Côte d''Ivoire
Gbagbo scelle la réconciliation politique
Laurent Gbagbo recevant à déjeuner Alassane Ouattara et Robert Gueï, l’ancien premier ministre et l’ex-chef de la junte saluant ses déclarations «apaisantes» : la journée du 18 décembre 2001 restera dans les annales, après des mois d’incertitude politique.
C’est autour d’un déjeuner à la présidence, avec deux de ses principaux adversaires politiques, que Laurent Gbagbo a conclu son intervention de clôture du Forum de réconciliation nationale, ce mardi 18 décembre. Le chef de l’Etat ivoirien a convié l’ancien premier ministre Alassane Ouattara et l’ex-chef de la junte Robert Gueï à partager un repas, histoire de sceller la fin de longs mois d’incompréhension politique. Les deux hommes en ont profité pour saluer les propos «apaisants» de leur hôte.
Le grand absent aura été Henri Konan Bédié qui avait boudé la cérémonie de clôture de la grand-messe censée mettre fin aux tensions socio-politiques de ces deux dernières années. L’ancien président, renversé un certain 24 décembre 1999, a préféré éviter de rencontrer son tombeur. L’image de ces trois hommes souriant, rivalisant de propos conciliants, est toutefois, à elle seule, un événement, après des mois de tractations interminables, en particulier sur le cas du leader du RDR. Un peu plus tôt, le chef de l’Etat avait prononcé un discours qui ouvre une nouvelle phase dans le dialogue entre les «frères ennemis» ivoiriens. «Le Forum de la Nation qui prend fin est un moment fort de ce processus. Il n’en est pas le point final», a-t-il lancé d’emblée. Il a ensuite répondu, point par point, aux recommandations qui lui ont été transmises la semaine dernière.
«Pour pardonner, il faut connaître la vérité»
La constitution ? Le directoire du Forum demande son maintien en l’état, tout en préconisant la création d’un comité de juristes chargé d’en «harmoniser certaines dispositions». Laurent Gbagbo saisit la balle au bond. Estimant que «cette formulation traduit l’embarras du Forum», il réaffirme son attachement au respect de la loi fondamentale, mais propose l’organisation d’un colloque sur la question, courant 2002. La nationalité d’Alassane Ouattara ? Le Forum recommande l’examen favorable de son cas par la justice ivoirienne. «Nous avons tous compris que cette question ne relève pas du président de la République, mais bien du pouvoir judiciaire», répond le numéro un ivoirien.
Laurent Gbagbo est revenu, en outre, sur la question de la réforme foncière, important sujet de polémique en Côte d’ivoire, dans la mesure où il implique, à terme, la délivrance d’un titre de propriété aux seuls nationaux ivoiriens. Visiblement soucieux de calmer le jeu, le chef de l’Etat reconnaît que «la gravité et la persistance des conflits liés à la terre et à l’occupation du sol, risquent (…) de compromettre durablement tous nos efforts d’intégration et de cohésion nationale». Mais il annonce qu’une commission foncière rurale, récemment mise en place, aura pour tâche d’enrayer les conflits «entre Ivoiriens et étrangers, mais surtout, et on ne le dit pas assez, Ivoiriens entre eux-mêmes.»
Le président ivoirien a également abordé le sujet hautement sensible des victimes des violences post-électorales de la fin de l’année 2000, qui ont officiellement fait 303 morts et plusieurs milliers de blessés. Le Forum de réconciliation réclame la reprise des procédures, officiellement closes, dans l’affaire du charnier de 57 corps, découverts le 27 octobre 2000 à Yopougon, un vaste quartier populaire d’Abidjan. Laurent Gbagbo propose de «commettre, ou bien une commission de juges ivoiriens ou bien une institution judiciaire ivoirienne (…) pour que toute l’enquête soit reprise à zéro». Idem pour les procédures concernant les autres événements dramatiques qui ont frappé la Côte d’Ivoire à la même période.
Au terme de son intervention, Laurent Gbagbo a renouvelé une proposition, déjà faite à plusieurs reprises au RDR, de «rejoindre les autres partis dans le gouvernement». Il a, certes, rappelé son opposition à la tenue de nouvelles élections présidentielles et législatives: «les vraies élections pour nous départager se situeront en 2005». Mais il s’est dit, à l’instar d’Alassane Ouattara, d’accord pour «s’asseoir et discuter» avec ses rivaux : «aussitôt après les fêtes je vais convenir avec leurs secrétariats respectifs pour que nous puissions nous retrouver à la présidence de la République». Ces déclarations présagent-elles d’un prochain gouvernement d’union nationale, auquel participerait le parti d’Alassane Ouattara ? Dans l’entourage du chef de l’Etat on n’évoque pour l’instant qu’un possible remaniement technique. Mais à l’évidence, le climat est à la détente politique.
