Côte d''Ivoire
Robert Gueï face à son passé
L'ancien homme fort de la junte militaire ivoirienne a finalement accepté de participer à une séance de rattrapage du Forum de réconciliation nationale, lundi 26 novembre. Portrait d'un militaire entré par effraction en politique.
Le 24 décembre 1999, les Ivoiriens assistent stupéfaits au premier coup d'Etat de leur histoire. Le jour même, le nouvel homme fort du pays, le général Robert Gueï, apparait en tenue militaire à la télévision nationale, entouré des jeunes mutins qui viennent de chasser le président Konan Bédié. Ces images ont fait le tour du monde, laissant incrédules tous ceux pour qui la Côte d'Ivoire constituait, jusque-là, un îlot de stabilité dans la région. Dans de nombreux quartiers d'Abidjan, la capitale économique, la nouvelle est accueillie par des cris de joie, après des mois de tension politique, sur fond d'affaires de corruption impliquant l'entourage du chef de l'Etat déchu.
«Nous sommes venus balayer la maison», assure alors un Robert Gueï jurant qu'il raccrochera, une fois sa mission accomplie. Il en veut pour preuve la formation d'un gouvernement incluant les principaux partis du pays qui acceptent de participer à son entreprise «d'assainissement» de la Côte d'Ivoire. Mais au fil des mois, les Ivoiriens commencent à comprendre que, sous ses airs austères, le général prend goût au pouvoir. Délaissant progressivement le treillis pour le costume-cravate, le président du Comité national de salut public (CNSP) devient omniprésent, notamment à la télévision qui couvre abondamment le moindre de ses déplacements. Pire, les sujets de tension, qui ont provoqué le «putsch de Noël», ressurgissent. A commencer par la polémique autour du leader du Rassemblement des républicains (RDR) Alassane Ouattara. Celle-ci prend même une ampleur inégalée, avec le débat sur la nouvelle constitution, qui porte essentiellement autour de la nationalité de l'opposant, jugée douteuse par ses adversaires.
Liaison dangereuses avec Charles Taylor
La transition militaire, émaillée de plusieurs tentatives réelles ou supposées de coup d'Etat, souvent l'occasion de multiples violations des droits de l'homme, est censée s'achever pacifiquement avec les élections présidentielles du 22 octobre. Or, non seulement deux des principaux leaders politiques, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, en sont exclus par une Cour suprême aux ordres, mais le général-président refuse d'admettre la victoire du vieil opposant et leader du Front populaire ivoirien (FPI) Laurent Gbagbo. Personne en Côte d'Ivoire n'oubliera les journées du 24 et 25 octobre 2000, lorsque la foule a envahi les rues d'Abidjan pour réclamer le départ de Robert Gueï, face à une garde présidentielle tirant à balles réelles sur des jeunes gens sans armes. Et encore moins les violents affrontements qui ont immédiatement suivi entre militants du RDR, d'une part, et les partisans du FPI et l'armée, d'autre part, faisant plus de 200 morts et des milliers de blessés.
Chassé par la rue et une armée qui a tourné casaque, Robert Gueï vit, depuis, retranché dans son village de Gouessesso, dans l'Ouest, avec un carré fidèles. Et s'il a fini par admettre la victoire de l'actuel président, le chef de l'ex-junte nie toute responsabilité dans ces événements sanglants, qu'il attribue largement à l'actuel chef de l'Etat. Il reste tout aussi discret sur son bilan économique, déjà inquiétant à son arrivée mais catastrophique à son départ du palais présidentiel.
Comme Alassane Ouattara, le général a d'abord boudé le Forum de réconciliation nationale, ouvert le 8 octobre et visant à mettre fin à une longue période de tension. A l'instar du leader du RDR, il a aussi décliné l'invitation au «grand oral» du 13 novembre, censé permettre aux principaux leaders politiques de s'expliquer. Mais pas pour les mêmes raisons. Si l'ancien Premier ministre refusait de se rendre en Côte d'Ivoire sans un nouveau certificat de nationalité en poche, Robert Gueï réclamait essentiellement la restauration de sa résidence abidjanaise et la reconnaissance officielle de son statut d'ancien chef de l'Etat.
Alors que les débats publics du Forum sont officiellement clos, il a finalement accepté de participer à une séance de rattrapage, ce lundi 26 novembre, sur pression, dit-on, des chefs traditionnels, et le conseil avisé du président togolais Eyadema. Robert Gueï, qui avait déjà beaucoup à se faire pardonner, pourrait avoir à s'expliquer sur un nouveau dossier brûlant. Selon le dernier rapport d'un groupe d'experts de l'ONU sur le Liberia, une cargaison de 113 tonnes d'armes a été livrée au régime de Monrovia, via Abidjan, entre juillet et septembre 2000, avec son aval. Le document en question révèle, en outre, que l'ancien homme fort de la Côte d'Ivoire a reçu l'aide de membres de l'Unité anti-terroriste de Charles Taylor, alors qu'il faisait face à une tentative de coup d'Etat courant septembre 2000. Ces éléments confirment les liens étroits entre Gueï et Taylor, qui remontent au début des années 90, mais alourdissent surtout le passif d'une transition militaire calamiteuse.
