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Argentine

Le gouvernement promet la fin de l’impunité

Parmi les premières mesures adoptées par les nouvelles autorités argentines figure l’annulation d’un décret stipulant que le pouvoir s’opposerait à toute demande d’extradition
des militaires poursuivis pour violation des droits de l’homme pendant la dictature (1976-1983).
Le nouveau secrétaire d’Etat à la justice Alberto Zuppi a fait savoir qu’il entendait ne pas permettre «l’impunité». Cette décision a été prise au moment où le pays, en cessation de paiement, a plus que jamais besoin de l’aide de la communauté internationale.
Reste qu’il s’agit d’un changement de position radical dont Me Sophie Thonon, avocate des familles de Français disparus pendant la dictature, entend bien profiter.
RFI : Comment les familles de disparus français ont-elles accueilli ce changement de position du gouvernement argentin ?

Sophie Thonon :
Les familles de disparus français ont toutes un très long combat derrière elle. Un combat marqué par l’espoir, l’amertume, la déception. Aujourd’hui, elles se retrouvent dans une phase d’espérance.
Les déclarations du pouvoir exécutif argentin ont enclenché une nouvelle dynamique. C’est un moment favorable dont il nous faut profiter.

RFI : Où en sont les poursuites engagées en France contre des militaires argentins ?

ST :
Le dossier de la dictature argentine est encore dans une phase d’instruction en raison du grand nombre de cas de disparus.
Dans l’affaire Claudet-Fernandez (franco-chilien disparu à Buenos Aires le 1er novembre 1975 dans le cadre du plan Condor), instruite avec le dossier chilien, la procédure est presque arrivée à son terme. La détention demandée contre le colonel Ribeiro, qui à l’époque était le responsable du service de renseignement de l’armée argentine, a été accordée. Il a été arrêté le 17 décembre, et, selon les règles du droit international, la France dispose maintenant d’un délais de 40 jours pour demander son extradition. Il paraît à peu près certain que cette demande sera formulée.

RFI : Quelles perspectives la décision du ministre de la justice argentine ouvre-t-elle dans le cas d’Alfredo Astiz, l’un des tortionnaires les plus redoutés de la dictature, condamné en France pour la disparition de deux religieuses ?

ST :
Astiz est toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt international mais jusqu’à présent, l’Argentine a toujours rejeté les demandes d’extradition au nom du principe de souveraineté.
Au mois d’août dernier, Astiz avait été arrêté à la demande de l’Italie et de la France, où il a été condamné par contumace à la réclusion à perpétuité. Mais les autorités judiciaires ne sont pas allées au bout de la procédure : l’extradition a été refusée et Astiz a été remis en liberté. Aujourd’hui, il faut à nouveau demander son arrestation et formuler une demande d’extradition. Mais, bien sûr, tant qu’Astiz ne sera pas entre les murs de la cour d’assise, la vigilance restera de mise.

RFI :Les autorités argentines ont longtemps cherché à assurer l’impunité pour les militaires compromis pendant la dictature. Où en est-on aujourd’hui ?

ST :
La situation a beaucoup évalué. En 1986 et 87, deux lois d’amnistie avaient été édictées : celle du Point final, qui donnait un délai de 60 jours pour les derniers dépôts de plainte, et la loi de l’Obéissance due, qui a permis à tous les militaires argentins de s’exonérer en affirmant qu’ils n’avaient fait qu’obéir aux ordres. La seule exception à ces deux lois concernait l’enlèvement et l’altération d’identité des enfants mineurs.
Les choses ont changé début 2001 quand le juge Cavallo, chargé de l’enquête sur la disparition d’un mineur a fait valoir qu’on ne pouvait prétendre faire la lumière sur la disparition d’un enfant sans élucider d’abord celle des parents. C’est un argument juridique indiscutable et on attend aujourd’hui que la Cour de cassation annule les lois d’amnistie.



par Propos recueillis par Nicolas  Sur

Article publié le 26/12/2001