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Sénégal

La chute d’un «<i>golden boy</i>»

L’homme d’affaire Cheikh Tall Dioum dort en prison depuis le 29 novembre. Il est soupçonné de fraude douanière. C’est la fin d’une «success story» à la sénégalaise pour cet homme parti de rien et devenu richissime.
De notre correspondant à Dakar

Le célèbre homme d’affaires sénégalais, Cheikh Tall Dioum, actionnaire ou propriétaire de nombreuses sociétés au Sénégal a été placé le jeudi 29 novembre dernier sous mandat de dépôt et écroué à la prison centrale de Rebeuss. Il est soupçonné de fraude douanière portant sur 678 millions de francs CFA. Le montant de la fraude a été cumulé pour le compte des Nouvelles Brasseries Africaines (NBA), une fabrique de boisson non alcoolisée que Cheikh Tall Dioum avait créée et lancée en novembre 1994. L’infraction dont il est accusé porte sur l’importation de sucre par sa société pour la fabrication de boissons sucrées appelées «Lisa». Le sucre destiné aux NBA aurait été détourné et écoulé sur le marché à d’autres fins.

Cheikh Tall Dioum a nié les motifs de son inculpation devant le juge d’instruction. Il a refusé en conséquence la transaction qui selon le code des douanes sénégalais, porte sur 10 fois le montant de la fraude soit la coquette somme de 6785 milliards de francs CFA. Son refus lui vaut de dormir en prison avec le risque d’une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans. Triste fin de parcours pour celui que certains milieux dakarois surnomment «le Golden Boy».

Né à louga, une région au nord du Sénégal, il y a quarante neuf ans, polygame et illettré, Cheikh Tall Dioum, souvent décrit comme un ambitieux et un habile homme d’affaires, a très vite gravi les échelons du «business». Ayant débuté dans la bijouterie où il avait injecté cinq cent millions de francs CFA, Cheikh Tall Dioum s’est par la suite lancé dans l’alimentaire en fabriquant les fameuses boissons «Lisa» vendues à cent francs la bouteille et les glaces «Riko».

Un partenariat d’affaires avec Youssou Ndour

Le «golden boy» aura été à l’origine d’un investissement de trois milliards de francs CFA dans l’industrie agroalimentaire. Sur cette somme, 2,4 milliards dont 15% prêtés par le Fonds de promotion économique (FPE) ont été investis dans les Nouvelles brasseries africaines. Déjà ce prêt du (FPE) placé sous l’autorité du premier ministre d’alors Habib Thiam présenté comme un des ses parents, avait défrayé la chronique. Le restant de la somme des 3 milliards, c’est à dire environ 650 millions a été destiné à la fabrique des Glaces «Riko». Aujourd’hui Cheikh Tall Dioum ne fait que constater l’échec de son irruption dans l’industrie alimentaire, NBA et «Riko» s’étant écroulés.

Sentant venir cet échec, Cheikh Tall Dioum s’est intéressé à l’industrie culturelle. En partenariat avec le célèbre chanteur Youssou Ndour, il a placé des actions d’un montant de 400 millions de francs CFA dans la création d’une société du nom de «Dakar Loisirs Club» qui gère la Thiossane, la célèbre et très huppée boite de nuit dakaroise ou se produisent souvent Youssou Ndour et son orchestre le Super-Etoile de Dakar. Pour, comme il l’a affirmé lui même, gagner d’avantage d’argent, Cheikh Tall Dioum a ajouté une autre corde à son arc: la presse.

Dans ce secteur il a énormément investi depuis 1977 en s’associant à d’autres partenaires parmi lequel on retrouve toujours le célèbre roi du Mbalax, Youssou Ndour. Aujourd’hui, il est actionnaire du groupe Com 7 qui édite les quotidiens «TRACT», «Info 7», «Le Populaire». La station de radio «7 FM» fait partie également du groupe Com 7 dont il assure la présidence. Son nom est aussi avancé dans le contrôle de la nouvelle société dite PRADAL qui édite 2 quotidiens, «La Pointe» et le «Volcan» et un hebdomadaire, «Le Terminal». Cheikh Tall Dioum dispose en outre d’une imprimerie à travers le groupe Com 7 et envisage la création d’une agence de distribution de presse et d’une chaîne de Télévision Privée.

Cette boulimie pour l’édition lui aura valu le surnom de «Hersant sénégalais». On le sait, le défunt magnat de la presse française avait souvent des démêlés avec la justice de son pays, souvent pour infraction à la loi sur la concurrence et pour des situations de monopole. Cheikh Tall Dioum, lui, a commis des délits de fraudes douanières et se trouve aujourd’hui dans le collimateur de la justice. Cheikh Tall Dioum, dont on dit qu’il accumule des dettes s’élevant à 11 milliards de francs CFA, intéresse aussi la division des investigations criminels (la DIC) qui aimerait bien l’entendre, dit–on, sur d’autres affaires.



par A Dakar, Pape  TOURE

Article publié le 09/12/2001