Afghanistan
Retour à la partition de 1992
En quelques jours seulement la «retraite stratégique» des Taliban a provoqué le retour à la situation qui prévalait au début de la guerre civile, au lendemain de la chute du régime pro-soviétique de Najibullah. Ouzbeks, Tadjiks, Hazaras et Pachtounes se partagent un pays en ruines.
Pour la première fois depuis cinq ans, de la musique a été diffusée, mardi matin, sur les ondes de la radio de Kaboul, après que - autre «première» - une présentatrice eut annoncé que les Taliban avaient été vaincus. Presqu'au même moment, le siège de la chaîne qatariote Al Jazira était visé par un raid de l'aviation américaine et l'Onu annonçait que ses magasins venaient d'être pillés par des soldats de l'Alliance du Nord.
Un porte-parole de celle-ci déclarait néanmoins que l'ancien président Rabbani, chassé en 1996, n'avait pas l'intention d'entrer à Kaboul et de se proclamer à nouveau président, avant d'ajouter que le général Fahim - le successeur du commandant Massoud - pourrait entrer en ville, «mais uniquement pour y organiser la sécurité». Et Younis Qanooni de préciser : «Nous sommes toujours engagés aux côtés du Conseil national d'unité que nous avons formé avec l'ancien roi Zaher Shah». Peu après, un proche collaborateur de celui-ci accusait l'Alliance du Nord d'avoir violé un accord préalable en entrant dans Kaboul, et la télévision iranienne montrait les combattants tadjiks en train d'occuper le siège de la présidence de République, tous les principaux édifices publics et même le siège de l'agence officielle Bakhtar.
En réalité, le général tadjik Fahim est arrivé tôt mardi matin à Kaboul, en compagnie de centaines de combattants et de policiers mais aussi du «ministre des Affaires étrangères» Abdullah Abdullah. Des Kaboulis en liesse les ont accueillis aux cris de «Allah Akbar» et «Mort au Pakistan». Des centaines de détenus sont ensuite libérés, tandis que des « Arabes » se battant aux côtés des Taliban - qui souvent sont en réalité des Pakistanais - sont les premières victimes de la libération de la capitale afghane. En fait, dès la veille au soir, de longues colonnes de Taliban quittent Kaboul en direction de leur fief traditionnel : Kandahar, au sud-est du pays. La «retraite stratégique» des «étudiants en théologie islamique» épargne à Kaboul un bain de sang très redouté.
Hekmatyar s'allie au mollah Omar
De plus en plus inquiet de la tournure des événements, le Pakistan demande l'intervention d'une force internationale, sous l'égide de l'ONU, quelques heures à peine avant que l'émissaire de Kofi Annan, Lakhdar Brahimi ne présente officiellement son plan de paix. La Grande Bretagne et la France, toutes deux très inquiètes, réclament de nouveau une «solution politique» au conflit. A Washington, le Pentagone se félicite de la chute de Kaboul tandis que le Département se dit préoccupé par l'avancée (trop) rapide des forces nordistes, avant qu'un gouvernement de coalition n'ait été mis en place.
Kaboul, quelques heures seulement après le départ des Taliban, renoue avec le partage qui s'était mis en place lors de la chute du régime pro-soviétique en 1992. Les miliciens de l'ex-président Rabbani s'installent dans le centre de la capitale, apparemment aux côtés des combattants tadjiks de feu Massoud ; tandis que les chiites Hazaras de l'organisation Hezb-i-Wahdat d'Abdoul Karim Khalili investissent de nouveau le sud-ouest de la ville. Avant de retrouver le contrôle de leur berceau historique : le Hazarajat.
En fait, en quelques jours seulement le pays tout entier revient à la situation de 1992, qui a marqué le début d'une guerre civile de quatre ans (et 50.000 morts). Désormais le partage de l'Afghanistan est une réalité. Mazar-e-Charif (nord-ouest) est revenu la semaine dernière au redoutable commandant ouzbek Rachid Dostom, et les pillages et les exécutions ont aussitôt repris : mardi matin plus de cent jeunes taliban cachés dans une école ont été massacrés par ses hommes, selon l'ONU. Hérat (ouest du pays) est de nouveau sous le contrôle de "l'émir" tadjik Ismaïl Khan»; et Kandahar demeure (du moins pour le moment) sous le contrôle des Taliban, qui sont presque tous des Pachtounes.
Ne manquait plus au rendez-vous que l'un des principaux protagonistes de la guerre d'il y a neuf ans : Gulbuddin Hekmatyar, un chef de guerre pachtoune qui fut brièvement premier ministre en 1996, avant d'être chassé de Kaboul par les Taliban. Mardi il a confirmé avoir choisi le camp du mollah Omar - l'énigmatique chef des Taliban qui a demandé à ses troupes de «résister et combattre» - et proclamé haut et fort, depuis son exil iranien : «la guerre n'est pas finie, même si les Taliban quittent les principales villes. Les Etats-Unis vont être confrontés à une guérilla, comme l'avait été l'Union soviétique». Après avoir été le protégé des services de renseignement des Etats-Unis et du Pakistan dans les années 80, il avait fait pilonner Kaboul trois années durant, pour avoir été écarté du pouvoir par le commandant Massoud. Solidarité pachtoune oblige, il a opté pour ses anciens ennemis.
