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Sénégal

Casamance: la rébellion minée par les divisions

Les assises du MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance) qui viennent de se tenir à Banjul en Gambie ont été marquées par la mise en «pré-retraite» de l'abbé Diamacoune et la persistance des divisions nord-sud au sein du mouvement rebelle.
De notre correspondant au Sénégal

A 73 ans, l'abbé Diamacoune souhaite prendre du recul. C'est pourquoi le leader charismatique du MFDC (Mouvement des forces démocratiques de Casamance) a choisi d'occuper désormais le poste de président honoraire du mouvement rebelle. C'est la décision la plus spectaculaire prise par le MFDC lors de ses assises qui viennent de se tenir à Banjul en Gambie. Mais au delà du changement d'homme à la tête du mouvement, ces assises ont confirmé que les rivalités pour le leadership ont gangrené la cohésion du mouvement.

Les rivalités recoupent en fait la fracture entre le nord (Bignona) et le sud (le Kassa-Ziguinchor) de la Casamance. A grands traits, le nord, généralement musulman, est plus hétéroclite du point de vue de la composition de sa population, alors que le sud, plus homogène est à dominante chrétiens et animistes. Le sud, plus radical dans sa lutte contre le pouvoir, a toujours considéré que le nord n'était pas «sûr», d'où une forte suspicion. Suspicion confirmée quand en 1993, le Front nord, signe un accord de paix avec le gouvernement du Sénégal et dépose les armes. Accusés de trahison par le Front sud, les «repentis» commencent dès lors à collaborer activement avec les autorités de Dakar moyennant un certain nombre d'avantages. Les anciens combattants se voient ainsi accorder le financement d'un certain nombre de projets qui vont du maraîchage à des boulangeries en passant par des télécentres (cabines téléphoniques payantes). En somme le «prix du dépôt des armes», ou encore le «prix de la réinsertion». Sidy Badji, lui-même, fondateur de la branche armée du MFDC, est alors logé et nourri à Ziguinchor aux frais de l'Etat.

Accusations de trahison et meurtres

Le sud y voit la confirmation de la «trahison» du Front nord ce qui accentue davantage la rupture. Dès lors, les différents rounds de négociations apparaissent comme un saupoudrage, puisque tous les accords signés sont dénoncés le lendemain par le Front sud en intensifiant son harcèlement contre l'armée sénégalaise et contre certains villages. Face à cette situation, l'abbé Diamacoune reste impuissant sachant que ni ses hommes, ni l'armée du reste, ne respecteront les accords. Mais il lui faut alors sauver les apparences et ne pas donner l'image d'un va-t-en-guerre aux yeux de l'opinion nationale et internationale.

A ces rivalités nord-sud, s'ajoute la crise du maquis opposant celui qui s'était de longue date autoproclamé chef d'état-major du maquis, Salif Sadio, à celui que l'abbé Diamacoune avait pour sa part désigné, Léopold Sagna. S'ensuivent des accusations de trahison et même de meurtres froidement commis contre les partisans de Léopold Sagna.

Le général Ansumana Mané, l'ex-tombeur de Nino Vieira, en Guinée Bissau, aggrave la crise en faisant de Salif Sadio, son dauphin dans le maquis. Il est vrai que le MFDC avait joué un grand rôle dans la victoire de Mané contre Vieira. La mort du général, va donc sonner le début de la fin de Salif, puisque depuis décembre 2000, il est traqué par la faction qui se dit «loyaliste», c'est-à-dire fidèle au vieux prélat, Diamacoune. Cette traque s'est traduite pour Salif par la perte de l'ensemble des ses bases et même de l'état-major du maquis. Aujourd'hui, il est en fuite (ou mort) et activement recherché par les loyalistes qui ont reconstitué une «direction collégiale provisoire» dirigée par un certain Atout Badiane, un «vieux de la vieille» qui n'est jamais sorti du maquis depuis 20 ans. Léopold Sagna et sa direction, qui avaient été pris en otage par Salif sont portés disparus. Morts ou retenus prisonniers pour des négociations ultérieures.

Au terme des assises de Banjul, la nouvelle configuration du bureau politique du MFDC risque de créer plus de problèmes qu'il n'en résoudra. En effet, quatre de ses membres, dont le nouveau secrétaire général, Jean Marie Biagui, vivent à l'étranger et ne sont pas ou peu connus des combattants du maquis. Deux, dont Sidy Badji sont originaires du nord et font partie des "repentis" qui ont déposé les armes en 1993. On voit mal alors comment ces dirigeants pourraient imposer leur autorité, à moins d'avoir le soutien de Diamacoune.



par Demba  Ndiaye

Article publié le 16/08/2001