«Nous sommes venus balayer la maison», assure alors un Robert Gueï jurant qu'il raccrochera, une fois sa mission accomplie. Il en veut pour preuve la formation d'un gouvernement incluant les principaux partis du pays qui acceptent de participer à son entreprise «d'assainissement» de la Côte d'Ivoire. Mais au fil des mois, les Ivoiriens commencent à comprendre que, sous ses airs austères, le général prend goût au pouvoir. Délaissant progressivement le treillis pour le costume-cravate, le président du Comité national de salut public (CNSP) devient omniprésent, notamment à la télévision qui couvre abondamment le moindre de ses déplacements. Pire, les sujets de tension, qui ont provoqué le «putsch de Noël», ressurgissent. A commencer par la polémique autour du leader du Rassemblement des républicains (RDR) Alassane Ouattara. Celle-ci prend même une ampleur inégalée, avec le débat sur la nouvelle constitution, qui porte essentiellement autour de la nationalité de l'opposant, jugée douteuse par ses adversaires.
Liaison dangereuses avec Charles Taylor
La transition militaire, émaillée de plusieurs tentatives réelles ou supposées de coup d'Etat, souvent l'occasion de multiples violations des droits de l'homme, est censée s'achever pacifiquement avec les élections présidentielles du 22 octobre. Or, non seulement deux des principaux leaders politiques, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, en sont exclus par une Cour suprême aux ordres, mais le général-président refuse d'admettre la victoire du vieil opposant et leader du Front populaire ivoirien (FPI) Laurent Gbagbo. Personne en Côte d'Ivoire n'oubliera les journées du 24 et 25 octobre 2000, lorsque la foule a envahi les rues d'Abidjan pour réclamer le départ de Robert Gueï, face à une garde présidentielle tirant à balles réelles sur des jeunes gens sans armes. Et encore moins les violents affrontements qui ont immédiatement suivi entre militants du RDR, d'une part, et les partisans du FPI et l'armée, d'autre part, faisant plus de 200 morts et des milliers de blessés.
Chassé par la rue et une armée qui a tourné casaque, Robert Gueï vit, depuis, retranché dans son village de Gouessesso, dans l'Ouest, avec un carré fidèles. Et s'il a fini par admettre la victoire de l'actuel président, le chef de l'ex-junte nie toute responsabilité dans ces événements sanglants, qu'il attribue largement à l'actuel chef de l'Etat. Il reste tout aussi discret sur son bilan économique, déjà inquiétant à son arrivée mais catastrophique à son départ du palais présidentiel.
Comme Alassane Ouattara, le général a d'abord boudé le Forum de réconciliation nationale, ouvert le 8 octobre et visant à mettre fin à une longue période de tension. A l'instar du leader du RDR, il a aussi décliné l'invitation au «grand oral» du 13 novembre, censé permettre aux principaux leaders politiques de s'expliquer. Mais pas pour les mêmes raisons. Si l'ancien Premier ministre refusait de se rendre en Côte d'Ivoire sans un nouveau certificat de nationalité en poche, Robert Gueï réclamait essentiellement la restauration de sa résidence abidjanaise et la reconnaissance officielle de son statut d'ancien chef de l'Etat.
Alors que les débats publics du Forum sont officiellement clos, il a finalement accepté de participer à une séance de rattrapage, ce lundi 26 novembre, sur pression, dit-on, des chefs traditionnels, et le conseil avisé du président togolais Eyadema. Robert Gueï, qui avait déjà beaucoup à se faire pardonner, pourrait avoir à s'expliquer sur un nouveau dossier brûlant. Selon le dernier rapport d'un groupe d'experts de l'ONU sur le Liberia, une cargaison de 113 tonnes d'armes a été livrée au régime de Monrovia, via Abidjan, entre juillet et septembre 2000, avec son aval. Le document en question révèle, en outre, que l'ancien homme fort de la Côte d'Ivoire a reçu l'aide de membres de l'Unité anti-terroriste de Charles Taylor, alors qu'il faisait face à une tentative de coup d'Etat courant septembre 2000. Ces éléments confirment les liens étroits entre Gueï et Taylor, qui remontent au début des années 90, mais alourdissent surtout le passif d'une transition militaire calamiteuse.
par Christophe Champin
Article publié le 25/11/2001