Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Afghanistan

Reddition des Taliban

Le régime des Taliban n’est plus. Leur dernier bastion, la région de Kandahar, s’est rendu jeudi après-midi, à l’issue de longues négociations entre une délégation de Taliban et des représentants pachtounes du tout nouveau chef de gouvernement issu de l’accord de Bonn, Hamid Karzaï, un royaliste qui remporte ainsi une importante victoire politique face à la coalition du Nord au pouvoir à Kaboul depuis la chute de la capitale.
La reddition du mollah Omar et de ses milices islamistes ressemble à une «transition négociée » presque à l’amiable entre «anciens combattants» pachtounes qui ont autrefois partagé la lutte contre le pouvoir «communiste» de Najibullah et l’envahisseur soviétique plus de dix ans durant. Cette reddition a permis en tout cas d’éviter un autre bain de sang à un pays plus que jamais réduit en ruines.

Un haut responsable taliban a confirmé que la milice intégriste avait accepté de déposer les armes et de transférer son autorité à des chefs tribaux à Kandahar, son dernier grand bastion du sud de l'Afghanistan. Cet accord implique que "les Talibans doivent remettre Kandahar de manière pacifique à des anciens" de cette région et que "la vie et la sécurité" de tous les Talibans et de leurs dirigeants soient "garanties", a déclaré Abdul Salam Zaeef, l'ancien ambassadeur des Talibans au Pakistan.

L’accord de Bonn déjà contesté

Quelques heures à peine avant l’annonce de la reddition de Kandahar, deux chefs antitaliban avaient officiellement critiqué l’accord de Bonn sur la formation d’un gouvernement transitoire qui devrait entrer en fonction le 22 décembre prochain. Mais la grogne exprimée séparément par l’ouzbek Abdul Rashid Dostom, le maître incontesté de Mazar-i-Sharif et le royaliste pachtoune Sayed Ahmani Gailani, qui fait figure de chef spirituel de la communauté pachtoune, ne semblent pas être le fruit d’une contestation concertée du gouvernement de transition issu des pourparlers de Bonn. Dostom comme Gailani ont pris soin de préciser que leur démarche ne visait pas à déstabiliser la démarche des Nations unies ou la leadership de Hamid Karzaï.

« Nous annonçons notre boycott du gouvernement. Nous n’irons pas à Kaboul tant qu’un gouvernement juste ne sera pas installé » a déclaré le général Dostom, avant de préciser qu’il ne faut « en aucun cas interpréter cette décision comme un refus du processus des Nations Unies ». Et Dostom d’ajouter tout de même : « Comme nous, il y a d’autres amis comme (le dirigeant chiite hazara Karim) Khalil qui ont aussi des objections à faire valoir ». En réalité, Dostom, qui contrôle le nord-ouest du pays ainsi que la plupart des ressources pétrolières de l’Afghanistan, a qualifié de « humiliation » la décision de ne pas confier à sa faction, le Junbishi-i-Milli, le porte-feuille des Affaires étrangères. Il a précisé que son opposition au nouveau gouvernement n’était pas liée à un problème de représentation ethnique des Ouzbeks (6% du pays), mais plutôt au fait que le rôle, selon lui crucial, joué par son parti dans la guerre contre les Taliban n’ait pas été assez pris en compte.

De son côté Gailani a déploré « les injustices » subies par son clan dans la répartition des postes ministériels. Ceux qui avaient joué un rôle important dans le djihad (contre les Soviétiques) n’ont pas été représentés ». Il a toutefois annoncé que son parti, le Front national islamique, participera à la Loya Jirga (assemblée traditionnelle) « afin que dans les phases suivantes les choses se règlent ». En fait, Gailani n’est pas du tout content que sa belle-fille, présente à Bonn aux côté de son fils Hamed, n’ait pas été retenue parmi les femmes qui font partie du premier gouvernement post-taliban. Autant dire que l’après-Taliban a déjà commencé. A l’afghane.




par Elio  Comarin

Article publié le 06/12/2001