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Etats-Unis

Mystérieux cas d'anthrax en Floride

Les Etats-Unis se familiarisent avec la crainte d'une attaque bactériologique. Deux cas de la maladie du charbon provoquée par l'anthrax, dont un mortel, ont été détectés. La piste criminelle ou terroriste est privilégiée. Dans le Kentucky, 200 personnes ont été mises en quarantaine par peur d'une contamination.
De notre correspondant à New York

Ce type d'incidents risque de devenir banal : hier soir, une station de métro proche de Washington a été provisoirement fermée après qu'un individu armé a répandu un mystérieux liquide contenu dans un bocal lors d'une altercation avec un policier. La station a été évacuée pour rien, le liquide était inoffensif. Fausse alerte pour cette fois. A Covington, dans le Kentucky, 200 personnes ont été mises en quarantaine dans un centre des impôts par crainte d'une contamination à l'anthrax, une bactérie considérée par beaucoup comme une arme de choix pour d'éventuels bioterroristes. Un employé a trouvé une étrange poudre blanche dans une enveloppe. Des incidents similaires ont été rapportés dans l'Ohio.

Plus grave. Vendredi dernier, Robert Stevens, un photographe du journal Sun est décédé en Floride des suites d'un cas d'anthrax pulmonaire. A l'état naturel, il est rarissime de rencontrer cette maladie dont les premiers symptômes ressemblent à ceux de la grippe. Le dernier cas connu de contamination à l'anthrax par inhalation remonte à 1976, en Californie - les contaminations par la peau sont plus courantes mais moins mortelles. Dans un premier temps, les autorités sanitaires ont parlé de «cas isolé».

Les choses ont changé lundi soir. Un collègue de Robert Stevens qui travaillait dans le même bâtiment est à son tour testé positif à l'anthrax dont des spores sont retrouvées dans ses orifices nasaux. Contrairement à certaines rumeurs, la maladie (dite du charbon) ne se passe pas d'une personne à l'autre. L'homme n'est pas affecté par la maladie. Son cas a été «détecté» par chance. Alors qu'il subissait un examen médical pour d'autres raisons dans un hôpital proche de Miami, des tests préventifs ont été réalisés conformément aux consignes du gouvernement.
La thèse de l'accident est écartée
Le FBI privilégie désormais la piste criminelle, sans exclure la piste terroriste. «Toutes les mesures sont prises pour identifier rapidement l'origine des bactéries et déterminer comment les deux individus ont été infectés», a affirmé le FBI. Des centaines d'employés qui ont passé au moins une heure dans les bâtiments de American Media Inc, une société éditrice de plusieurs journaux à scandale comme le National Enquirer, le Globe, le Star et le Sun ont subi des tests à Boca Raton, hier en Floride. Ils ont également reçu des traitements antibiotiques à titre préventif (la période d'incubation de la maladie peut être de plusieurs jours), avant de répondre à des interrogatoires détaillés. Des agents du FBI revêtus de tenues de protection ont inspecté les lieux, et notamment la salle du courrier et le système de ventilation. D'autres spores de l'anthrax ont été retrouvées sur le clavier de l'ordinateur de Robert Stevens.

Le ministre de la Justice, John Ashcroft a affirmé : «Nous n'avons pas suffisamment d'informations pour savoir si cela pourrait être lié au terrorisme ou non». La piste de la contamination naturelle ou accidentelle semble avoir été écartée. L'anthrax peut se contracter au contact d'animaux, des moutons particulièrement, ou dans la terre, mais la bactérie n'est normalement pas présente en Floride. Reste donc une longue série d'interrogations.

«Pour moi, c'est un acte de bioterrorisme», explique Ken Alibek, un ancien scientifique soviétique, président de Advanced Biosystems, une compagnie qui travaille sur les traitements à l'anthrax pour le gouvernement américain. «Il est impossible que ces cas soient apparus naturellement dans cet immeuble. Et il est impossible pour quelqu'un sans connaissance de développer une telle arme. Je présume que c'était un test ou un assassinat par des terroristes». Selon Ken Alibek, il existe de très nombreuses façons de diffuser l'anthrax. Le courrier en est une, le dépôt sur un clavier d'ordinateur en est une autre.

Les spéculations vont bon train, dans la presse américaine, et de nombreuses pistes sont évoquées. L'une d'entre elles veut que les tabloïdes édités par American Media Inc se soient montrés particulièrement haineux à l'égard de Oussama Ben Laden, l'un d'entre eux n'hésitant pas à commenter la taille des organes génitaux du terroriste présumé. Autres faits troublants : Robert Stevens vivait à moins de deux kilomètres d'une école d'aviation où Mohammed Atta, soupçonné d'être le cerveau aux Etats-unis des attentats du 11 septembre, a loué des avions. Mieux. Plusieurs des pirates de l'air suicidaires ont également visité une entreprise d'engrais à environ 60 kilomètres de là. Ils ont posé des questions sur les techniques d'épandage aérien, ce qui avait conduit le gouvernement à craindre une attaque bactériologique par ce biais.

Autre piste. Un stagiaire qui avait travaillé dans l'immeuble avait envoyé un e-mail énigmatique se terminant ainsi : «Je vous ai laissé une surprise pour que vous vous souveniez de moi. Ah ah, je plaisante». Selon Newsweek, une «lettre d'amour à Jennifer Lopez» avait aussi été envoyée au journal la semaine précédant les attentats du 11 septembre. Elle contenait une étoile de David et une substance savonneuse et poudreuse touchée par les deux hommes contaminés. Même si le mystère est complet pour l'instant, la peur s'est propagée infiniment plus vite que l'anthrax.

Ecoutez également :
Olivier Lepick, spécialiste des armes biologiques au micro de Pierre Ganz (11/10/2001)



par Philippe  Bolopion

Article publié le 10/10/2001