Afghanistan
Les Etats-Unis en difficulté
Alors que l'on entre dans la quatrième semaine de bombardements en Afghanistan, les Etats-Unis ont à faire face à une situation de plus en plus difficile. Tant concernant leur stratégie et leur efficacité en Afghanistan, que sur leur sol où l'enquête sur les lettres contaminées à l'anthrax pourrait réserver des surprises. Entre revers et critiques, les six questions qui perturbent l'Amérique.
Les frappes sur l'Afghanistan doivent-elles continuer ?
Même si les autorités américaines se sont efforcées de prévenir depuis le début de l'intervention en Afghanistan que cette guerre risquait d'être longue, très longue, trois semaines après le début de l'intervention, la question de la poursuite des bombardements se pose de plus en plus. D'autant qu'avec la multiplication des raids et l'emploi d'armements lourds, les erreurs de tirs semblent se multiplier. Et faire quotidiennement des victimes civiles. Dimanche, 15 personnes ont trouvé la mort à Kaboul et une jeune femme de 23 ans n'a pas survécu à l'explosion de sa maison dans le village de Ganikhel.
D'autre part, malgré l'optimisme affiché par les responsables de l'état-major américain, l'impact des frappes dans un pays réputé pour ne posséder qu'un nombre de cibles stratégiques limité, ne semble pas à la hauteur des attentes. Mollah Omar, le chef religieux du pays, et Oussama Ben Laden n'ont pas été capturés ou abattus. La résistance des Taliban ne semble pas être émoussée. L'Alliance du Nord n'arrive pas à lancer une offensive décisive contre la ville clef de Mazar-e-Sharif et se plaint d'un soutien trop modéré de la part des Américains.
Les Etats-Unis sont-ils dans un bourbier militaire ?
On le sait depuis le début de l'intervention, la guerre en Afghanistan est soumise à un certain nombre de contraintes. L'enclavement du pays qui le rend difficile d'accès, l'omniprésence des montagnes qui constituent un terrain particulièrement hostile aux troupes américaines et le climat qui rend la poursuite de l'offensive quasiment impossible pendant les longs mois d'hiver. Pour le moment, les actions menées n'ont pas permis d'obtenir de résultats significatifs. La marge de man£uvre et l'efficacité des commandos qui interviennent au sol depuis plus d'une semaine semblent limitées. Sur le terrain, les Américains se heurtent à un ennemi rompu à des affrontements qui ressemblent plus à une guérilla qu'à une guerre traditionnelle, qui se déplace vite, dispose de cachettes dans les montagnes et certainement du soutien de la population désemparée face à l'intensification des frappes. Dans ce contexte, les Taliban ont beau jeu de rappeler l'échec subi par les soviétiques sur leur territoire. Et de promettre aux Américains, comme l'a fait Mollah Omar dans une interview accordée au quotidien algérien El Youm, parue le 27 octobre, «une leçon plus amère que celle donnée aux Russes».
Comment préparer l'après Taliban ?
La capture puis l'exécution par les Taliban d'Abdul Haq, l'un des chefs charismatiques de l'opposition afghane, héros de la guerre contre l'Union soviétique, a fait figure de camouflet pour Washington. Le commandant, exilé depuis plusieurs années, était rentré dans son pays pour tenter de convaincre des tribus pachtounes, ethnie des Taliban, d'abandonner la milice au pouvoir à Kaboul. Armé de dollars et de conviction, Abdul Haq a essayé de rallier ces groupes de population afghane en vue de préparer l'élaboration d'un gouvernement représentatif pour succéder au régime des Taliban. Cette mission politique à haut risque a été un échec complet. Abdul Haq a été repéré par les Taliban, certainement dénoncé par l'un de ses contacts pachtounes, traqué puis finalement capturé et abattu sans procès. Pour l'exemple. Les Américains, qu'Abdul Haq avait appelé au secours grâce à un téléphone satellitaire, n'ont pas pu l'extirper de la souricière dans laquelle il se trouvait. Même si l'opposant avait mené cette action sur une initiative personnelle, cet épisode dramatique, comme les hésitations à soutenir l'Alliance du Nord, est révélateur des difficultés auxquelles les Américains se trouvent confrontés dans la gestion de l'aspect politique lié à leur intervention militaire. Il a notamment mis une nouvelle fois en valeur, selon les spécialistes, l'incapacité de la CIA à évaluer la situation sur le terrain et à mener des actions de renseignement efficaces.
Comment gérer la montée du mécontentement dans les pays musulmans?
