Afghanistan
Etat indépendant ou protectorat pakistanais
Alors que les Etats-Unis poursuivent leurs frappes en Afghanistan pour la troisième semaine consécutive, l'avenir de Kaboul se joue en coulisses. Les Etats-Unis et le Pakistan sont des acteurs clés de cette crise et entendent bien jouer un rôle prédominant dans cette partie du monde. Analyse de Michael Barry, spécialiste du monde iranien et afghan.
RFI : Quels sont les enjeux clés de l'après-frappes en Afghanistan ?
Michael Barry : L'enjeu fondamental c'est de savoir si un futur Afghanistan demeure un pays sous influence voire sous protectorat pakistanais, ce que désirent bien sûr les Pakistanais, ou si l'Afghanistan va redevenir comme il l'était avant 1978, c'est-à-dire un Etat absolument indépendant et sur lequel le Pakistan n'a plus d'influence.Toute la question est là et tout ce qui déterminera un futur gouvernement post-Taliban à Kaboul dépend de la réponse des Américains.
Est-ce que les Américains veulent d'une façon ou d'une autre aménager un prolongement de ce droit de regard pakistanais sur l'Afghanistan ou bien est-ce que les Américains acceptent l'idée que toute ingérence pakistanaise dans les affaires intérieures de l'Afghanistan cesse ? Si les Américains étaient enclins à prolonger le protectorat du Pakistan, (le Pakistan lui-même, du moins le général Musharraf ayant bien compris que l'actuelle formule des Taliban est tout simplement intenable, impossible et inacceptable), Islamabad proposerait un gouvernement à dominance ethnique pachtoune en excluant autant que possible tout ce qui relève de ce que l'on appelle l'Alliance du nord. L'Alliance est un front uni regroupant l'essentiel des autres ethnies afghanes opposées aux Taliban au pouvoir à Kaboul et à Kandahar. Si ce cas devait être retenu, on peut dire que comme en Irak, la crise afghane ne se terminera jamais.
RFI : Quelles sont les configurations possibles ou probables de ce futur Afghanistan ?
Michael Barry : Tout dépend de ce que vont décider les Américains par rapport aux uns et aux autres. Si un futur Afghanistan est un protectorat pakistanais, cela veut dire que les Américains ne promettent leur aide, leur assistance financière, la reconstruction économique qu'à un gouvernement issu d'un agrément fondamental des Pakistanais et dans ce cas on verra un gouvernement essentiellement représentatif du sud du pays en conflit larvé ou ouvert constant avec les autres ethnies du pays, c'est-à-dire une crise « à la yougoslave » ou « à l'irakienne » : avec une assistance humanitaire ponctuelle comme on l'a vu jusqu'ici mais foncièrement inefficace parce que le conflit afghan perdurera.
Ou bien les Américains acceptent l'idée que l'Afghanistan redevienne indépendant avec toutes les garanties nécessaires pour la sécurité du Pakistan, et à ce moment là on verra émerger ce qui est probablement la meilleure formule et que désire la majorité d'Afghans, une espèce de monarchie constitutionnelle autour de l'ancienne famille royale qui réconcilie les ethnies du nord et du centre avec les ethnies du sud autour d'un gouvernement. Si le but de ce gouvernement est essentiellement de recevoir une assistance internationale massive pour la redistribuer et permettre la reconstruction du pays autour d'une présence onusienne, ce serait la meilleure formule, celle qui donne la paix.
RFI : Les Américains préconisent la participation au futur gouvernement afghan de taliban modéré. Qu'est-ce que c'est un taliban modéré ?
Michael Barry :la formule prête à sourire dans la mesure ou l'idéologie des Taliban est tout sauf modérée ! Dire que quelqu'un adhère de manière modérée, c'est dire que c'est un opportuniste ! C'est dire aussi qu'il a adhéré pour des raisons claniques ou ethniques et que de tels éléments qui ont rallié les taliban au moment ou ceux-ci semblaient avoir le vent en poupe et recevaient une assistance financière et même militaire pourraient se retourner. Il y a même d'anciens officiers communistes qui se sont laissés pousser la barbe et qui ont coiffé le turban pour retrouver des membres de leur clan et qui les protège !
La formule n'est tout simplement pas sérieuse et ce qui est sûr en tous cas c'est que ni le groupe autour de la figure de l'ancien monarque, ni les membres de l'Alliance du nord ne veulent d'un gouvernement qui inclurait des gens se réclamant des Taliban. Le véritable enjeu c'est de savoir si c'est un gouvernement qui rétablit l'indépendance de l'Afghanistan ou si c'est un gouvernement qui va perpétuer d'une façon ou d'une autre l'actuel protectorat déguisé pakistanais. Le reste n'est qu'agitations de théâtre !
