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Afghanistan

Première victoire pour l'Alliance du Nord

Les forces de l'Alliance du Nord ont annoncé vendredi soir qu'elles avaient pris le contrôle de Mazar-e-Sharif. La ville passe aux mains de l'opposition, il s'agit de la première victoire décisive sur le terrain depuis le début de l'offensive américaine. Alors que les bombardements continuent et que les alliés des Américains commencent à s'engager militairement, la pression monte autour des positions des Taliban.
Mazar-e-Sharif, cette ville est au c£ur de la stratégie militaire mise en place pour faire tomber le régime taliban de Kaboul. Située au nord-ouest de l'Afghanistan, la capitale de la province de Balkh représente un enjeu majeur. Les Taliban s'en sont emparés de manière brutale en 1998. Depuis le début de l'offensive américaine, les troupes de l'Alliance du Nord, l'opposition afghane, tentent de reprendre le contrôle de cette cité clef. Le général Dostom, l'un des principaux chefs de l'opposition afghane, a annoncé vendredi soir que ses soldats étaient entrés dans Mazar-e-Sharif. L'aéroport militaire de la ville est aussi aux mains de l'Alliance. Les miliciens au pouvoir à Kaboul ont, pour leur part, annoncé avoir repoussé plusieurs assauts mais ont confirmé que des combats très durs faisaient encore rage dans cette région stratégique. Supérieurs numériquement, mieux armés, les Taliban avaient réussi à maintenir peu ou prou la ligne de front en l'état jusqu'à ce que les Américains se mettent à bombarder leurs lignes massivement et fournissent des munitions aux troupes de l'Alliance du Nord. Mais depuis mercredi, cette dernière annonçait qu'elle progressait régulièrement vers Mazar-e-Sharif et que les Taliban avaient subi de nombreuses pertes lors des attaques menées par ses forces.

Les combats font rage

Si le renforcement de la position de l'Alliance du Nord face aux Taliban se confirme, les Américains devront en tirer les conséquences. La gestion de la guerre en Afghanistan est pour eux très complexe. Elle nécessite à la fois de mener une opération militaire en tenant compte des forces en présence sur le terrain, notamment celles de l'opposition afghane, et de bénéficier du soutien international le plus large possible. A ce dernier niveau, il semble que les alliés de la coalition anti-terroriste soient en train de transformer leur appui solidaire en engagement militaire sur le terrain. La Grande-Bretagne a annoncé l'envoi de plus de 4000 hommes mais aussi d'un porte-avions, de deux sous-marins nucléaires, et d'autres bâtiments et avions. La France a engagé 2000 hommes, l'Italie 2700. L'Allemagne envisage de mettre près de 4000 soldats à la disposition des Etats-Unis. La Turquie a été le premier pays musulman à décider d'envoyer des troupes : une unité d'élite de 90 hommes. Les rangs se resserrent donc et le dispositif militaire se renforce.

Reste le problème du soutien à l'Alliance du Nord. Dans un pays aussi complexe que l'Afghanistan où cohabitent plusieurs ethnies rivales, en fournissant une aide aux forces du défunt commandant Massoud, les Américains jouent une carte dont ils ne peuvent pas se priver sur le plan militaire pour combattre les Taliban. Mais cette alliance stratégique a des conséquences sur le plan politique lorsqu'il s'agit de préparer un gouvernement pour succéder aux Taliban. Car la cohabitation entre les ethnies minoritaires représentées au sein de l'Alliance du Nord (Ouzbek, Tadjik, Hazaras) et les représentants de l'ethnie pachtoune (40 % de la population du pays) est particulièrement problématique. Mais surtout, au sein même de l'Alliance, les rivalités internes entre groupes de population ou chefs de guerre, rendent la cohésion de cette force assez aléatoire. L'ennemi commun taliban passe parfois au deuxième rang lorsque deux commandants s'affrontent pour le contrôle d'un territoire. La mort du commandant Massoud et la lutte pour sa succession à la tête de l'Alliance, ont accentué cette situation. Les forces de l'opposition ne sont pas non plus indemnes de tout reproche. De nombreux témoignages, de personnels humanitaires notamment, ont mis en valeur qu'elles avaient souvent commis des exactions (meurtres, viols) sur les populations et que leur passage n'était pas forcément synonyme de paix et tranquillité. Autant de données avec lesquelles les Américains doivent jongler pour doser leur degré d'implication auprès de ces alliés de circonstance à la fiabilité relative. D'ailleurs, le général Tommy Francks, commandant des opérations militaires en Afghanistan, a insisté récemment sur la nécessité de rappeler aux représentants de l'Alliance la volonté américaine de faire respecter les droits de l'homme. «C'est une question importante pour nous et nous travaillons à assurer que les groupes de l'opposition comprennent la nécessité de respecter ces droits.»



par Valérie  Gas

Article publié le 09/11/2001