Guinée
Le coup de force constitutionnel de Lansana Conté
Malgré les protestations unanimes de l'opposition, le chef de l'Etat guinéen persiste et signe. Ce dimanche, les électeurs guinéens se prononcent sur une réforme constitutionnelle supprimant la limitation du nombre de mandats présidentiels. Le résultat est couru d'avance.
Alors que la majorité de ses homologues d'Afrique de l'Ouest cherche à offrir des gages de respect de la démocratie, Lansana Conté est en train, sans y mettre les formes, de se tailler un costume de président à vie. Dix-sept ans après le coup d'Etat qui le porta au pouvoir, le chef de l'Etat guinéen est décidé à ne pas raccrocher en 2003. Vainqueur contesté des deux premières élections pluralistes, de 1993 et 1998, il devait, en principe, se retirer, conformément à la constitution qu'il a lui-même fait voter en 1992, sur pression de l'opposition et des bailleurs de fonds. Mais à 67 ans, et malgré les rumeurs sur son état de santé, celui qui aime à se définir comme un paysan et un soldat, en a décidé autrement.
Les électeurs guinéens doivent se prononcer, ce dimanche, par référendum sur une réforme de la loi fondamentale qui supprime la limitation à deux mandats présidentiels et en allonge la durée de 5 à 7 ans. Au sein même du régime, on ne cache même pas que le résultat est acquis d'avance. «Le vote aura lieu à 200% en faveur du OUI !», confiait récemment un ministre à la presse guinéenne. Quant à Lansana Conté, comme aux plus beaux jours des partis uniques africains, il affirme avoir cédé à la pression de ses amis et de son peuple.
L'opposition appelle au boycott
Ulcérée, l'opposition, unie comme rarement dans le passé au sein du Mouvement contre le référendum et pour l'alternance démocratique (MORAD), se mobilise depuis plusieurs mois contre le projet gouvernemental. Le président de l'Assemblée nationale, le vétéran Boubacar Biro Diallo, en délicatesse avec le parti dirigeant, dont il fut l'un des membres fondateurs, s'est joint à la protestation, en évoquant un «coup d'Etat constitutionnel». Il en veut pour preuve le fait que le gouvernement n'a pas présenté son texte au Parlement avant de le soumettre au peuple, comme l'impose la constitution.
Ces deux dernières semaines, les principaux adversaires du régime ont mené campagne à travers le pays, appelant la population à boycotter le scrutin, au prix d'une violente répression, notamment à Kankan, dans l'Est, et à Conakry. En milieu de semaine, la capitale a également été le théâtre d'échauffourées entre les forces de l'ordre et des élèves et étudiants qui marchaient contre le référendum. Accusant les jeunes manifestants d'être des «mercenaires» à la solde de l'opposition, les autorités ont préféré fermer toutes les écoles de la ville jusqu'au 15 novembre. Dans ce climat de tension, les permanences de plusieurs partis d'opposition ont été perquisitionnées, le 8 novembre, selon les autorités parce qu'on y préparait «une guérilla urbaine».
Pour l'opposition, coutumière de ce genre de coup de main des forces de l'ordre, l'objectif est moins d'influer sur l'issue d'un scrutin, selon elle couru d'avance, que de faire entendre une voix dissidente. Sur ce plan, elle estime avoir atteint son but. «Nous ne nous battons pour le résultat, mais pour qu'on sache que les Guinéens ne sont pas d'accord», estime Mamadou Bâ, porte-parole du MORAD.
Le message est également passé auprès des bailleurs de fonds de la Guinée. Les ambassadeurs du G 7, le groupe des sept pays les plus industrialisés, dont la France, ont jugé utile d'aller rencontrer le chef de l'Etat, ce jeudi, pour lui faire part de leurs inquiétudes. Les Etats-Unis ont, pour leur part, indiqué qu'ils pourraient reconsidérer leur aide à Conakry. Mais il en faut plus pour faire plier un homme à la rigidité légendaire. Pour mémoire, en dépit de multiples pressions extérieures, Lansana Conté avait attendu plus de deux ans pour libérer son principal adversaire, le leader du Rassemblement du peuple de Guinée Alpha Condé, embastillé jusqu'au 18 mai dernier.
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Le reportage d'Olivier Rogez à Conakry
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L'opposition appelle au boycott
Ulcérée, l'opposition, unie comme rarement dans le passé au sein du Mouvement contre le référendum et pour l'alternance démocratique (MORAD), se mobilise depuis plusieurs mois contre le projet gouvernemental. Le président de l'Assemblée nationale, le vétéran Boubacar Biro Diallo, en délicatesse avec le parti dirigeant, dont il fut l'un des membres fondateurs, s'est joint à la protestation, en évoquant un «coup d'Etat constitutionnel». Il en veut pour preuve le fait que le gouvernement n'a pas présenté son texte au Parlement avant de le soumettre au peuple, comme l'impose la constitution.
Ces deux dernières semaines, les principaux adversaires du régime ont mené campagne à travers le pays, appelant la population à boycotter le scrutin, au prix d'une violente répression, notamment à Kankan, dans l'Est, et à Conakry. En milieu de semaine, la capitale a également été le théâtre d'échauffourées entre les forces de l'ordre et des élèves et étudiants qui marchaient contre le référendum. Accusant les jeunes manifestants d'être des «mercenaires» à la solde de l'opposition, les autorités ont préféré fermer toutes les écoles de la ville jusqu'au 15 novembre. Dans ce climat de tension, les permanences de plusieurs partis d'opposition ont été perquisitionnées, le 8 novembre, selon les autorités parce qu'on y préparait «une guérilla urbaine».
Pour l'opposition, coutumière de ce genre de coup de main des forces de l'ordre, l'objectif est moins d'influer sur l'issue d'un scrutin, selon elle couru d'avance, que de faire entendre une voix dissidente. Sur ce plan, elle estime avoir atteint son but. «Nous ne nous battons pour le résultat, mais pour qu'on sache que les Guinéens ne sont pas d'accord», estime Mamadou Bâ, porte-parole du MORAD.
Le message est également passé auprès des bailleurs de fonds de la Guinée. Les ambassadeurs du G 7, le groupe des sept pays les plus industrialisés, dont la France, ont jugé utile d'aller rencontrer le chef de l'Etat, ce jeudi, pour lui faire part de leurs inquiétudes. Les Etats-Unis ont, pour leur part, indiqué qu'ils pourraient reconsidérer leur aide à Conakry. Mais il en faut plus pour faire plier un homme à la rigidité légendaire. Pour mémoire, en dépit de multiples pressions extérieures, Lansana Conté avait attendu plus de deux ans pour libérer son principal adversaire, le leader du Rassemblement du peuple de Guinée Alpha Condé, embastillé jusqu'au 18 mai dernier.
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Le reportage d'Olivier Rogez à Conakry
par Christophe Champin
Article publié le 09/11/2001