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Afghanistan

Avec les réfugiés afghans

L'Iran a fermé sa frontière et proposé l'installation de camps de réfugiés sur le sol afghan dont s'occuperait le Croissant rouge iranien, proposition acceptée par les Taliban. Reportage.
De notre envoyé spécial dans le sud de l'Afghanistan

Pour arriver jusqu'à la frontière, il faut parcourir une dizaine de kilomètres dans une zone désertique. La police et l'armée iraniennes se sont déployées en force tout le long de la frontière avec l'Afghanistan. Mais dans la région de Zabol, où il y a depuis toujours un important trafic de part et d'autre de la frontière, la présence des soldats est plus visible. Pour empêcher les réfugiés afghans de traverser la frontière, des soldats sont postés tous les cinq cents mètres. Une fois passé les nombreux check-points de l'armée et de la police iranienne, on arrive à la frontière. Là, des gardes-frontières taliban contrôlent le passage. Le camp de Makaki, installé par le Croissant rouge iranien, est situé à deux kilomètres de la frontière. De loin, on aperçoit plusieurs centaines de tentes blanches. Malgré l'approche de l'hiver, la température dépasse les 30 degrés dans la journée. Mais, le soir venu, elle tombe sous les dix degrés, à cause du désert.

Le camp de Makaki, situé en territoire afghan contrôlé par les Taliban, compte déjà plus de six mille réfugiés. Les enfants, les pieds nus et portant des vieux vêtements traînent dans la poussière. Le camp compte 1 450 petits garçons et 1 980 petites filles, soit au total plus de 3 100 enfants sur les 6 000 réfugiés du camp. Un chiffre plutôt surprenant. «Il y a de nombreux orphelins», affirme un membre du Croissant rouge iranien, qui achemine tous les jours du pain, de l'eau et de la nourriture depuis la ville de Zabol vers le camp de Makaki.

Après avoir fermé sa frontière, l'Iran a proposé l'installation de camps d'accueil en territoire afghan. Ce que les commandants locaux des Taliban dans la province de Nimrouz ont accepté. Le camp de Makaki a été installé à la mi-octobre. Un autre camp sera bientôt installé à Pashmaki, un peu plus loin, toujours en terre taliban. En effet, tous les témoignages concordent. L'afflux des réfugiés vers la frontière iranienne devrait augmenter ces prochains jours. Les ONG internationales arrivées à Zabol estiment que le nombre des réfugiés de Makaki devrait atteindre rapidement les 10 000 personnes. Chaque jour, quelque 1 000 nouveaux réfugiés arrivent dans la région. Sans parler de ceux qui réussissent à travers la frontière et tentent d'atteindre les villes de l'intérieur de l'Iran.

Le moral des Taliban ne semble pas atteint

«Ils viennent de toutes les régions d'Afghanistan. De Kaboul, de Kandahar, de Herat mais aussi de régions encore plus lointaines», affirme un membre du Croissant rouge iranien. Sur la route, les Taliban ne semblent pas faire d'obstacle au départ des réfugiés. Selon tous les témoignages, des dizaines voire même des centaines de milliers de réfugiés sont désormais sur les routes. «Durant les premiers jours de la guerre, les Américains affirmaient que le conflit allait être très court. Mais maintenant le discours a changé et les Afghans se rendent compte que la guerre peut durer longtemps. Ce qui explique que les mouvements actuels», affirme le docteur Amir Khadir, de Médecins du monde (Canada).

En tout cas, le moral des Taliban de Nimrouz ne semble pas atteint, même si les villageois affirment que certains combattants ont déserté. «Nous nous battrons jusqu'à la mort contre les impies américains. Ils bombardent l'Afghanistan, parce qu'ils sont contre l'islam», affirme un commandant local des Taliban, dans le camp Makaki. «Les Afghans nous soutiennent», affirment-ils sans hésiter. Une affirmation qui est en totale contradiction avec le mouvement de centaines de milliers de réfugiés vers les frontières. En effet, tous les réfugiés ne partagent pas le même sentiment anti-américain. Beaucoup ont également fui le régime des Taliban. Si les réfugiés de Makaki hésitent à parler à cause de la présence des Taliban tout autour du camp, à quelques kilomètres de là, dans le camp Mil 46, la situation est toute différente.

Pour accéder à ce camp, il faut repasser la frontière iranienne et descendre une quarantaine de kilomètres plus au sud. Le camp Mil 46 est installé sur un territoire contrôlé par les moudjahidines. 700 réfugiés y vivent actuellement. Chahr Borjak est une enclave de 2 000 kilomètres carrés située à l'extrême sud-est de l'Afghanistan. C'est le seul territoire que l'alliance anti-Taliban contrôle dans cette partie du pays. «Nous avons 500 combattants, trois chars et des armes lourdes», affirme le commandant local. Chahr Borjak, est un plateau désertique, qui fait partie de la province de Nimrouz, qui a été prise par les Taliban, il y a six ans, quelques jours après la chute de la capitale afghane.
Ici, les réfugiés parlent plus facilement. «J'étais employé des Télécommunications à Kaboul. Après les bombardements, mes enfants avaient peur et criaient tout le temps. Alors j'ai décidé de partir. On a mis six jours pour venir jusqu'à la frontière», raconte Ahmed, âgé d'une cinquantaine d'année.

«Pourquoi les Européens manifestent-ils contre la guerre ? Il faut que les enfants des Européens soient empêchés d'aller à l'école pendant une semaine, que les femmes soient enfermées chez elles, qu'ils ne puissent pas regarder la télévision pour comprendre ce que nous subissons depuis six ans. Après ils cesseront de manifester. Les Taliban nous ont rendus malheureux. Nous n'avons plus aucun espoir. Les talibans nous empêchent d'aller à l'école, de faire des études. Il faut laisser les Américains faire le travail», affirme Hossein, un combattant anti-taliban. Le soir venu, tous les réfugiés se réunissent devant leurs tentes autour d'un poste de radio pour écouter les dernières nouvelles d'Afghanistan. Mais peu ont l'espoir de repartir dans leur pays dans un avenir proche.



par Siavosh  Ghazi à Zabol

Article publié le 30/10/2001