A écouter également:
Extrait du discours de Laurent Gbagbo
Les réactions d'Alassane Ouattara et Robert Gueï
Le grand absent aura été Henri Konan Bédié qui avait boudé la cérémonie de clôture de la grand-messe censée mettre fin aux tensions socio-politiques de ces deux dernières années. L’ancien président, renversé un certain 24 décembre 1999, a préféré éviter de rencontrer son tombeur. L’image de ces trois hommes souriant, rivalisant de propos conciliants, est toutefois, à elle seule, un événement, après des mois de tractations interminables, en particulier sur le cas du leader du RDR. Un peu plus tôt, le chef de l’Etat avait prononcé un discours qui ouvre une nouvelle phase dans le dialogue entre les «frères ennemis» ivoiriens. «Le Forum de la Nation qui prend fin est un moment fort de ce processus. Il n’en est pas le point final», a-t-il lancé d’emblée. Il a ensuite répondu, point par point, aux recommandations qui lui ont été transmises la semaine dernière.
«Pour pardonner, il faut connaître la vérité»
La constitution ? Le directoire du Forum demande son maintien en l’état, tout en préconisant la création d’un comité de juristes chargé d’en «harmoniser certaines dispositions». Laurent Gbagbo saisit la balle au bond. Estimant que «cette formulation traduit l’embarras du Forum», il réaffirme son attachement au respect de la loi fondamentale, mais propose l’organisation d’un colloque sur la question, courant 2002. La nationalité d’Alassane Ouattara ? Le Forum recommande l’examen favorable de son cas par la justice ivoirienne. «Nous avons tous compris que cette question ne relève pas du président de la République, mais bien du pouvoir judiciaire», répond le numéro un ivoirien.
Laurent Gbagbo est revenu, en outre, sur la question de la réforme foncière, important sujet de polémique en Côte d’ivoire, dans la mesure où il implique, à terme, la délivrance d’un titre de propriété aux seuls nationaux ivoiriens. Visiblement soucieux de calmer le jeu, le chef de l’Etat reconnaît que «la gravité et la persistance des conflits liés à la terre et à l’occupation du sol, risquent (…) de compromettre durablement tous nos efforts d’intégration et de cohésion nationale». Mais il annonce qu’une commission foncière rurale, récemment mise en place, aura pour tâche d’enrayer les conflits «entre Ivoiriens et étrangers, mais surtout, et on ne le dit pas assez, Ivoiriens entre eux-mêmes.»
Le président ivoirien a également abordé le sujet hautement sensible des victimes des violences post-électorales de la fin de l’année 2000, qui ont officiellement fait 303 morts et plusieurs milliers de blessés. Le Forum de réconciliation réclame la reprise des procédures, officiellement closes, dans l’affaire du charnier de 57 corps, découverts le 27 octobre 2000 à Yopougon, un vaste quartier populaire d’Abidjan. Laurent Gbagbo propose de «commettre, ou bien une commission de juges ivoiriens ou bien une institution judiciaire ivoirienne (…) pour que toute l’enquête soit reprise à zéro». Idem pour les procédures concernant les autres événements dramatiques qui ont frappé la Côte d’Ivoire à la même période.
Au terme de son intervention, Laurent Gbagbo a renouvelé une proposition, déjà faite à plusieurs reprises au RDR, de «rejoindre les autres partis dans le gouvernement». Il a, certes, rappelé son opposition à la tenue de nouvelles élections présidentielles et législatives: «les vraies élections pour nous départager se situeront en 2005». Mais il s’est dit, à l’instar d’Alassane Ouattara, d’accord pour «s’asseoir et discuter» avec ses rivaux : «aussitôt après les fêtes je vais convenir avec leurs secrétariats respectifs pour que nous puissions nous retrouver à la présidence de la République». Ces déclarations présagent-elles d’un prochain gouvernement d’union nationale, auquel participerait le parti d’Alassane Ouattara ? Dans l’entourage du chef de l’Etat on n’évoque pour l’instant qu’un possible remaniement technique. Mais à l’évidence, le climat est à la détente politique.
A écouter également:
Extrait du discours de Laurent Gbagbo
Les réactions d'Alassane Ouattara et Robert Gueï
par Christophe Champin
Article publié le 19/12/2001