Afghanistan
L'après-Taliban divise les Occidentaux
Les Etats-Unis sont soupçonnés de vouloir délaisser le «bourbier afghan» pour se consacrer à la «chasse à Ben Laden». La Grande Bretagne pourrait décider de ne pas déployer 4.000 soldats supplémentaires voire de rappeler ceux qui sont déjà sur place. Quant à la France, elle estime que «la situation est complexe».
L'incertitude qui règne en Afghanistan mais aussi les divergences apparues au sein de la coalition occidentale depuis la chute de Kaboul du côté d'une Alliance du nord plus que jamais dominée par la minorité tadjik ont d'ores et déjà provoqué un changement profond dans la guerre en cours depuis plus d'un mois. Alors que les Etats-Unis ont visiblement délaissé la «guerre afghane» et le sort d'un pays à la dérive, pour se consacrer essentiellement à la chasse de Oussama Ben Laden et du mollah Omar, les pays européens ont visiblement oublié de coordonner leurs stratégies et semblent plus que jamais à la merci des vétos de toute sorte en provenance de Kaboul comme du changement de cap décidé à Washington.
«Tout cela est très fâcheux!»
Première «victime» de la confusion inter-occidentale, la Grande Bretagne, ancienne puissance coloniale, qui rêvait jusqu'à la semaine dernière de profiter du vide politique provoqué par la chute de Kaboul pour reprendre pied en Afghanistan, en y envoyant 4.000 autres soldats. «Nous pourrions ne pas envoyer d'autres soldats, nous pourrions même en retirer», ont déclaré mardi des responsables militaires britanniques au quotidien The Guardian. Une centaine de fusiliers marins britanniques sont cantonnés dans la base militaire de Bagram, près de la capitale, officiellement pour en assurer la sécurité. En fait, ils seraient interdits de sortie à la suite de déclarations très anti-britanniques de la part des nouvelles autorités.
«Tout cela est désespérément frustrant, et c'est aussi très fâcheux», a écrit pour sa part le Times, citant d'autres militaires britanniques. Et le ministre des Affaires étrangères Jack Straw d'ajouter : «nous n'allons pas mettre des forces en place sans l'accord des Etats-Unis et une entente claire sur ce que nos troupes feront dans le cadre de la coalition militaire». Il a apparemment oublié de préciser que cela ne peut pratiquement plus se faire sans l'accord préalable des nouveaux maîtres des trois quarts du pays : une Alliance du Nord qui n'a d'alliance que le nom. Jack Straw a néanmoins reconnu que la situation en Afghanistan «ne cesse de changer», avant d'ajouter : «nous devons donc continuer d'étudier le type de force qui pourraient convenir et qui doit les envoyer». Interrogé sur les réticences des autorités afghanes face au déploiement éventuel de nouvelles troupes britanniques à Bagram et françaises à Mazar-i-Sharif, le ministre britannique a déclaré, de manière énigmatique : «Le monde les regarde. Le monde les écoutera». Ce qui n'a apparemment pas été le cas jusque là.
La Maison Blanche a démenti tout désaccord entre Bush junior et Tony Blair, sur le rôle des troupes alliées en Afghanistan, en assurant que les entraves rencontrées par Londres et Paris pour déployer leurs hommes ne provenaient pas de Washington. «Nous croyons certainement que les troupes britanniques et françaises ont un rôle à jouer, a précisé un responsable de Washington ; mais c'est une question qui sera réglée en discutant avec nos partenaires et avec les forces sur le terrain en Afghanistan». Autant dire que Londres et Paris devront très probablement attendre l'issue - très incertaine - de la prochaine conférence de Berlin pour prendre une décision finale concernant leur engagement militaire. Ce que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères François Rivasseau a indirectement confirmé, en déclarant mardi soir : «Nous avons fait ce qui dépend de nous, mais la situation est complexe». On ne saurait mieux dire.
Car les nouvelles en provenance d'Afghanistan confirment que le pays est plus que jamais aux mains des différents «seigneurs de la guerre», à commencer par les provinces contrôlées par les Pachtounes. A Jalalabad, une ville située sur la route Peshawar-Kaboul qui a coûté le vie à quatre autres journalistes lundi dernier, tous les locaux de l'ONU et des ONG ont été pillés. Jalalabad a apparemment basculé à son tour, le week-end dernier, après le départ des Taliban, pour passer sous le contrôle de Hadj Abdul Qadir. Celui-ci n'est pas un inconnu : en 1996 il a accueilli à bras ouverts un certain Oussama Ben Laden, avant même l'arrivée au pouvoir à Kaboul des Taliban. Aujourd'hui on ne peut exclure que Qadir, tout en reprenant le pouvoir des mains des Taliban, ait passé une alliance avec un de leurs «amis» : l'ancien premier ministre Gulbuddin Hekmatiar, officiellement toujours en exil en Iran, mais qui, depuis une dizaine de jours, tenterait par tous les moyens de s'établir à Peshawar, pour regagner ensuite Jalalabad, «sa» région. Hekmatiar a été le principal responsable de la guerre civile, de 1992 à 1996.