Un porte-parole de celle-ci déclarait néanmoins que l'ancien président Rabbani, chassé en 1996, n'avait pas l'intention d'entrer à Kaboul et de se proclamer à nouveau président, avant d'ajouter que le général Fahim - le successeur du commandant Massoud - pourrait entrer en ville, «mais uniquement pour y organiser la sécurité». Et Younis Qanooni de préciser : «Nous sommes toujours engagés aux côtés du Conseil national d'unité que nous avons formé avec l'ancien roi Zaher Shah». Peu après, un proche collaborateur de celui-ci accusait l'Alliance du Nord d'avoir violé un accord préalable en entrant dans Kaboul, et la télévision iranienne montrait les combattants tadjiks en train d'occuper le siège de la présidence de République, tous les principaux édifices publics et même le siège de l'agence officielle Bakhtar.
En réalité, le général tadjik Fahim est arrivé tôt mardi matin à Kaboul, en compagnie de centaines de combattants et de policiers mais aussi du «ministre des Affaires étrangères» Abdullah Abdullah. Des Kaboulis en liesse les ont accueillis aux cris de «Allah Akbar» et «Mort au Pakistan». Des centaines de détenus sont ensuite libérés, tandis que des « Arabes » se battant aux côtés des Taliban - qui souvent sont en réalité des Pakistanais - sont les premières victimes de la libération de la capitale afghane. En fait, dès la veille au soir, de longues colonnes de Taliban quittent Kaboul en direction de leur fief traditionnel : Kandahar, au sud-est du pays. La «retraite stratégique» des «étudiants en théologie islamique» épargne à Kaboul un bain de sang très redouté.
Hekmatyar s'allie au mollah Omar
De plus en plus inquiet de la tournure des événements, le Pakistan demande l'intervention d'une force internationale, sous l'égide de l'ONU, quelques heures à peine avant que l'émissaire de Kofi Annan, Lakhdar Brahimi ne présente officiellement son plan de paix. La Grande Bretagne et la France, toutes deux très inquiètes, réclament de nouveau une «solution politique» au conflit. A Washington, le Pentagone se félicite de la chute de Kaboul tandis que le Département se dit préoccupé par l'avancée (trop) rapide des forces nordistes, avant qu'un gouvernement de coalition n'ait été mis en place.
Kaboul, quelques heures seulement après le départ des Taliban, renoue avec le partage qui s'était mis en place lors de la chute du régime pro-soviétique en 1992. Les miliciens de l'ex-président Rabbani s'installent dans le centre de la capitale, apparemment aux côtés des combattants tadjiks de feu Massoud ; tandis que les chiites Hazaras de l'organisation Hezb-i-Wahdat d'Abdoul Karim Khalili investissent de nouveau le sud-ouest de la ville. Avant de retrouver le contrôle de leur berceau historique : le Hazarajat.
En fait, en quelques jours seulement le pays tout entier revient à la situation de 1992, qui a marqué le début d'une guerre civile de quatre ans (et 50.000 morts). Désormais le partage de l'Afghanistan est une réalité. Mazar-e-Charif (nord-ouest) est revenu la semaine dernière au redoutable commandant ouzbek Rachid Dostom, et les pillages et les exécutions ont aussitôt repris : mardi matin plus de cent jeunes taliban cachés dans une école ont été massacrés par ses hommes, selon l'ONU. Hérat (ouest du pays) est de nouveau sous le contrôle de "l'émir" tadjik Ismaïl Khan»; et Kandahar demeure (du moins pour le moment) sous le contrôle des Taliban, qui sont presque tous des Pachtounes.
Ne manquait plus au rendez-vous que l'un des principaux protagonistes de la guerre d'il y a neuf ans : Gulbuddin Hekmatyar, un chef de guerre pachtoune qui fut brièvement premier ministre en 1996, avant d'être chassé de Kaboul par les Taliban. Mardi il a confirmé avoir choisi le camp du mollah Omar - l'énigmatique chef des Taliban qui a demandé à ses troupes de «résister et combattre» - et proclamé haut et fort, depuis son exil iranien : «la guerre n'est pas finie, même si les Taliban quittent les principales villes. Les Etats-Unis vont être confrontés à une guérilla, comme l'avait été l'Union soviétique». Après avoir été le protégé des services de renseignement des Etats-Unis et du Pakistan dans les années 80, il avait fait pilonner Kaboul trois années durant, pour avoir été écarté du pouvoir par le commandant Massoud. Solidarité pachtoune oblige, il a opté pour ses anciens ennemis.
par Elio Comarin
Article publié le 13/11/2001