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Côte d''Ivoire

Les conclusions du Forum de réconciliation

Le directoire du Forum de réconciliation nationale vient de remettre ses conclusions au président Gbagbo. Au terme de deux mois de débats, il souhaite, entre autres, clore la polémique sur la nationalité d’Alassane Ouattara, tout en reconnaissant la légitimité du pouvoir actuel. La classe politique est quasi-unanime pour saluer ces recommandations.
C’est fait. Les responsables du Forum de réconciliation nationale ivoirien ont remis officiellement, ce jeudi matin, un rapport de synthèse et leurs recommandations au président Laurent Gbagbo. Deux mois après l’ouverture de la grand messe censée mettre fin aux tensions socio-politiques en Côte d’Ivoire, ses conclusions étaient on ne peut plus attendues. Le directoire du Forum propose ses solutions à nombre de questions brûlantes. A commencer par l’interminable querelle sur la citoyenneté d’Alassane Ouattara. «Au nom de la Nation, au vue des documents qui lui ont été présentés, le directoire du Forum recommande aux autorités judiciaires compétentes de délivrer à monsieur Ouattara un certificat de nationalité conformément aux lois et règlements en vigueur», a déclaré l’un des porte-parole du Forum.

Ce dernier justifie cette proposition en évoquant le fait que «les participants au Forum ont tous admis la nécessité d’un règlement définitif» de cette question. C’est, en tous cas, le voeu qu’avaient émis dans leurs interventions les trois principaux adversaires du leader du Rassemblement des républicains (RDR), y compris l’ex-chef de la junte Robert Gueï, qui avait pourtant tout fait pour l’écarter de la course à la présidentielle 2000. Le directoire estime, d’autre part, que «la fracture politique et sociale dont souffre aujourd’hui la Côte d’Ivoire trouve fondamentalement sa cause dans les controverses sur la nationalité d’Alassane Ouattara [et] que la persistance de cette fracture est de nature à compromettre l’unité nationale, le développement économique et social, et l’avenir de la nation

«Maintien de la constitution en l’état»

Si les responsables du Forum ont voulu clore le débat sur ce sujet, ils préconisent le «maintien de la constitution en l’état». D’après le rapporteur général du Forum, Yed Isaï Angoran, la loi fondamentale a été acceptée par tous les partis politiques et «largement» approuvée par les citoyens, lors du référendum de juillet 2000. En fait, le Forum ne ferme pas la porte à un toilettage en réclamant la création d'un «comité de juristes» pour «harmoniser certaines dispositions en vue d'une meilleure compréhension de la loi fondamentale». Le mouvement d'Alassane Ouattara souhaitait, en effet, la modification du fameux article 35 de la constitution, qui avait permis l’exclusion de son leader de la dernière élection présidentielle.

En revanche, le directoire du Forum se prononce clairement sur le processus électoral, entamé avec l'élection présidentielle du 22 octobre 2000, et contesté par plusieurs adversaires du président Gbagbo, lors des débats, en particulier par Alassane Ouattara. Dans la première de ses quatorze recommandations, le directoire souligne la nécessité de «l'acceptation par tous des résultats des différentes élections générales et la reconnaissance des pouvoirs publics ivoiriens issus de ces élections, en vue d'une meilleure stabilité» des «institutions républicaine et d'une paix sociale durable».

Le document final condamne, en outre, «dans le principe comme dans la forme», le coup d’Etat du 24 décembre 1999, qui avait amené au pouvoir le général Gueï et contraint à l’exil le successeur d’Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié. D’après le rapporteur, les dix mois de transition militaire ont «constitué pour tous une épreuve très dure sur le chemin de la construction de l’unité nationale» et «a engendré une catastrophe politique, économique et sociale».

Le directoire revient également sur le charnier de Yopougon, un quartier populaire où 57 corps avaient été retrouvés à la suite des affrontements des 25 et 26 octobre 2000, consécutifs à l'élection présidentielle. Alors que les gendarmes soupçonnés d'être impliqués dans cette affaire ont été acquittés par la justice militaire, le Forum réclame la réouverture de ce dossier hautement controversé, «à la lumière des faits nouveaux pour mieux situer les responsabilités et éclairer l'opinion publique». Il incite toutefois au pardon dans «un soucis de pacification des esprits» pour «toutes les infractions en relation étroite avec les événements (violences politiques) et de prendre conformément à la réglementation en vigueur des mesures d'amnistie, des mesures de grâce ou toute autre mesure propre à traduire dans les faits son pardon à ceux qui ont sollicité la clémence de la nation». Le Forum propose enfin une «révision du code de la nationalité» pour une «cohabitation harmonieuse» entre le communautés ivoiriennes et immigrées.

Reste maintenant à savoir ce que le chef de l’Etat ivoirien fera de ces recommandations, par nature non-contraignantes. Selon son entourage, le rapport final satisfait assez largement ses attentes, de même que les états majors des partis de ses adversaires, jusqu'ici quasi-unanimes pour saluer les propositions du directoire. En clair, c’est un Laurent Gbagbo comblé, après une visite privée jugée «réussie» dans la capitale française du 6 au 11 décembre, qui dévoilera ses positions lors de la clôture officielle du Forum, en début de semaine prochaine.



par Christophe  Champin

Article publié le 13/12/2001