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Iran

L’arrestation d’un député ravive la crise politique

L’arrestation d’un député pour des raisons politiques – une première depuis la révolution islamique de 1979 – est sans doute le début d’une véritable crise politique. Hossein Loghmanian, député de Hamedan, a été condamné à dix mois de prison ferme pour avoir critiqué le chef du pouvoir judiciaire lors d’un discours devant le parlement.
De notre correspondant à Téhéran

«Lorsque vous êtes arrivé au pouvoir, vous aviez déclaré avoir hérité de ruines. Vous êtes en train de les détruire encore davantage», avait déclaré Hossein Loghmanian à l’adresse du chef du pouvoir judiciaire, l’ayatollah Hashemi Shahroudi. Cette phrase ainsi que quelques critiques à l’adresse de certains juges responsables de la fermeture d’une cinquantaine de journaux modérés et l’arrestation de plusieurs journalistes et responsables de l’opposition libérale, ont été fatales à Hossein Loghmanian.

Début décembre, on avait pourtant cru que les différentes factions du pouvoir avaient trouvé un accord. A l’époque, un autre député, Mohammad Dadfar, avait été condamné également à la prison, mais la justice avait accepté de ne pas appliquer cette peine. Visiblement, la justice, contrôlée par les conservateurs a décidé de ne pas tenir compte de cet accord tacite. D’autres députés risquent également de se retrouver derrière les barreaux. Ainsi, la peine de 17 mois de prison de la député de Téhéran, Fatemeh Haghighatjou, a été confirmée par la cours d’appel. Elle doit donc se présenter à la prison. Une dizaine d’autres parlementaires ont également été convoqués par la justice. Mercredi, les députés ont vivement réagi à l’arrestation de Hossein Loghmanian. «Cette arrestation est une violation de la constitution et marque un tournant dans l’action de la justice», a affirmé le principal groupe parlementaire. Dans un discours particulièrement virulent, le vice-président du parlement, Mohammad Reza Khatami, qui est aussi le frère du président iranien, a affirmé que les réformateurs n’avaient d’autres choix que de crier leur colère pour informer la population. «Comme nous l’avons montré pendant la guerre, nous n’avons pas peur. Nous sommes prêts à aller en prison, mais nous défendrons nos principes et les droits de la population», a-t-il martelé. Avant de critiquer le comportement d’une partie de l’appareil judiciaire, accusée d’avoir des arrières-pensées politiques. «Le comportement de certains juges est motivé par des raisons politiques. Pourquoi ce sont toujours les réformateurs qui sont condamnés ?», a affirmé Mohammad Reza Khatami.

Changement de tactique

La loi iranienne accord une certaine immunité parlementaire aux députés, mais la justice refuse de l’admettre. En tout cas, les réformateurs, qui contrôlent les deux tiers du parlement, sont décidés à résister à ces pressions en mobilisant l’opinion publique. Certains députés ont même proposé la démission en bloc de tous les parlementaires réformateurs. D’autres estiment que le parlement pourrait organiser un référendum pour demander à la population de trancher le débat entre réformateurs et conservateurs sur le type de société que doit avoir le pays. Mais visiblement, les conservateurs sont décidés à aller encore plus loin.

Il y a quelques jours, le président Khatami a dénoncé publiquement ces condamnations. En tout cas, l’interpellation de ce député marque un tournant dans la lutte entre les deux factions du régime. Jusque-là les conservateurs s’étaient attaqués aux journalistes et aux forces de l’opposition libérale. L’arrestation de Hossein Loghmanian est un pas de plus des conservateurs pour paralyser le parlement et le gouvernement du président Khatami. En effet, ils espèrent limiter le pouvoir du parlement. Le Conseil des Gardiens de la Constitution, également contrôlé par les conservateurs, rejette systématiquement toutes les lois votées par le parlement et qui vont dans le sens du programme de réformes des amis du président Khatami. Dernière en date, le Conseil a rejeté la loi pour encourager les investissements étrangers en estimant qu’elle permettait à des espions potentiels de se faire passer pour des investisseurs.

Après avoir observé une politique qualifiée de «calme active», les amis du président Khatami ont décidé de changé de tactique et de résister face aux pressions des conservateurs. «Nous devons reprendre l’offensive. C’est la seule manière de les empêcher de mettre des bâtons dans les roues de la politique de réformes», affirme un responsable réformateur. Mais les Conservateurs eux-mêmes semblent déterminés à ne pas reculer. Dans ces conditions, on peut s’attendre à encore plus de tensions au cours des prochains mois.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 30/12/2001