Etats-Unis
Les Arabes américains victimes<br>du délit de faciès
Les défenseurs des droits civils craignent que les autorités bafouent les droits élémentaires des personnes dans la chasse aux terroristes. Les Arabes américains sont les premiers visés par le «racial profiling», la discrimination raciale par les forces de l'ordre dans la recherche de suspects.
De notre correspondant à New York
La question s'est posée dans les jours qui ont suivi les attentats du 11 septembre, alors que les 19 pirates de l'air supposés se révélaient être tous d'origine arabe. Est-il légitime pour les forces de l'ordre de contrôler davantage les Arabes américains, ou les personnes d'origine arabe? Oui, a rapidement répondu une majorité d'Américains, tout particulièrement dans les aéroports.
Dans les débats radios ou télévisés, le simple bon sens était souvent invoqué pour justifier ce qu'on appelle ici le «racial profiling». C'est le prix à payer, dit-on, pour plus de sécurité, les arabes américains eux-mêmes devraient le comprendre et l'accepter. Bon sens? Les hommes blancs, américains de souche, n'ont jamais été considérés comme plus susceptibles de commettre des attentats à la bombe après Oklahoma City. Le coupable était pourtant un jeune homme américain, blanc. Le «racial profiling» est toujours dirigé contre les minorités. Les Noirs en ont longtemps été les victimes. La pratique semble désormais frapper les personnes d'origine arabe.
Près de 700 personnes, pour la plupart, semble-t-il, des musulmans ou des personnes d'origine arabe, ont été détenues dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 11 septembre ayant fait plus de 5 000 morts. Certains sont considérés comme des témoins potentiels, susceptibles d'apporter des éléments importants à l'enquête. La majorité de ces cas est toutefois constituée d'auteurs d'infractions aux lois sur l'immigration, plus quelques motifs divers (suspicion de faux papiers,...). Peu de données sont disponibles sur ces détenus (leurs noms, les charges retenues contre eux et le nom de leurs avocats ne sont pas rendus publics).
Selon des avocats de défense des droits civils cités par le Chicago Tribune, beaucoup de ces détenus n'ont eu aucun contact avec leur famille, et un accès limité à leurs avocats. «Qui est détenu ? a demandé dans les colonnes du quotidien Harvey Grossman, de l'American Civil Liberties Union. Pourquoi sont-ils détenus ? Où ? Dans quelles conditions ? Ont-ils accès à un conseil ? Quand seront-ils relâchés ?» En temps normal, il serait facile d'apporter des réponses à ces questions. Pas ces jours-ci. Le juriste souligne que même les avocats de ces suspects ont reçu l'ordre de ne pas parler : «C'est une mesure extraordinaire à prendre avant une inculpation. Il n'y a rien eu de tel depuis la journée qui a suivi Pearl Harbor, quand ils ont raflé 700 immigrants japonais, et les ont incarcérés dans le plus grand secret et sans chef d'inculpation». Ces jours-ci, aux Etats-Unis, on arrête d'abord, et on interroge après.
Le ministère de la justice est muet sur ces cas
Le ministre de la justice John Ashcroft s'est contenté d'affirmer que ces actions étaient «cohérentes avec le cadre de la loi». Un exemple : un étudiant yéménite de San Diego, Yazeed Al-Salmi, a été détenu en Californie, puis à New York dans une cellule insalubre de haute sécurité, sans contact avec sa famille et avec de très brefs contacts avec son avocat. Avant d'être relâché, il n'a pas pu prendre une douche ou se laver les dents durant neuf jours. La durée de ce type de détention n'est pas clairement fixée par la loi. Concernant les infractions au code de l'immigration, la durée normale était de 24 heure avant qu'un chef d'inculpation ne soit retenu. Le ministère de la justice l'a rallongé de 24 heures, en créant une exception pour les situations urgentes ou exceptionnelles, qui rallonge les délais.
En dépit des appels à la tolérance du président américain, et de ses ministres, à travers le pays, des centaines d'arabes américains ont fait l'objet de menaces ou de harcèlement. Le ministère de la justice a ouvert des enquêtes pour 170 «crimes de haine», y compris des meurtres, des tentatives de meurtre et des incendies. Beaucoup de personnes d'origine arabe se plaignent d'être contrôlées par la police en raison de leur origine ethnique. De nombreux cas de musulmans ayant perdu leur travail au lendemain des attaques du 11 septembre sont recensés. Dans les aéroports, la suspicion est pire encore. A tel point que trois passagers d'origine arabe ont été interdits de monter à bord d'un avion de la compagnie Northwest par l'équipage et les passagers, après les attentas du 11 septembre. Sans parler des regards de travers, des insultes ou des crachats...
Un groupe de spécialistes de la lutte antiterroriste provenant de différentes agences gouvernementales a mis en garde les forces de l'ordre contre les dangers de la discrimination raciale dans la recherche des terroristes. Selon eux, il est bien plus utile d'essayer de détecter des comportements suspects que des profils suspects. Le raisonnement est simple : certes, les 19 pirates de l'air étaient d'origine arabe. Mais il y a, au bas mot, plus d'un million de personnes d'origine arabe aux Etats-Unis. Faut-il les considérer toutes comme des terroristes potentiels ? Ces techniques de discrimination mobilisent trop d'attention contre trop d'innocents, et peuvent laisser passer les personnes dangereuses entre les mailles.