Le déclenchement de la riposte américaine a été accompagné par une opération diplomatique de grande ampleur, menée notamment auprès des pays musulmans, pour assurer les Etats-Unis d'un soutien franc et massif dans la lutte qu'ils avaient décidé d'engager contre le terrorisme. Le Pakistan, pays frontalier de l'Afghanistan, fait partie des Etats clefs de cette coalition. Mais le président Musharraf qui a apporté son soutien à Washington, se trouve aujourd'hui dans une situation très difficile. L'opinion publique du pays est majoritairement hostile à l'intervention américaine. Après trois semaines de frappes, il devient très dur de justifier la poursuite des bombardements alors que de plus en plus de civils sont touchés, que des réfugiés affluent par milliers à la frontière. Depuis quelques jours, des tribus pachtounes qui peuplent le nord du Pakistan sont entrées en dissidence avec le pouvoir qu'elles accusent de collusion avec les Etats-Unis. Des milliers de volontaires se sont même massés à la frontière et se disent prêts à répondre aux appels au jihad (guerre sainte) de Mollah Omar.
Mais où va l'enquête sur les lettres contaminées à l'anthrax ?
Rien ne va plus non plus dans l'enquête sur l'anthrax aux Etats-Unis. Alors que l'on pensait que la vague d'envois contaminés par le bacille du charbon, qui frappe le pays depuis plusieurs semaines et a déjà fait trois morts, était liée au réseau terroriste d'Oussama Ben Laden, voilà que l'enquête s'oriente vers une piste intérieure. Le Washington Post a révélé que les enquêteurs accordaient de plus en plus de crédit à une hypothèse selon laquelle des groupes d'extrême droite désireux de mettre en péril un Etat jugé «pro-juifs» ou des sympathisants islamistes habitant aux Etats-Unis, pourraient être à l'origine de ces attaques.
Qu'est devenue l'union sacrée ?
Les attentats du 11 septembre avaient provoqué un véritable sursaut de patriotisme chez les Américains. L'ensemble de la population était unie derrière son président, George W. Bush, pour faire corps contre le terrorisme aveugle qui avait frappé l'Amérique au c£ur. Tous les sondages montraient que l'intervention militaire en Afghanistan était approuvée par une majorité d'Américains. S'il n'y a pas de retournement de situation à ce niveau, on note tout de même l'apparition d'un certain nombre de critiques. Des responsables musulmans américains, au départ totalement solidaires de George W. Bush, ont fait état de leurs interrogations face à la poursuite des frappes qui touchent des populations civiles. Aux Etats-Unis même, les choix stratégiques du gouvernement sont donc remis en cause. Après l'union sacrée des premières semaines, ce phénomène est notable même s'il ne concerne qu'une toute petite minorité de gens. Sur la gestion de l'attaque bioterroriste aussi, le gouvernement est pointé du doigt. Les autorités n'ont-elles pas prix cette menace trop à la légère, tout a-t-il été fait pour prendre les mesures de sécurité nécessaires, pourquoi l'enquête semble-t-elle piétiner ?
Même si les autorités américaines se sont efforcées de prévenir depuis le début de l'intervention en Afghanistan que cette guerre risquait d'être longue, très longue, trois semaines après le début de l'intervention, la question de la poursuite des bombardements se pose de plus en plus. D'autant qu'avec la multiplication des raids et l'emploi d'armements lourds, les erreurs de tirs semblent se multiplier. Et faire quotidiennement des victimes civiles. Dimanche, 15 personnes ont trouvé la mort à Kaboul et une jeune femme de 23 ans n'a pas survécu à l'explosion de sa maison dans le village de Ganikhel.
D'autre part, malgré l'optimisme affiché par les responsables de l'état-major américain, l'impact des frappes dans un pays réputé pour ne posséder qu'un nombre de cibles stratégiques limité, ne semble pas à la hauteur des attentes. Mollah Omar, le chef religieux du pays, et Oussama Ben Laden n'ont pas été capturés ou abattus. La résistance des Taliban ne semble pas être émoussée. L'Alliance du Nord n'arrive pas à lancer une offensive décisive contre la ville clef de Mazar-e-Sharif et se plaint d'un soutien trop modéré de la part des Américains.
Les Etats-Unis sont-ils dans un bourbier militaire ?
On le sait depuis le début de l'intervention, la guerre en Afghanistan est soumise à un certain nombre de contraintes. L'enclavement du pays qui le rend difficile d'accès, l'omniprésence des montagnes qui constituent un terrain particulièrement hostile aux troupes américaines et le climat qui rend la poursuite de l'offensive quasiment impossible pendant les longs mois d'hiver. Pour le moment, les actions menées n'ont pas permis d'obtenir de résultats significatifs. La marge de man£uvre et l'efficacité des commandos qui interviennent au sol depuis plus d'une semaine semblent limitées. Sur le terrain, les Américains se heurtent à un ennemi rompu à des affrontements qui ressemblent plus à une guérilla qu'à une guerre traditionnelle, qui se déplace vite, dispose de cachettes dans les montagnes et certainement du soutien de la population désemparée face à l'intensification des frappes. Dans ce contexte, les Taliban ont beau jeu de rappeler l'échec subi par les soviétiques sur leur territoire. Et de promettre aux Américains, comme l'a fait Mollah Omar dans une interview accordée au quotidien algérien El Youm, parue le 27 octobre, «une leçon plus amère que celle donnée aux Russes».
