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Etats-Unis

New York élit son maire

Les électeurs doivent aujourd'hui désigner le successeur du maire de la ville, Rudolf Giuliani, adulé pour sa gestion du drame du World Trade Center. Le démocrate Mark Green et le milliardaire Michael Bloomberg se disputent âprement une ville qui ne veut pas vraiment d'eux.
De notre correspondant à New York

Que connaissent les New-yorkais de leur prochain maire ? Presque rien. Les élections municipales ont été totalement éclipsées par les attentats du 11 septembre. Ce jour-là devaient se dérouler les primaires devant départager les candidats à l'investiture républicaine et démocrate. Elles ont été interrompues par le drame. Depuis, les New-yorkais n'ont suivi les évolutions que très distraitement, occupés qu'ils étaient à célébrer la force de caractère et la maîtrise de leur maire actuel, Rudolf Giuliani. Avec jusqu'à plus de 90% d'opinions favorables, celui qui a été aux mannettes pendant huit ans se serait bien vu rempiler pour un nouveau mandat. Il a tenté sans succès de contourner les lois électorales qui lui interdisent un troisième mandat consécutif. Il espère encore pouvoir prolonger de trois mois son mandat, qui expire le 31 décembre.

Si il avait pu se présenter, nul doute qu'il aurait remporté l'élection sans aucun problème. A défaut, il pourrait bien jouer les arbitres. Depuis qu'il a apporté à contre-coeur son soutien au candidat républicain Michael Bloomberg, celui-ci a décollé dans les sondages. «J'ai toute confiance que la ville entre de très bonnes mains avec Mike Bloomberg», répète maintenant plusieurs fois par jour Giuliani dans des messages enregistrés. Alors que Bloomberg plafonnait jusque-là à moins de 35%, contre 50% pour le démocrate Mark Green, les deux hommes sont désormais crédités de 42% chacun. Les indécis -les indifférents devrait-on dire-, près de 15% de l'électorat, feront la différence. Mais quel que soit le vainqueur, il sera accueilli froidement par les New-yorkais. Aucun des candidats n'a montré le charisme ou le leadership dont la ville a désespérément besoin en ces temps troublés. Pire, les deux hommes ont mené une campagne extrêmement agressive, surtout sur la fin, davantage consacrée à dénigrer le concurrent qu'à faire valoir un programme.

La campagne s'est singulièrement durcie sur la fin

Mark Green est un politicien chevronné, rompu aux règles complexes de la politique new-yorkaise. Il occupait jusque-là la fonction de «Public advocate», une sorte de médiateur municipal. Figure peu connue du grand public, il a perdu une partie du soutien de l'électorat latino-américain dans des primaires fratricides avec Fernando Ferrer. Des rumeurs exploitées par les Républicains accusent l'équipe Green d'avoir mis de l'huile sur le feu des divisions raciales pour remporter cette primaire, d'une très courte tête. Les détracteurs de Green lui reprochent une certaine arrogance.

Michael Bloomberg est l'un de ces milliardaires jaillissant périodiquement sur la scène politique et qui se piquent d'appliquer dans la vie publique les recettes qui ont garanti le succès de leurs affaires. Il a bâti sa campagne sur le thème «un leader, pas un politicien» et déclarait récemment : «Mon opposant a l'habitude de discourir sur ce qu'il fera. J'ai l'habitude de faire les choses». Ce novice en politique a choisi la camp républicain par pure commodité. Il se disait jusque-là démocrate libéral mais a voulu contourner une primaire trop disputée. Il a fait fortune dans la presse financière, ce qui lui a permis de dépenser près de 50 millions de dollars (un record absolu) de sa fortune personnelle pour s'acheter une notoriété télévisuelle.

«Imaginez que je frappe à la porte de Bloomberg Financial News, et que je dise 'Bonjour, je m'appelle Mark Green. Je sais faire un discours. Je veux diriger cette entreprise dans quatre mois. Où est mon bureau ?', a ironisé le candidat démocrate. Ils m'expulseraient du bâtiment en riant». Selon lui, «maintenant plus que jamais la fonction de maire requiert une expérience que l'argent ne peut pas acheter». A quelques heures du début du scrutin le ton est monté d'un cran. Le parti démocrate s'est indigné d'un film publicitaire diffusé par Michael Bloomberg. Ce sont de vieux extraits de conférences de presse où l'on voit des personnalités démocrates comme Charles Schumer, Charles Rangel et Nydia Velasquez critiquer Mark Green. Ces personnalités soutiennent désormais Green et sont furieuses de l'exploitation de leurs propos.

L'équipe Green n'est pas en reste. Ils ont déterré des accusations de harcèlement sexuel proférées par d'anciens employés de Bloomberg. Au moins une de ces accusations s'est soldée par une «compensation» financière, accordée en échange du retrait de la plainte. Hier, la nouvelle a été transformée en un spot publicitaire édifiant. Selon l'équipe Green, à une employée qui lui annonçait être enceinte, Bloomberg aurait répondu «kill it» (trois fois dans le spot), c'est à dire «tue-le». Quoi qu'il en soit, ce genre d'attaque fait mauvais genre dans une ville occupée à panser ses plaies. Si New York la démocrate suit sa tendance naturelle, elle élira Mark Green. Mais sans grande conviction.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 06/11/2001