Michael Barry : L'enjeu fondamental c'est de savoir si un futur Afghanistan demeure un pays sous influence voire sous protectorat pakistanais, ce que désirent bien sûr les Pakistanais, ou si l'Afghanistan va redevenir comme il l'était avant 1978, c'est-à-dire un Etat absolument indépendant et sur lequel le Pakistan n'a plus d'influence.Toute la question est là et tout ce qui déterminera un futur gouvernement post-Taliban à Kaboul dépend de la réponse des Américains.
Est-ce que les Américains veulent d'une façon ou d'une autre aménager un prolongement de ce droit de regard pakistanais sur l'Afghanistan ou bien est-ce que les Américains acceptent l'idée que toute ingérence pakistanaise dans les affaires intérieures de l'Afghanistan cesse ? Si les Américains étaient enclins à prolonger le protectorat du Pakistan, (le Pakistan lui-même, du moins le général Musharraf ayant bien compris que l'actuelle formule des Taliban est tout simplement intenable, impossible et inacceptable), Islamabad proposerait un gouvernement à dominance ethnique pachtoune en excluant autant que possible tout ce qui relève de ce que l'on appelle l'Alliance du nord. L'Alliance est un front uni regroupant l'essentiel des autres ethnies afghanes opposées aux Taliban au pouvoir à Kaboul et à Kandahar. Si ce cas devait être retenu, on peut dire que comme en Irak, la crise afghane ne se terminera jamais.
RFI : Quelles sont les configurations possibles ou probables de ce futur Afghanistan ?
Michael Barry : Tout dépend de ce que vont décider les Américains par rapport aux uns et aux autres. Si un futur Afghanistan est un protectorat pakistanais, cela veut dire que les Américains ne promettent leur aide, leur assistance financière, la reconstruction économique qu'à un gouvernement issu d'un agrément fondamental des Pakistanais et dans ce cas on verra un gouvernement essentiellement représentatif du sud du pays en conflit larvé ou ouvert constant avec les autres ethnies du pays, c'est-à-dire une crise « à la yougoslave » ou « à l'irakienne » : avec une assistance humanitaire ponctuelle comme on l'a vu jusqu'ici mais foncièrement inefficace parce que le conflit afghan perdurera.
Ou bien les Américains acceptent l'idée que l'Afghanistan redevienne indépendant avec toutes les garanties nécessaires pour la sécurité du Pakistan, et à ce moment là on verra émerger ce qui est probablement la meilleure formule et que désire la majorité d'Afghans, une espèce de monarchie constitutionnelle autour de l'ancienne famille royale qui réconcilie les ethnies du nord et du centre avec les ethnies du sud autour d'un gouvernement. Si le but de ce gouvernement est essentiellement de recevoir une assistance internationale massive pour la redistribuer et permettre la reconstruction du pays autour d'une présence onusienne, ce serait la meilleure formule, celle qui donne la paix.
RFI : Les Américains préconisent la participation au futur gouvernement afghan de taliban modéré. Qu'est-ce que c'est un taliban modéré ?
Michael Barry :la formule prête à sourire dans la mesure ou l'idéologie des Taliban est tout sauf modérée ! Dire que quelqu'un adhère de manière modérée, c'est dire que c'est un opportuniste ! C'est dire aussi qu'il a adhéré pour des raisons claniques ou ethniques et que de tels éléments qui ont rallié les taliban au moment ou ceux-ci semblaient avoir le vent en poupe et recevaient une assistance financière et même militaire pourraient se retourner. Il y a même d'anciens officiers communistes qui se sont laissés pousser la barbe et qui ont coiffé le turban pour retrouver des membres de leur clan et qui les protège !
La formule n'est tout simplement pas sérieuse et ce qui est sûr en tous cas c'est que ni le groupe autour de la figure de l'ancien monarque, ni les membres de l'Alliance du nord ne veulent d'un gouvernement qui inclurait des gens se réclamant des Taliban. Le véritable enjeu c'est de savoir si c'est un gouvernement qui rétablit l'indépendance de l'Afghanistan ou si c'est un gouvernement qui va perpétuer d'une façon ou d'une autre l'actuel protectorat déguisé pakistanais. Le reste n'est qu'agitations de théâtre !
par Propos recueillis par Sylvie Berruet
Article publié le 26/10/2001