Comment préparer l'après Taliban ?
La capture puis l'exécution par les Taliban d'Abdul Haq, l'un des chefs charismatiques de l'opposition afghane, héros de la guerre contre l'Union soviétique, a fait figure de camouflet pour Washington. Le commandant, exilé depuis plusieurs années, était rentré dans son pays pour tenter de convaincre des tribus pachtounes, ethnie des Taliban, d'abandonner la milice au pouvoir à Kaboul. Armé de dollars et de conviction, Abdul Haq a essayé de rallier ces groupes de population afghane en vue de préparer l'élaboration d'un gouvernement représentatif pour succéder au régime des Taliban. Cette mission politique à haut risque a été un échec complet. Abdul Haq a été repéré par les Taliban, certainement dénoncé par l'un de ses contacts pachtounes, traqué puis finalement capturé et abattu sans procès. Pour l'exemple. Les Américains, qu'Abdul Haq avait appelé au secours grâce à un téléphone satellitaire, n'ont pas pu l'extirper de la souricière dans laquelle il se trouvait. Même si l'opposant avait mené cette action sur une initiative personnelle, cet épisode dramatique, comme les hésitations à soutenir l'Alliance du Nord, est révélateur des difficultés auxquelles les Américains se trouvent confrontés dans la gestion de l'aspect politique lié à leur intervention militaire. Il a notamment mis une nouvelle fois en valeur, selon les spécialistes, l'incapacité de la CIA à évaluer la situation sur le terrain et à mener des actions de renseignement efficaces.
Comment gérer la montée du mécontentement dans les pays musulmans?
Le déclenchement de la riposte américaine a été accompagné par une opération diplomatique de grande ampleur, menée notamment auprès des pays musulmans, pour assurer les Etats-Unis d'un soutien franc et massif dans la lutte qu'ils avaient décidé d'engager contre le terrorisme. Le Pakistan, pays frontalier de l'Afghanistan, fait partie des Etats clefs de cette coalition. Mais le président Musharraf qui a apporté son soutien à Washington, se trouve aujourd'hui dans une situation très difficile. L'opinion publique du pays est majoritairement hostile à l'intervention américaine. Après trois semaines de frappes, il devient très dur de justifier la poursuite des bombardements alors que de plus en plus de civils sont touchés, que des réfugiés affluent par milliers à la frontière. Depuis quelques jours, des tribus pachtounes qui peuplent le nord du Pakistan sont entrées en dissidence avec le pouvoir qu'elles accusent de collusion avec les Etats-Unis. Des milliers de volontaires se sont même massés à la frontière et se disent prêts à répondre aux appels au jihad (guerre sainte) de Mollah Omar.
Mais où va l'enquête sur les lettres contaminées à l'anthrax ?
Rien ne va plus non plus dans l'enquête sur l'anthrax aux Etats-Unis. Alors que l'on pensait que la vague d'envois contaminés par le bacille du charbon, qui frappe le pays depuis plusieurs semaines et a déjà fait trois morts, était liée au réseau terroriste d'Oussama Ben Laden, voilà que l'enquête s'oriente vers une piste intérieure. Le Washington Post a révélé que les enquêteurs accordaient de plus en plus de crédit à une hypothèse selon laquelle des groupes d'extrême droite désireux de mettre en péril un Etat jugé «pro-juifs» ou des sympathisants islamistes habitant aux Etats-Unis, pourraient être à l'origine de ces attaques.
Qu'est devenue l'union sacrée ?
Les attentats du 11 septembre avaient provoqué un véritable sursaut de patriotisme chez les Américains. L'ensemble de la population était unie derrière son président, George W. Bush, pour faire corps contre le terrorisme aveugle qui avait frappé l'Amérique au c£ur. Tous les sondages montraient que l'intervention militaire en Afghanistan était approuvée par une majorité d'Américains. S'il n'y a pas de retournement de situation à ce niveau, on note tout de même l'apparition d'un certain nombre de critiques. Des responsables musulmans américains, au départ totalement solidaires de George W. Bush, ont fait état de leurs interrogations face à la poursuite des frappes qui touchent des populations civiles. Aux Etats-Unis même, les choix stratégiques du gouvernement sont donc remis en cause. Après l'union sacrée des premières semaines, ce phénomène est notable même s'il ne concerne qu'une toute petite minorité de gens. Sur la gestion de l'attaque bioterroriste aussi, le gouvernement est pointé du doigt. Les autorités n'ont-elles pas prix cette menace trop à la légère, tout a-t-il été fait pour prendre les mesures de sécurité nécessaires, pourquoi l'enquête semble-t-elle piétiner ?
par Valérie Gas
Article publié le 29/10/2001