Afghanistan
Karzaï, un chef pachtoune très diplomate
Nationaliste, royaliste et pro-américain, le nouveau chef de gouvernement intérimaire est un «seigneur de la guerre» pachtoune modéré qui a déjà montré qu’il sait régler les problèmes les plus difficiles… à l’afghane.
Chef, depuis 1999, de la tribu Popalzaï du clan pachtoune des Durrani, Hamid Karzaï est à 44 ans seulement la figure centrale de la nouvelle classe politique afghane, non seulement parce qu’il a été choisi par toutes les composantes politiques des anti-Taliban comme chef de gouvernement intérimaire, mais aussi parce qu’il a réussi à négocier avec les milices talibanes la reddition de Kandahar. Une ville qui est à la fois leur bastion traditionnel et sa ville natale. A 44 ans, il devient ainsi le chef de file d’une nouvelle génération de leaders afghans, tous âgés d’une quarantaine d’années, qui s’installent progressivement au pouvoir, dans une certaine confusion.
Car, si les tadjiks Abdullah et Qanooni sont à Kaboul, l’ouzbek Dostom est à Mazar-i-Sharif et le tadjik Khan à Herat, le chef de gouvernement intérimaire Karzaï se trouve quant à lui toujours à Kandahar, avec la plupart des fonctionnaires d’un gouvernement dirigé jusque là par le mollah Omar, et qui avait fait de cette ville historique la capitale politique du pays. Autant dire que le nouveau «premier» aura besoin de tout son savoir-faire pour persuader des ministres qui continuent de tenir des propos assez contradictoires à travailler ensemble, ne serait-ce que six mois durant.
Un pro-américain proche des milieux pétroliers
Après avoir fait ses études à Kaboul, Hamid Karzaï, membre éminent d’une influente famille royaliste, poursuit sa formation en Inde, à l’université de Simla. Durant les années 80 et la longue occupation militaire soviétique, il vit à au Pakistan, à Peshawar mais aussi à Quetta, aux côtés de son père Abdoul Ahad mais aussi à l’ombre d’un grand-père qui avait été président du Conseil national en place sous le règne de Zaher Shah, jusqu’en 1973. En 1982 Hamid Karzaï rejoint la résistance anti-soviétique, en tant que directeur des opérations du Front de libération national afghan, mais milite toujours en faveur du retour de l’ancien roi exilé à Rome. Ce qui lui permet, en 1992, de devenir vice-ministre des Affaires étrangères, au lendemain de la chute du régime de Najubullah.
Ecoeuré par les luttes de pouvoir qui éclatent aussitôt entre moudjahiddine, Hamid Karzaï préfère démissionner. Et, dès 1994, lorsque les Taliban commencent leur lente progression vers Kaboul avec l’aide pakistanaise et américaine, il pense que c’est la seule manière de mettre fin à une guerre civile qui a fait plus de 50.000 morts et réduit Kaboul en ruines. Il est prêt à collaborer avec le nouveau régime en 1996, pour représenter ses pachtounes, mais n’accepte finalement pas d’être le représentant à l’ONU d’un nouveau pouvoir qui bénéficie pourtant de l’appui de Washington. Ce nationaliste intransigeant demeure certes très proche des Américains, mais ne peut accepter la mainmise pakistanaise , et notamment des tout puissants services secrets d’Islamabad, sur le nouveau régime, et encore moins l’ambiguïté du mollah Omar vis-à-vis des «Arabes» et autres étrangers qui deviennent peu à peu partie intégrante du régime.
C’est en 1999 que Hamid Karzaï coupe définitivement tous les ponts avec les Taliban, lorsque son père est assassiné à Quetta, par des sicaires envoyés par Kaboul, selon lui. Il prend alors la succession de son père à la tête des Popalzaï, travaille toujours pour le retour de Zaher Shah, mais noue aussi des liens étroits et directs avec Washington, qui rêve surtout de mettre la main sur les gisements pétroliers et gaziers de l’Asie centrale. Il devient ainsi conseiller de la compagnie américaine Unocal, chargée de la mise en place d’un pipeline allant du Turkmenistan au Pakistan, en passant par l’Afghanistan, au moment même où les milieux pétroliers américains ne se font plus d’illusions sur les Taliban et jouent désormais la carte de l’Alliance du Nord tout en cherchant à « retourner » des chefs pachtounes originaires du sud, tels que Abdoul Haq.
Celui-ci, après avoir tenté de soulever des populations pachtounes contre le mollah Omar, est exécuté peu après son entrée sur le territoire afghan. Quelques semaines plus tard, la même opération est tenté avec Hamid Karzaï. Celui-ci risque de connaître le même sort qu’Abdoul Haq, mais est sauvé in extremis par un hélicoptère américain. Ce que dément par la suite la famille Karzaï, mais que confirme bien Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense.
