps de l'action est maintenant venu. Certains gouvernements détournent encore le regard des terroristes, en espérant que la menace va les épargner, a-t-il déclaré. Ils ont tort». Déterminé, regardant souvent les représentants de la communauté internationale dans les yeux, George Bush a donné des précisions sur la portée de ses déclarations : «Nous devons nous unir dans l'opposition à tous les terroristes, pas seulement certains d'entre eux (...). Tout gouvernement rejetant ce principe, essayant de sélectionner et choisir ses amis terroristes en subira les conséquences».


Un milliard de dollars

Tout en reconnaissant à égalité les droit d'Israël et des Palestiniens à vivre dans des Etats libres, sûrs, avec des frontières reconnues, le président Bush a refusé de rencontrer le leader palestinien Yasser Arafat. Le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, représentant la France au sommet, a toutefois jugé ces propos encourageants, estimant qu'ils laissaient entrevoir une plus grande coopération sur ce dossier entre les diplomaties américaines et européennes.

De son côté, le président pakistanais Pervez Musharraf veut un plan politique de secours, pour l'Afghanistan. Selon lui, une vacance du pouvoir conduirait à coup sûr à l'anarchie et à la guerre civile. Rappelant que la campagne militaire américaine se devait d'être aussi «courte et ciblée» que possible, il a réclamé davantage de compensations en retour du soutien de son pays aux frappes américaines. George Bush lui a donné partiellement satisfaction, en accordant un aide de un milliard de dollars, ainsi qu'un allègement de la dette. Parlant de l'Alliance du Nord, le président américain a déclaré : «Nous allons encourager nos amis à se diriger vers le sud, mais pas dans la ville de Kaboul elle-même.».

C'est «le début d'une nouvelle ère dans la relation entre le Pakistan et les Etats-Unis», a estimé Pervez Musharraf à l'issue de l'entretien, estimant que le Pakistan est en passe de développer une «relation très durable» avec les Etats-Unis, comme celle que «nous avons toujours eu par le passé». La veille, dans une interview au New York Times, le président Musharraf demandait aux Etats-Unis de livrer au Pakistan 28 F-16 américains, achetés par son pays dans les années 80. Une fois payés, les avions de chasse n'avaient jamais été livrés. Le Congrès américain avait bloqué le marché par mesure de rétorsion, une fois connu le programme nucléaire des Pakistanais.

Mais depuis, le Pakistan est redevenu un des principaux alliés des Américains dans leur lutte contre le terrorisme. Redevenu, car les deux pays étaient alliés durant la guerre froide. Après 1989, quand l'Union soviétique s'est retirée d'Afghanistan, le Pakistan s'est senti lâché. Aujourd'hui, le pays est prêt à faire preuve de bonne volonté, mais il veut des gestes en échange, de nature à apaiser la colère de son opinion publique face aux bombardements en Afghanistan. Et notamment une certaine indulgence pour son programme nucléaire.

Les Européens ont eux réitéré leur «soutien sans réserve» à la campagne militaire des Etats-Unis, tout en appelant à ce que les Nations unies jouent un «rôle central» dans la lutte antiterroriste. Kofi Annan s'est lui fait le porte-parole du reste de la planète. Selon lui, l'ONU ne doit pas concentrer son énergie uniquement contre les terroristes, «ce serait leur donner une sorte de victoire». La pauvreté, le sida, la défense de l'environnement ou les violations des droits de l'homme restent des questions brûlantes.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 11/11/2001