Selon différentes sources, ce sont des hommes à la solde de Hekmatiar qui tendent des embuscades sur cette route stratégique contre journalistes, membres de l'ONU et humanitaires des ONG. Pour le responsable de l'agence Reuters au Pakistan, les quatre journalistes tués lundi dernier n'ont pas été victimes de pillards mais exécutés brutalement. Les trois assaillants «n'étaient pas intéressés par un pillage», et auraient déclaré aux chauffeurs afghans des journalistes : «Si vous pensez que les Taliban sont finis, vous vous trompez», avant de prévenir les chauffeurs de ne plus jamais transporter des étrangers.
«Tout cela est très fâcheux!»
Première «victime» de la confusion inter-occidentale, la Grande Bretagne, ancienne puissance coloniale, qui rêvait jusqu'à la semaine dernière de profiter du vide politique provoqué par la chute de Kaboul pour reprendre pied en Afghanistan, en y envoyant 4.000 autres soldats. «Nous pourrions ne pas envoyer d'autres soldats, nous pourrions même en retirer», ont déclaré mardi des responsables militaires britanniques au quotidien The Guardian. Une centaine de fusiliers marins britanniques sont cantonnés dans la base militaire de Bagram, près de la capitale, officiellement pour en assurer la sécurité. En fait, ils seraient interdits de sortie à la suite de déclarations très anti-britanniques de la part des nouvelles autorités.
«Tout cela est désespérément frustrant, et c'est aussi très fâcheux», a écrit pour sa part le Times, citant d'autres militaires britanniques. Et le ministre des Affaires étrangères Jack Straw d'ajouter : «nous n'allons pas mettre des forces en place sans l'accord des Etats-Unis et une entente claire sur ce que nos troupes feront dans le cadre de la coalition militaire». Il a apparemment oublié de préciser que cela ne peut pratiquement plus se faire sans l'accord préalable des nouveaux maîtres des trois quarts du pays : une Alliance du Nord qui n'a d'alliance que le nom. Jack Straw a néanmoins reconnu que la situation en Afghanistan «ne cesse de changer», avant d'ajouter : «nous devons donc continuer d'étudier le type de force qui pourraient convenir et qui doit les envoyer». Interrogé sur les réticences des autorités afghanes face au déploiement éventuel de nouvelles troupes britanniques à Bagram et françaises à Mazar-i-Sharif, le ministre britannique a déclaré, de manière énigmatique : «Le monde les regarde. Le monde les écoutera». Ce qui n'a apparemment pas été le cas jusque là.
La Maison Blanche a démenti tout désaccord entre Bush junior et Tony Blair, sur le rôle des troupes alliées en Afghanistan, en assurant que les entraves rencontrées par Londres et Paris pour déployer leurs hommes ne provenaient pas de Washington. «Nous croyons certainement que les troupes britanniques et françaises ont un rôle à jouer, a précisé un responsable de Washington ; mais c'est une question qui sera réglée en discutant avec nos partenaires et avec les forces sur le terrain en Afghanistan». Autant dire que Londres et Paris devront très probablement attendre l'issue - très incertaine - de la prochaine conférence de Berlin pour prendre une décision finale concernant leur engagement militaire. Ce que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères François Rivasseau a indirectement confirmé, en déclarant mardi soir : «Nous avons fait ce qui dépend de nous, mais la situation est complexe». On ne saurait mieux dire.
Car les nouvelles en provenance d'Afghanistan confirment que le pays est plus que jamais aux mains des différents «seigneurs de la guerre», à commencer par les provinces contrôlées par les Pachtounes. A Jalalabad, une ville située sur la route Peshawar-Kaboul qui a coûté le vie à quatre autres journalistes lundi dernier, tous les locaux de l'ONU et des ONG ont été pillés. Jalalabad a apparemment basculé à son tour, le week-end dernier, après le départ des Taliban, pour passer sous le contrôle de Hadj Abdul Qadir. Celui-ci n'est pas un inconnu : en 1996 il a accueilli à bras ouverts un certain Oussama Ben Laden, avant même l'arrivée au pouvoir à Kaboul des Taliban. Aujourd'hui on ne peut exclure que Qadir, tout en reprenant le pouvoir des mains des Taliban, ait passé une alliance avec un de leurs «amis» : l'ancien premier ministre Gulbuddin Hekmatiar, officiellement toujours en exil en Iran, mais qui, depuis une dizaine de jours, tenterait par tous les moyens de s'établir à Peshawar, pour regagner ensuite Jalalabad, «sa» région. Hekmatiar a été le principal responsable de la guerre civile, de 1992 à 1996.
Selon différentes sources, ce sont des hommes à la solde de Hekmatiar qui tendent des embuscades sur cette route stratégique contre journalistes, membres de l'ONU et humanitaires des ONG. Pour le responsable de l'agence Reuters au Pakistan, les quatre journalistes tués lundi dernier n'ont pas été victimes de pillards mais exécutés brutalement. Les trois assaillants «n'étaient pas intéressés par un pillage», et auraient déclaré aux chauffeurs afghans des journalistes : «Si vous pensez que les Taliban sont finis, vous vous trompez», avant de prévenir les chauffeurs de ne plus jamais transporter des étrangers.
par Elio Comarin
Article publié le 21/11/2001