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Côte d''Ivoire

Alassane Ouattara: «<i>je prends la Nation à témoin</i>»

Le leader du Rassemblement des républicains répond aux questions de RFI Internet, après son intervention devant le Forum de réconciliation nationale. Alassane Ouattara s’explique notamment sur sa nationalité, justifie sa demande de nouvelles élections législatives et présidentielle, et annonce son retour définitif en Côte d’Ivoire.
RFI : Vous vous êtes exprimé samedi devant le Forum de réconciliation nationale. Avant d’en venir à vos déclarations, revenons sur votre décision de faire le voyage d’Abidjan. Pourquoi ce choix, alors que vous n’aviez pas obtenu des autorités ivoiriennes le nouveau certificat de nationalité que vous réclamiez ?

Alassane Dramane Ouattara :
Plusieurs raisons. D’abord, vous savez que plusieurs chefs d’Etat ont été en contact avec nous, que ce soit le président Wade du Sénégal, le président Eyadema du Togo, le président Kerekou du Bénin, le président Bongo du Gabon. Tous ont estimé, après l’intervention du président Gueï et compte tenu de la fragilité de la situation socio-politique en Côte d’Ivoire, qu’il était important que je puisse participer pour que les Ivoiriens aient tout de même les points de vue des quatre leaders politiques. En plus de cela, le président du Forum avait été en contact étroit avec moi et je sais qu’il continue de déployer tous les efforts nécessaires pour régler le problème de ce certificat de nationalité. Enfin, mon parti m’a invité, compte tenu de l’ambiance générale dans le pays après l’intervention du général Gueï, à venir dire ma part de vérité. J’ai bien sûr aussi pris en considération mes compatriotes.

RFI : En dehors des raisons que vous avancez, vous n’avez pas obtenu de concession particulière du président Gbabgo, dans les jours précédant votre retour ?

A.D.O :
Pas pour le moment. Ce sont les raisons que j’ai indiquées qui m’ont amené à prendre la décision de participer.

«Il nous faut créer une véritable transition civile»

RFI : L’un des temps forts de votre intervention ce sont ces nouveaux éléments que vous avez présentés au Forum, dont vous espérez qu’ils mettront un terme à la polémique sur votre nationalité. Quelles suites faut-il en attendre ? Une décision politique, judiciaire, ou, comme le souhaite le pouvoir, la désignation d’une commission d’enquête internationale ?

A.D.O :
La question est totalement politique. En fait, en montrant ces preuves, je voulais démontrer que la question n’est pas juridique mais qu’elle est politique. Le code de la nationalité est très précis en Côte d’Ivoire. Est ivoirien tout enfant né d’un parent ivoirien. On mettait en doute la nationalité de mon père. Donc je leur ai fourni sa carte d’identité et son premier passeport établi après l’indépendance de la Côte d’Ivoire. On mettait en doute la qualité de ma mère. Je leur ai fourni les documents concernant le test ADN, concernant sa carte d’identité, concernant le passeport de son père, donc de mon grand-père. Si le code de la nationalité est appliqué rigoureusement, il n’y a pas de problèmes. Ce sont des documents administratifs établis aussi bien pendant la période coloniale que depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Et mon souci était de bien démontrer que les autorités ne voulaient pas régler ce problème de nationalité pour des raisons politiques. Par conséquent je voulais prendre la nation à témoin.

RFI : Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour présenter les nombreux éléments de preuve que vous avez apporté au Forum ?

A.D.O :
Chaque fois que j’ai présenté des preuves, on les a contesté. Donc je voulais attendre de les montrer à la nation et non à une justice aux ordres. Certains des documents que j’ai apportés ont été présentés à la cour suprême pour ma candidature à la présidence de la République. Et malgré cela, ces documents n’ont pas été acceptés. Donc je souhaitais que les Ivoiriens jugent par eux-mêmes.

RFI : Lors de votre intervention devant le Forum de réconciliation, vous avez réclamé l’organisation de nouvelles élections législatives et présidentielle. La Côte d’Ivoire peut-elle s’offrir une nouvelle période d’incertitude politique, alors qu’elle traverse une grave crise économique ?

