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Sénégal

«Wade a bénéficié du vote utile»

Les résultats provisoires des législatives du 29 avril, confirment la victoire de la «coalition sopi», formée autour du PDS d'Abdoulaye Wade, qui devrait obtenir environ 90 députés sur les 120 que compte le parlement sénégalais. Pour Demba N'Diaye, chef du service politique de Sud Quotidien, l'un des principaux journaux sénégalais privés, cette victoire est avant tout celle du chef de l'Etat.
RFI : Comment analysez-vous le raz-de-marée électoral de la «coalition sopi» ?
Demba N'Diaye : Cette victoire est plus celle d'Abdoulaye Wade que celle de la coalition sopi. La première explication, c'est que les raisons pour lesquelles les Sénégalais avaient voté pour Wade, le 19 mars 2000 à la présidentielle, sont toujours là. Il y a la demande sociale. L'emploi, la santé, l'éducation, tout dans ce pays est quasiment à refaire, après quarante années de gestion socialiste. Wade leur a lancé un défi pendant la campagne. Il leur a dit : «si vous voulez que ce pays change, donnez-moi une majorité à l'Assemblée nationale qui me permettra de ne pas être dépendant de coalitions, de combinaisons, avec tout ce que cela implique comme fragilité pour le pouvoir ». Je crois que les gens ont réfléchi et se sont dit que le chef de l'Etat n'a eu qu'un an, ce qui n'est pas suffisant pour mener sa politique.

RFI : En même temps, le parti au pouvoir obtient beaucoup plus que la majorité nécessaire pour gouverner. Comment en est-on arrivé là ?
D.N. : C'est la grande surprise. Aucun analyste ou politologue n'avait prévu un tel score. Il était évident qu'il y avait la possibilité d'une majorité, mais pas à ce niveau. Je crois que les Sénégalais se sont dit que s'ils éparpillaient leurs voix, les trois formations dites social-démocrates - le PS, l'AFP et l'URD û auraient pu constituer une majorité et prendre le président en otage. On aurait assisté au retour du Parti socialiste au parlement, alors qu'ils l'avaient chassé à la présidentielle. Ils ont donc confirmé le rejet des partis à tendance socialiste et préféré un vote utile.

«Une dynamique présidentielle»

RFI : Le plus surprenant est que même l'électorat rural, traditionnellement captif du PS, a également voté largement contre la mouvance socialiste. Est-ce l'effet d'une dynamique présidentielle ?

N.D. : Il y a cette dynamique présidentielle. Mais il faut voir que, depuis un an, ceux qu'on appelait les barons, où les porteurs de voix socialistes dans cet électorat on quasiment tous rejoints le PDS. Et comme il s'agit d'un vote de fidélité, ils ont amené l'électorat avec eux. Le deuxième élément est que tout le monde depuis un an estime que le PS est fini. Le départ de Diouf, depuis douze mois à Paris, a accrédité l'idée que le bateau allait sombrer. Donc il y a eu une sorte de sauve-qui-peut, qui a d'abord été le fait des cadres intellectuels du PS, puis des barons socialistes qui dans les villages, donnent la direction du vote. Traditionnellement, les socialistes avaient une majorité écrasante dans les campagnes. Or c'est cela qui a changé, puisque sur les trente départements, le PS n'en conserve qu'un.

RFI : Une majorité aussi forte constitue-t-elle un danger pour la démocratie sénégalaise, comme l'on souligné les partis de la mouvance socialiste ?

N.D. : Personnellement, cela ne m'inquiète pas. Soit on dit que le peuple a été idiot et a fait le mauvais choix. Soit on dit qu'il a fait le choix qu'il voulait en donnant la majorité à une coalition ou à un nom. Ensuite, il faut bien comprendre que la «coalition sopi», c'est quarante partis. Donc il n'y pas que le PDS, même s'il est le mastodonte de cette coalition. On aura donc pas un parlement totalement monocolore. Il y aura au moins sept partis membres de cette majorité présidentielle. Mais Wade sait aussi qu'il a là un cadeau empoisonné, parce que désormais, il n'a plus aucune raison de ne pas satisfaire les promesses qu'il a faites au peuple.

RFI : Cela veut-il dire qu'il n'y aura pas d'état de grâce ?
N.D. : Il aura en entre six mois et un an d'état de grâce, parce que nous allons vers l'hivernage, c'est les cultures, beaucoup de gens qui sont dans les villes qui rentrent dans les campagnes pour cultiver et rejoindre la famille. Nous avons les vacances scolaires. En général, le baromètre ce sont les élèves, les étudiants et les enseignants. Comme ils sont en vacance pendant trois mois, il ne risque pas d'y avoir trop de mouvements. Mais à la rentrée, c'est à dire en octobre-novembre, si les élèves et les étudiants retrouvent les mêmes problèmes qu'il y a un an, ils vont commencer à ruer dans les brancards. Même chose pour les enseignants, le secteur de la santé et bien d'autres secteurs encore.



par Propos recueillis par Christophe  CHAMPIN

Article publié le 03/05/2001