La question s'est posée dans les jours qui ont suivi les attentats du 11 septembre, alors que les 19 pirates de l'air supposés se révélaient être tous d'origine arabe. Est-il légitime pour les forces de l'ordre de contrôler davantage les Arabes américains, ou les personnes d'origine arabe? Oui, a rapidement répondu une majorité d'Américains, tout particulièrement dans les aéroports.
Dans les débats radios ou télévisés, le simple bon sens était souvent invoqué pour justifier ce qu'on appelle ici le «racial profiling». C'est le prix à payer, dit-on, pour plus de sécurité, les arabes américains eux-mêmes devraient le comprendre et l'accepter. Bon sens? Les hommes blancs, américains de souche, n'ont jamais été considérés comme plus susceptibles de commettre des attentats à la bombe après Oklahoma City. Le coupable était pourtant un jeune homme américain, blanc. Le «racial profiling» est toujours dirigé contre les minorités. Les Noirs en ont longtemps été les victimes. La pratique semble désormais frapper les personnes d'origine arabe.
Près de 700 personnes, pour la plupart, semble-t-il, des musulmans ou des personnes d'origine arabe, ont été détenues dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 11 septembre ayant fait plus de 5 000 morts. Certains sont considérés comme des témoins potentiels, susceptibles d'apporter des éléments importants à l'enquête. La majorité de ces cas est toutefois constituée d'auteurs d'infractions aux lois sur l'immigration, plus quelques motifs divers (suspicion de faux papiers,...). Peu de données sont disponibles sur ces détenus (leurs noms, les charges retenues contre eux et le nom de leurs avocats ne sont pas rendus publics).
Selon des avocats de défense des droits civils cités par le Chicago Tribune, beaucoup de ces détenus n'ont eu aucun contact avec leur famille, et un accès limité à leurs avocats. «Qui est détenu ? a demandé dans les colonnes du quotidien Harvey Grossman, de l'American Civil Liberties Union. Pourquoi sont-ils détenus ? Où ? Dans quelles conditions ? Ont-ils accès à un conseil ? Quand seront-ils relâchés ?» En temps normal, il serait facile d'apporter des réponses à ces questions. Pas ces jours-ci. Le juriste souligne que même les avocats de ces suspects ont reçu l'ordre de ne pas parler : «C'est une mesure extraordinaire à prendre avant une inculpation. Il n'y a rien eu de tel depuis la journée qui a suivi Pearl Harbor, quand ils ont raflé 700 immigrants japonais, et les ont incarcérés dans le plus grand secret et sans chef d'inculpation». Ces jours-ci, aux Etats-Unis, on arrête d'abord, et on interroge après.
Le ministère de la justice est muet sur ces cas
Le ministre de la justice John Ashcroft s'est contenté d'affirmer que ces actions étaient «cohérentes avec le cadre de la loi». Un exemple : un étudiant yéménite de San Diego, Yazeed Al-Salmi, a été détenu en Californie, puis à New York dans une cellule insalubre de haute sécurité, sans contact avec sa famille et avec de très brefs contacts avec son avocat. Avant d'être relâché, il n'a pas pu prendre une douche ou se laver les dents durant neuf jours. La durée de ce type de détention n'est pas clairement fixée par la loi. Concernant les infractions au code de l'immigration, la durée normale était de 24 heure avant qu'un chef d'inculpation ne soit retenu. Le ministère de la justice l'a rallongé de 24 heures, en créant une exception pour les situations urgentes ou exceptionnelles, qui rallonge les délais.
En dépit des appels à la tolérance du président américain, et de ses ministres, à travers le pays, des centaines d'arabes américains ont fait l'objet de menaces ou de harcèlement. Le ministère de la justice a ouvert des enquêtes pour 170 «crimes de haine», y compris des meurtres, des tentatives de meurtre et des incendies. Beaucoup de personnes d'origine arabe se plaignent d'être contrôlées par la police en raison de leur origine ethnique. De nombreux cas de musulmans ayant perdu leur travail au lendemain des attaques du 11 septembre sont recensés. Dans les aéroports, la suspicion est pire encore. A tel point que trois passagers d'origine arabe ont été interdits de monter à bord d'un avion de la compagnie Northwest par l'équipage et les passagers, après les attentas du 11 septembre. Sans parler des regards de travers, des insultes ou des crachats...
Un groupe de spécialistes de la lutte antiterroriste provenant de différentes agences gouvernementales a mis en garde les forces de l'ordre contre les dangers de la discrimination raciale dans la recherche des terroristes. Selon eux, il est bien plus utile d'essayer de détecter des comportements suspects que des profils suspects. Le raisonnement est simple : certes, les 19 pirates de l'air étaient d'origine arabe. Mais il y a, au bas mot, plus d'un million de personnes d'origine arabe aux Etats-Unis. Faut-il les considérer toutes comme des terroristes potentiels ? Ces techniques de discrimination mobilisent trop d'attention contre trop d'innocents, et peuvent laisser passer les personnes dangereuses entre les mailles.
par Philippe Bolopion
Article publié le 23/10/2001