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Afghanistan

Un accord conclu à Bonn

Les factions afghanes ont réussi à trouver un accord sur les modalités de la transition politique dans leur pays mais aussi sur la mise en place d’une force multinationale sous l’égide de l’ONU pour assurer la sécurité à Kaboul. Une condition indispensable pour obtenir l’aide occidentale nécessaire pour stopper le drame humanitaire et assurer la reconstruction du pays.
Il aura fallu sept jours de négociations intenses pour que les quatre délégations afghanes (Front uni, groupe de Rome, groupe de Peshawar, groupe de Chypre) réunies à Bonn, en Allemagne, sous l’égide des Nations unies, trouvent finalement un accord qualifié «d’historique» car il ouvre la porte, s’il est respecté, à une réconciliation nationale inespérée dans un pays ravagé par vingt ans de guerre et traditionnellement enclin aux affrontement tribaux.

Les factions ont ainsi décidé l’installation d’un gouvernement provisoire composé de 29 membres, dont cinq vice-présidents et un président, qui restera en place pendant six mois. Reste à choisir les hommes ou les femmes qui occuperont ces postes. Abdullah Abdullah, le ministre des Affaires étrangères du Front uni, a, en effet, estimé dans une déclaration faite à Kaboul, aujourd’hui, que l’un des cinq vice-présidents serait une femme. Cette décision répond aux demandes répétées de membres de la communauté internationale de réserver une place aux femmes afghanes dans les institutions politiques. Mary Robinson, Haut commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, a ainsi estimé que «si le soutien à la reconstruction de l’Afghanistan a lieu, nous devons voir dès le début la participation de celles qui représentent, après tout, la majorité de la population».

La présidence se jouerait entre deux royalistes, l’un Pachtoune, Hamid Karzaï, l’autre Ouzbek, Abdul Satar Sirat. L’Alliance du Nord qui regroupe des chefs de guerre tadjik, ouzbek et hazara et s’est rendue maîtresse de la plupart des villes stratégiques du pays, acceptant de céder la tête du gouvernement, en échange de plusieurs ministères clefs : Affaires étrangères, Intérieur, Défense. Selon Abdullah Abdullah, l’attribution des postes dans le gouvernement provisoire respectera strictement la répartition ethnique au sein de la population soit 38 % de Pachtounes, 27 % de Tadjiks, 17 % d’Hazaras, 6 % d’Ouzbeks.

Un gouvernement provisoire et une Loya Jirga

En parallèle, une «commission indépendante spéciale» de 21 membres sera chargée de préparer, en urgence, la réunion d’une Loya Jirga. Cette assemblée traditionnelle des représentants de tous les groupes de population du pays aura la charge de constituer un gouvernement intérimaire qui prendra les rênes du pays pour une durée maximale de 18 mois, à l’issue de laquelle une nouvelle Loya Jirga devra se réunir pour élaborer une Constitution. Ce processus devant aboutir au final à l’organisation d’élections démocratiques en Afghanistan.

L’ex-roi Zaher Shah, en exil à Rome depuis 1973, présenté pendant un temps comme une alternative politique pour assurer la transition après-Taliban, n’occupe finalement qu’une place marginale. Il est cantonné dans le rôle presque uniquement symbolique de président de la Loya Jirga d’urgence qu’il devra aussi convoquer dans un délai de six mois. Même chose pour Burhanuddin Rabbani, président en exercice reconnu par l’ONU, chassé par l’arrivée des Taliban, mais revenu aujourd’hui en tant que tel à Kaboul. Il devra céder le pouvoir aux organes de transition.

Les délégations afghanes ont aussi donné, à Bonn, leur accord pour le déploiement d’une force internationale «sous mandat des Nations unies». Les soldats devront tout d’abord assurer la sécurité dans la capitale, Kaboul, et ses environs. Mais l’accord précise que la force pourrait être «si nécessaire, progressivement étendue à d’autres régions». L’Alliance du Nord avait, pendant les premiers jours de la négociation de Bonn, mis son veto sur la mise en œuvre d’une telle mesure, estimant qu’elle n’était pas nécessaire. Mais les pays occidentaux ont lié l’attribution de leur aide financière à la reconstruction du pays, à un accord sur ce point. Il s’agit d’éviter que des luttes intestines entre tribus n’engendrent des exactions et des violences dont les populations civiles pourraient faire les frais, comme cela a été le cas dans le passé. Les modalités d’organisation de cette force restent à définir, de même que les pays pouvant y prendre part, alors que pour le moment les Américains ont indiqué qu’ils n’avaient pas besoin d’aide étrangère sur le terrain.

Dans la prolongation de la réunion de Bonn, les quinze pays membres du groupe de soutien à l’Afghanistan vont se retrouver, mercredi 5 décembre, à Berlin, pour une conférence de deux jours. Ils examineront la situation humanitaire des populations dans le pays et des réfugiés afghans dans les Etats limitrophes. Un plan d’aide devrait être mis au point pour parer à l’urgence humanitaire alors que l’hiver a commencé et pour aider la reconstruction du pays. La conférence de Berlin aura lieu en présence des représentants des principales institutions internationales chargées de l’aide humanitaire : Comité international de la Croix Rouge, Programme des Nations unies pour le Développement, Haut commissariat aux réfugiés, qui a déjà élaboré un plan d’action régional d’un coût de plus de 180 millions de dollars.



par Valérie  Gas

Article publié le 04/12/2001