Au lendemain de la chute de Kaboul entre les mains de l’Alliance du Nord, Karzaï regagne vite le sud de l’Afghanistan à la tête de ses milices, et s’installe d’abord dans la ville de Uruzgan, après avoir «retourné» les chefs pachtounes locaux. Il tente ensuite la même opération avec Kandahar. Avec l’aide déterminante de l’armée américaine, qui bombarde sans cesse le dernier bastion des Taliban. Il échappe de peu à une bombe américaine, au lendemain de sa nomination, à Bonn, à la tête du nouvel exécutif intérimaire, mais obtient peu après un cessez-le-feu à Kandahar et une reddition des milices des Taliban suffisamment ambiguë pour qu’elle puisse être acceptable par le mollah Omar comme par Donald Rumsfeld. Un exploit qui relève du miracle diplomatique.
Car, si les tadjiks Abdullah et Qanooni sont à Kaboul, l’ouzbek Dostom est à Mazar-i-Sharif et le tadjik Khan à Herat, le chef de gouvernement intérimaire Karzaï se trouve quant à lui toujours à Kandahar, avec la plupart des fonctionnaires d’un gouvernement dirigé jusque là par le mollah Omar, et qui avait fait de cette ville historique la capitale politique du pays. Autant dire que le nouveau «premier» aura besoin de tout son savoir-faire pour persuader des ministres qui continuent de tenir des propos assez contradictoires à travailler ensemble, ne serait-ce que six mois durant.
Un pro-américain proche des milieux pétroliers
Après avoir fait ses études à Kaboul, Hamid Karzaï, membre éminent d’une influente famille royaliste, poursuit sa formation en Inde, à l’université de Simla. Durant les années 80 et la longue occupation militaire soviétique, il vit à au Pakistan, à Peshawar mais aussi à Quetta, aux côtés de son père Abdoul Ahad mais aussi à l’ombre d’un grand-père qui avait été président du Conseil national en place sous le règne de Zaher Shah, jusqu’en 1973. En 1982 Hamid Karzaï rejoint la résistance anti-soviétique, en tant que directeur des opérations du Front de libération national afghan, mais milite toujours en faveur du retour de l’ancien roi exilé à Rome. Ce qui lui permet, en 1992, de devenir vice-ministre des Affaires étrangères, au lendemain de la chute du régime de Najubullah.
Ecoeuré par les luttes de pouvoir qui éclatent aussitôt entre moudjahiddine, Hamid Karzaï préfère démissionner. Et, dès 1994, lorsque les Taliban commencent leur lente progression vers Kaboul avec l’aide pakistanaise et américaine, il pense que c’est la seule manière de mettre fin à une guerre civile qui a fait plus de 50.000 morts et réduit Kaboul en ruines. Il est prêt à collaborer avec le nouveau régime en 1996, pour représenter ses pachtounes, mais n’accepte finalement pas d’être le représentant à l’ONU d’un nouveau pouvoir qui bénéficie pourtant de l’appui de Washington. Ce nationaliste intransigeant demeure certes très proche des Américains, mais ne peut accepter la mainmise pakistanaise , et notamment des tout puissants services secrets d’Islamabad, sur le nouveau régime, et encore moins l’ambiguïté du mollah Omar vis-à-vis des «Arabes» et autres étrangers qui deviennent peu à peu partie intégrante du régime.
C’est en 1999 que Hamid Karzaï coupe définitivement tous les ponts avec les Taliban, lorsque son père est assassiné à Quetta, par des sicaires envoyés par Kaboul, selon lui. Il prend alors la succession de son père à la tête des Popalzaï, travaille toujours pour le retour de Zaher Shah, mais noue aussi des liens étroits et directs avec Washington, qui rêve surtout de mettre la main sur les gisements pétroliers et gaziers de l’Asie centrale. Il devient ainsi conseiller de la compagnie américaine Unocal, chargée de la mise en place d’un pipeline allant du Turkmenistan au Pakistan, en passant par l’Afghanistan, au moment même où les milieux pétroliers américains ne se font plus d’illusions sur les Taliban et jouent désormais la carte de l’Alliance du Nord tout en cherchant à « retourner » des chefs pachtounes originaires du sud, tels que Abdoul Haq.
Celui-ci, après avoir tenté de soulever des populations pachtounes contre le mollah Omar, est exécuté peu après son entrée sur le territoire afghan. Quelques semaines plus tard, la même opération est tenté avec Hamid Karzaï. Celui-ci risque de connaître le même sort qu’Abdoul Haq, mais est sauvé in extremis par un hélicoptère américain. Ce que dément par la suite la famille Karzaï, mais que confirme bien Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense.
Au lendemain de la chute de Kaboul entre les mains de l’Alliance du Nord, Karzaï regagne vite le sud de l’Afghanistan à la tête de ses milices, et s’installe d’abord dans la ville de Uruzgan, après avoir «retourné» les chefs pachtounes locaux. Il tente ensuite la même opération avec Kandahar. Avec l’aide déterminante de l’armée américaine, qui bombarde sans cesse le dernier bastion des Taliban. Il échappe de peu à une bombe américaine, au lendemain de sa nomination, à Bonn, à la tête du nouvel exécutif intérimaire, mais obtient peu après un cessez-le-feu à Kandahar et une reddition des milices des Taliban suffisamment ambiguë pour qu’elle puisse être acceptable par le mollah Omar comme par Donald Rumsfeld. Un exploit qui relève du miracle diplomatique.
par Elio Comarin
Article publié le 07/12/2001