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Etats-Unis

New York en bleu, blanc et rouge

La ville de New York a décidé de relever la tête et les Fêtes de Thanksgiving ont été l’occasion du premier rassemblement populaire depuis les attentats du 11 septembre. Les New-yorkais ne s’y sont pas trompé, et ils sont venus par centaines de milliers pour applaudir la traditionnelle parade organisée par un grand magasin.
De notre envoyée spéciale à New York

Comme toujours, le cortège s’est formé le long de Central Park. Comme toujours, les 15 gigantesques ballons, hauts d’une vingtaine de mètres et gonflés à l’hélium, se sont élevés dans les airs au-dessus des chars. Mais cette année, le premier de ces ballons était une statue de la Liberté. Derrière, le maire Rudolph Giuliani, monté sur un char en compagnie de commissaires de police et des pompiers, a été acclamé par l'immense foule, reconnaissante de son action et de celles des sauveteurs, héros de la ville, pendant les attentats et depuis. Sur ce char, un drapeau extrait des ruines du World Trade Center. Tout un symbole.

Dix semaines après la destruction des Twins, les tours jumelles, tout en bas de Manhattan, le reste de la ville a des allures habituelles : les décorations de Noël sont de sortie, il y a foule dans les magasins. Mais les affaires vont mal. Le seul record de vente se situe dans le secteur patriotique, bannières étoilées, broches ou colliers tricolores. Le cœur n’est pas à la fête, et les soldes se multiplient dans les magasins sans parvenir à faire ouvrir les porte-monnaie. La récession est bien là, le terme est aujourd’hui utilisé et repris par tous. «Because of recession, 70% off today»(à cause de la récession, 70 % de réduction aujourd’hui) affiche ainsi une joaillerie très chic de Broadway.

Les deux jours de soldes, les vendredis et samedis de Thanksgiving incitent à l’optimisme, car lorsque les prix sont cassés, les clients sont là. Mais ce n’est qu’un balbutiement et le bureau de tourisme de New York City met en place, pour la première fois de son histoire, une offre globale pour les visiteurs : une nuit dans un hôtel confortable, un repas, un spectacle à Broadway…et une donation au Fond du 11 septembre. Avec un slogan choc : il faut «repeindre New York en Bleu Blanc, Rouge» couleur de la victoire et d’une ville qui se veut optimiste. L’offre patriotique ne cache pas des objectifs plus mercantiles. Il faut, coûte que coûte, relancer la consommation.

Manhattan sud désertée

«Dowtown», à l’extrême sud de l’Ile de Manhattan, 70 restaurants ont fermé leurs portes depuis le 11 septembre. Les trois-quarts ne rouvriront pas. Les clients ne viennent pas : trop de bureaux ont clos définitivement leurs portes, les touristes qui sont venu voir les ruines et prendre des photos par dessus les palissades ne s’attardent pas, trop choqués par la vision d’apocalypse qu’ils ont entrevues, les tôles rouillées et noircies, les immeubles adjacents au WTC ravagés par la fumée et les flammes. Deux mois et demi après le choc, les pompiers arrosent encore et déblaient, inlassablement. Les « missing », appels à l’aide pour retrouver les disparus, ont été enlevés des murs et des poteaux. Le mémorial d’Union Square a été déblayés des derniers témoignages de solidarité cette semaines.

Mais les lieux de repos des équipes de secours et les casernes reçoivent toujours quotidiennement des signatures, des lettres et des poèmes, des visites d’américains qui veulent dire leur solidarité. Et tous les jours, le New York Times publie une page entière de photos et de récits des vies des disparus. Il y a, chez tous les New-yorkais, un Avant et un Après. La référence au 11 septembre est constante, dans les conversations.

Le périmètre interdit est large, 7 hectares, et malgré l’activité de Wall Street tout proche, l’effet Attentat résonne encore partout, et bien au-delà de la « zone rouge ». Le quartier chinois est ainsi totalement sinistré : le téléphone y est encore partiellement coupé, quantité de petites et moyennes entreprises ne se relèveront pas de l’arrêt de toute circulation pendant près d’un mois. L’industrie textile employait dans Chinatown plus de 10 000 salariés. Les camions ne sont pas venus chercher la marchandise produite sur place, les livraisons n’ont pas pu se faire. Tous les matins, une file d’attente se forme à partir de 4h30 le matin devant le Mott Street Center, ou une aide financière est offerte à ceux qui ont perdu leur travail depuis le 11 septembre. Certains jours, 1 000 personnes attendent. Seuls les magasins de location de vidéo tournent à plein. Les habitants veulent se changer les idées.

«Il faut venir à New York, et y venir maintenant», affirme haut et fort le Bureau du tourisme. Venu de Californie, de Floride, du centre des Etats-Unis, il y a effectivement un tourisme solidaire. Les hôtels du centre-ville ont connu en octobre un taux d’occupation de 35%, il est aujourd’hui de 70 %. Mais encore loin des 90% des années précédentes à cette époque de l’année. New York rêve de voir revenir des cargots pleins dans ses trois aéroports, mais la phobie de l’avion est loin d’être passée.



par Annie  Fave

Article publié le 26/11/2001