A.D.O :
S’il n’y a pas de règlement politique, il n’y a pas de solution économique, ou bien elle sera totalement illusoire et de courte durée. Nous pensons qu’il faut tout mettre en œuvre pour régler le problème politique. Et c’est pour cela que j’ai convié les leaders politiques à se rencontrer, à se mettre d’accord sur une plate-forme, ce que le directoire du Forum appelle un pacte républicain, permettant à la Côte d’Ivoire de prendre le temps de la transition. En fait, il nous faut créer une véritable transition civile qui permette au pays d’avoir un gouvernement d’union, d’organiser des élections propres, transparentes, équitables, qui fassent que dans six mois ou un an, le pays se trouve avec des institutions véritablement démocratiques. Le parlement actuel, tout le monde sait qu’il ne représente pas l’ensemble des Ivoiriens. Nous, nous représentons entre 35 et 40% de l’électorat et nous n’y sommes pas du tout représentés.

RFI : Mais votre parti a tout de même boycotté les dernières législatives par solidarité, après votre élimination de la course...

A.D.O :
Ce n’est pas du tout cela. Nous avions effectivement annoncé que nous allions boycotter. Ensuite, il y a eu des négociations avec le président Gbagbo, qui avait donné son accord pour un report des législatives du 10 décembre au 17 décembre. Au dernier moment, il y a eu refus. Nous avions décidé de participer, à condition qu’il y ait un report d’une semaine.

RFI : Dans l’éventualité où votre proposition serait acceptée, pensez-vous que les partenaires de la Côte d’Ivoire, qui ont déjà soutenu l'organisation des trois dernières élections, pourraient accepter de financer deux nouveaux scrutins ?

A.D.O :
Je crois qu’il y a toujours des bonnes volontés pour soutenir l’organisation d’élections transparentes et équitables. Je suis certain que l’Union européenne comme d’autres pays amis, tels que la France, apporteront leur soutien. Je considère qu’il y va de la stabilité de la Côte d’Ivoire et de la paix dans notre pays et dans la sous-région.

RFI : Il y a également cette réforme de la constitution que vous appelez de vos voeux, et en particulier ce fameux article 35, qui selon les propres termes du président Gbagbo a été fait pour vous éliminer de la course électorale. Vos détracteurs rétorquent que vous avez appelé à voter «oui» à cette loi fondamentale, lors du référendum de juillet 2000. Que leur répondez-vous ?

A.D.O :
Je répond que ceci n’est pas vrai, le texte constitutionnel d’origine avait des dispositions qui étaient conformes au code de la nationalité. Il indiquait clairement que pouvait être candidat toute personne née d’un parent ivoirien. C’est sur cette base que nous avons envoyé nos délégations pour voter «oui» à la constitution. Et quatre jours avant le référendum, alors que les délégations étaient déjà à l’intérieur du pays, le pouvoir en place, à savoir le FPI et les militaires, a modifié la constitution pour introduire cette idée que pour être candidat il fallait que la personne soit de père et de mère ivoiriens. En plus de cela, quand nos militants ont vu cette situation, beaucoup nous ont interrogé pour savoir ce qu’il fallait faire. Nous avons demandé à ce moment-là aux secrétaires nationaux de leur dire de s’abstenir. Le scrutin s’est déroulé sur deux jours et, en définitive, le taux de participation a été faible. Il y a eu quand même un taux d’abstention d’à peu près 15%. Au regard de tout cela, nous considérons que le processus a été manipulé. Le document publié au journal officiel qui a été soumis au référendum n’est pas celui pour lequel nous avons voté. Le président Gbagbo a reconnu que toute cette manipulation avait pour objectif de m’éliminer. A partir du moment où l’on sait qu’une constitution a été transformée au dernier moment pour éliminer une personne, elle n’est plus un texte de portée générale.

RFI : Toutes ces questions qui vous préoccupent, vous souhaitez les discuter avec les trois autres leaders politiques ivoiriens. Ont-ils réagi à vos propositions ?

A.D.O :
Il y a un conseil politique où les quatre grands par



par Propos recueillis par Christophe  CHAMPIN

Article publié le 04/12/2001